Simon Boccanegra

A Gênes, au 14è siècle, le corsaire Simon Boccanegra est porté au pouvoir par la plèbe, contre les patriciens, et devient doge. Alors qu’il avait accepté cette charge dans le but d’épouser sa bien-aimée, Maria, il apprend que cette dernière est morte et révèle que la fille née de leurs amours est portée disparue.
Vingt-cinq ans plus tard, le même Boccanegra, usé par le pouvoir, croit retrouver sa fille et ainsi être en mesure de régler les querelles incessantes entre les deux partis.


Ce fut l’opéra que j’ai failli ne pas voir. Après un trajet épique et un placement rocambolesque, j’ai passé la première heure et demie debout dans un recoin de la salle de Bastille, avant de gagner enfin mon siège. La dernière fois que j’en ai autant sué pour un spectacle, c’était pour assister à Lear d’Aribert Reimann, et j’étais partie à l’entracte. Alors, qu’est-ce que ça donne cette fois-ci ?

N’ayant pas eu le temps d’acheter le programme et donc de lire l’argument, j’ai eu un mal de chien à comprendre qu’il s’était écoulé vingt-cinq ans entre le prologue et la suite du récit. Pas de changement de décor, peu de changements des personnages, à ceci près que Boccanegra se lisse les cheveux en arrière et troque sa veste en cuir pour un costume et des lunettes.
Ludovic Tézier tient parfaitement son rôle, déchiré entre la politique et l’amour paternel. Les autres chanteurs sont également à la hauteur, en particulier Mika Kares en Fiesco (grande découverte de la soirée). A titre personnel, j’ai trouvé Maria Agresta un tout petit trop dans le vibrato (mais c’est peut-être parce que j’ai passé le premier acte à un endroit bizarre).
La direction musicale de Fabio Luisi est précise, et retranscrit toutes les nuances sans tomber dans le “poum-poum-poum” qu’il est facile d’attribuer à Verdi. Quant aux chœurs, comme toujours, ça envoie du lourd, et j’ai même senti le plancher vibrer à un moment, c’était très cool. Oui, je vais à l’opéra pour en prendre plein les oreilles.

Parlons des choses qui fâchent : la mise en scène. J’avoue que je ne suis pas très fan du travail de Calixto Bieito à la base, mais j’essaie de garder l’esprit ouvert.
J’ai apprécié l’idée de l’épave de cargo symbolisant le passé de corsaire du héros, et éventuellement le choix de costumes évoquant l’Italie populaire des années 1960 (même si, dans ce genre, Le barbier de Séville fait ça beaucoup mieux…).
En revanche, le décor intégralement noir, le bateau gris métallique sombre dont la carcasse est soulignée de néons, et qui tourne sur lui-même pour on ne sait quelle raison, le sol noir… ça fait mal aux yeux et c’est pas bien joyeux. On a compris que c’était un drame, était-il nécessaire d’en faire des tonnes ? Par ailleurs, je commence à en avoir marre de ces recours systématiques et pas forcément heureux à la projection vidéo (pourquoi une jeune femme à poil sur laquelle courent des rats à l’entracte ? pourquoi forcer Ludovic Tézier à regarder fixement la caméra pendant 10 minutes tandis que ses petits camarades poursuivent l’intrigue ?). Je pense que je vais finir par éditer un bingo de l’opéra de Paris, ce sera rigolo.
Enfin, j’aimerais qu’on m’explique la présence de la figurante incarnant le spectre de Maria. On se doutait bien qu’elle pesait sur l’histoire… Et pourquoi l’amener dans une bâche en plastique, se débattant faiblement comme si elle avait été agressée et la faire agoniser en scène ? Pourquoi fallait-il qu’elle se balade seins nus à partir du deuxième acte ? 

Bref, si j’ai passé une bonne soirée, que j’ai été emportée par le chant et la musique, j’avoue que le reste n’a pas été à la hauteur à mes yeux…