Le barbier de Séville

Il y a trois semaines, Leen et moi nous sommes assises dans mon canapé avec un ordinateur sur les genoux et, en désespoir de cause, nous sommes offert un abonnement à l’opéra pour la nouvelle saison. Cela faisait plusieurs mois que la chose traînait, nous n’avons donc pas pu obtenir tout ce que nous voulions (éternels regrets pour “L’enlèvement au sérail” – si une bonne âme me lit…) mais notre sélection tient quand même la route et, hier soir, c’était notre première sortie.

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“Le barbier de Séville” de Gioacchino Rossini est très fidèlement adapté de la pièce de Beaumarchais, que je me souviens avoir adorée quand je l’ai étudiée au lycée (oui, c’était au siècle dernier, mais j’ai bonne mémoire). Le comte Almaviva est amoureux de Rosine, jalousement gardée enfermée par son tuteur, Bartolo, qui souhaite l’épouser lui-même. Afin d’être aimé pour lui-même et non pour son titre, le comte se fait passer pour un étudiant du nom de Lindoro, mais ses tentatives pour attirer l’attention de la belle sont rendues difficiles par la méfiance du barbon. C’est alors que survient Figaro, ancien valet d’Almaviva devenu barbier, qui mettra sa ruse et sa roublardise au service des amants.

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Ce contexte est prétexte à une musique légère et entraînante – quoi que jamais facile, il n’y a qu’à écouter la partition de Figaro – et à une ambiance proche de la comédie de boulevard : les portes claquent, les personnages crient, s’abreuvent d’injures et se glissent des mots doux, les bons mots fusent… Pas un moment l’on ne s’ennuie, alors que le premier acte dure quand même 1h30.

Les interprètes étaient tous excellents. Outre Dalibor Jenis, considéré – à juste titre – comme un des meilleurs interprètes de Figaro à l’heure actuelle, et Karine Deshayes qui jouait Rosine, je tiens à tirer mon chapeau à René Barbera, le Comte, qui nous a fait prévenir au début du spectacle qu’il était souffrant mais a tenu à se produire (et heureusement pour nous: c’était remarquable). Tous sont d’excellents chanteurs, mais également des acteurs consommés.

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Je ne peux pas finir cette petite présentation sans m’attarder sur les décors et les lumières, car ceux-ci font partie intégrante du spectacle et servent l’histoire à merveille. L’opéra tout entier se déroule dans la “maison” de Bartolo – devenue un immeuble HLM dans une banlieue quelconque. Alors qu’au début, on n’en voit que la façade, où se meuvent les membres du chœur comme les personnages principaux, on découvre vite qu’un (gros) morceau du bâtiment se détache et tourne sur lui-même, révélant des cages d’escalier, une loge, l’appartement du tuteur… Et les chanteurs évoluent dans ce décor sans cesse en mouvement, passant d’un niveau à l’autre, tandis qu’au-dessus d’eux, dans les quartiers de Berta, la suivante de Rosine, ou dehors devant l’immeuble, on assiste à des scènes de la vie quotidienne : Figaro qui vient la coiffer, Berta qui fait sa gym devant la télé (et se fait mal au dos), les gens qui viennent boire à la terrasse du café, le vieux qui fait sa sieste dans son pliant…
L’éclairage quant à lui sert de repère temporel – il évolue tout au long de la pièce, pour reproduire l’avancée de la journée – et souligne également les moments forts de l’histoire. La clôture du premier acte, où toutes les lampes se mettent à clignoter dans un apparent désordre pendant que tous les interprètes racontent qu’ils sont en train de devenir fous est tout simplement géniale.

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Pour conclure, je dirai qu’il faut absolument y aller, ou du moins essayer de voir le spectacle dans cette mise en scène. Je n’avais pas autant ri depuis “L’Italienne à Alger” du même Rossini en 2004 et, plus récemment, “La fille du régiment” de Donizetti en 2012. La preuve qu’on n’est pas forcé de s’emmerder ni de pleurer à l’opéra.

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