L’autre moitié du soleil

Lagos, début des années soixante. L’avenir paraît sourire aux sœurs jumelles : la ravissante Olanna est amoureuse d’Odenigbo, intellectuel engagé et idéaliste ; quant à Kainene, sarcastique et secrète, elle noue une liaison avec Richard, journaliste britannique fasciné par la culture locale. Le tout sous le regard intrigué d’Ugwu, treize ans, qui a quitté son village dans la brousse et qui découvre la vie en devenant le boy d’Odenigbo. Quelques années plus tard, le Biafra se proclame indépendant du Nigeria. Un demi-soleil jaune, cousu sur la manche des soldats, s’étalant sur les drapeaux : c’est le symbole du pays et de l’avenir. Mais une longue guerre va éclater, qui fera plus d’un million de victimes.


J’ai acheté ce roman parce que ça faisait un moment que j’entendais beaucoup de bien de l’auteur, et que j’avais apprécié Chère Ijeawele, reçu à l’occasion d’une ronde des poches. Mon choix s’est porté sur ce pavé (près de 650 pages quand même) notamment parce que je n’y connais strictement rien au Biafra hormis, comme tout le monde, les atroces clichés de la famine. Pour être honnête, avant de lire ce livre, j’ignorais même que c’était avec le Nigéria que le Biafra avait fait sécession…

C’est un roman incroyable, qui m’a complètement happée. L’intrigue se déroule en deux temps, le début et la fin des années soixante, sans plus de précisions (bon, on sait que le Biafra a existé de 1967 à 1970). Outre la capacité de l’auteure à évoquer la vie des classes aisées et intellectuelles du Nigéria avant la guerre, le bouillonnement politique qui suit la décolonisation et la volonté des Noirs de se réapproprier leur histoire, elle n’hésite toutefois pas à renvoyer ses personnages à leurs contradictions, à souligner les limites et les excès de ce mouvement de fond, sans pour autant émettre de jugement.
L’immense force de C. N. Adichie demeure dans sa capacité à entremêler les thèmes graves – féminisme, racisme, décolonisation, guerre… – de façon fluide et sincère, sans jamais prêcher une morale quelconque, mais simplement en donnant à voir. J’ai adoré les recours à différentes langues, et la note de la traductrice, Mona de Pracontal, à ce propos est extrêmement intéressante. L’auteure s’est extrêmement documentée et parvient à nous faire vivre les événements, de l’émancipation du Nigéria à la chute du Biafra, sans jamais citer la moindre date.
A mon humble avis, ce livre – ou du moins des extraits, ça reste un pavé – devrait être lu par tous les lycéens travaillant sur la décolonisation.

Vous l’aurez compris, à mes yeux, Chimamanda Ngozi Adichie est un grand écrivain. Surtout quand on sait que L’autre moitié du soleil est son deuxième roman, écrit à l’âge de 27 ans. Celui-ci a d’ailleurs été adapté au cinéma, et j’aimerais bien voir le résultat, bien que je redoute que les personnages et l’intrigue perdent en épaisseur.
Etonnamment, je me suis imaginé le personnage d’Olanna sous les traits de l’actrice Lupita Nyong’o – or il se trouve que celle-ci a acheté les droits d’un autre roman de l’auteure, Americanah. Voilà un livre qui ne va pas tarder à rejoindre ma PAL.

Chimamanda Ngozi Adichie, L’autre moitié du soleil (traduction Mona de Pracontal), Folio
2018 Reading Challenge : a book with characters who are twins

3 thoughts on “L’autre moitié du soleil”

  1. Il me tarde de poursuivre dans la bibliographie d’Adichie. Sa personne est tout aussi intéressante, pour ne rien gâcher.
    J’ai hâte de lire ton avis sur Americanah (ouais, je vais vite en besogne) !

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