Un nénuphar dans le poumon

L'Ecume des jours, réalisé par Charles Belmont
L’Ecume des jours, réalisé par Charles Belmont

Voilà une bonne dizaine de jours que je traîne une crève très virulente récupérée à force de moucher la Crevette. Depuis une semaine, je suis même l’incarnation de la poitrinaire : je tousse à n’en plus pouvoir, et même *instant glam* au point de me déclencher des nausées. Hier, cela m’est arrivé à chaque fois que j’ai avalé un médicament.
Et du coup, la situation m’a interpellée.

J’ai la chance de jouir d’une excellente santé. Le pire truc qui me soit jamais arrivé, c’est la varicelle, et je ne suis passée sur le billard qu’à deux reprises : les dents de sagesse et ma césarienne. En règle générale, j’attrape deux ou trois grosses rhinos par an, souvent quand j’ai fini une période de travail intense : c’est de bonne guerre, j’estime que mon corps me signifie ainsi qu’il doit récupérer et que ce serait bien que je passe un jour ou deux sous la couette à dormir (s’il pouvait me le signifier sans le mal de gorge, ça me conviendrait encore mieux, mais on ne choisit pas).

Pourtant, je somatise, et pas qu’un peu. Il y a bientôt dix ans quelques années, j’ai pris un job d’hôtesse d’accueil que j’estimais profondément débile et réducteur (un jour j’en reparlerai, tiens). Tout me déplaisait, mais j’avais besoin de sous pour payer mon dealer mon loyer. Et là catastrophe : la veille de mon premier jour, j’ai attrapé un gros rhume et je suis devenue aphone. Plus rien ne sortait. En voilà une coïncidence !
Or depuis quelques semaines, j’enchaîne les pépins qui, pris isolément, ne seraient imputables qu’à la fatigue mais, reliés à une nouvelle désagréable apprise à cette époque, prennent tout leur sens. Parce que cela ne me concerne pas personnellement et parce que j’estime qu’il y a une certaine pudeur à respecter, je n’ai pas abordé le sujet publiquement. Mais j’ai commencé par faire un bouton de fièvre : cela me brûlait les lèvres. Puis, dans la foulée, une espèce de brûlure ronde est apparue sur ma langue : je l’avais sur le bout de la langue. Puis le lendemain, gastro carabinée (la dernière que j’ai faite, c’est le jour où mon père est parti vivre au Canada…) : je ne le digérais pas. Et là, cette toux qui traîne et se fait de plus en plus violente : j’ai besoin d’évacuer un trop-plein.

Cette nuit, alors que je me réfugiais dans le salon pour éviter de réveiller toute la maison avec mes quintes, j’ai pris conscience de la situation. Je n’ai pas l’intention de déroger à la règle que je me suis fixée sur le sujet : ne pas en parler publiquement, du moins pas tant que ce ne sera pas résolu. J’ai même énormément de mal à m’épancher auprès de mon entourage ; d’instinct, j’ai décidé de faire bloc et d’encaisser, quitte à m’effondrer (de fatigue, notamment) plus tard. Parce que je n’ai pas vraiment le choix. Mais étrangement, depuis que j’ai mis des mots sur mon malaise, le nénuphar qui m’envahissait les poumons a commencé à se ratatiner.
Et du coup, j’ai envie de relire L’écume des jours.