Berezina

“Il y a deux siècles, des mecs rêvaient d’autre chose que du haut-débit. Ils étaient prêts à mourir pour voir scintiller les bulbes de Moscou”. Tout commence en 2012 : Sylvain Tesson décide de commémorer à sa façon le bicentenaire de la retraite de Russie. Refaire avec ses amis le périple de la Grande Armée, en side-car ! De Moscou aux Invalides, plus de quatre mille kilomètres d’aventures attendent ces grognards contemporains.


J’ai découvert Sylvain Tesson en lisant Dans les forêts de Sibérie à l’occasion du Cold Winter Challenge (j’y reviendrai bientôt). Si son introspection m’avait parfois agacée, j’en ai eu une suffisamment bonne impression pour lire ce deuxième ouvrage, consacré à un projet un peu fou en lien avec les commémorations napoléoniennes. En réalité, j’avais offert Berezina dans l’édition avec les photos de Thomas Goisque à l’Anglais l’an dernier, et je me suis dit que c’était l’occasion.

Sylvain Tesson a un talent essentiel pour un auteur de livres de voyages : il sait écrire et captiver son lecteur. Son style est généralement inspiré, souvent drôle, que ce soit par ses réflexions ou par son autodérision. Et dans cette aventure, il fallait sans doute avoir le sens de l’humour solidement accroché, tant on sent le froid mordre les motards, la boue, la neige et le vent se déchaîner contre eux, la mécanique lâcher sournoisement… L’auteur sait nous faire rire de ses petits malheurs, mais partage également ses réflexions sur la retraite de Russie, ajoutant au passage quelques précisions historiques bienvenues. Vous apprendrez notamment que dire “C’est la Berezina” pour dire “C’est l’Apocalypse” est très surfait (je plaide coupable, j’aime beaucoup cette expression même si elle est galvaudée).
Les voyageurs ont eu le mérite de se plonger dans les mémoires de l’époque sur cet épisode si peu glorieux de la Grande Armée, et le livre est parsemé de références. Ajoutez à cela de très belles photos des paysages traversés, et vous aurez un ouvrage qui aura le don de vous transporter sans bouger de chez vous. J’ai beaucoup apprécié ma lecture, davantage que Dans les forêts de Sibérie, probablement parce que, l’auteur étant en mouvement, il se livre moins à l’introspection. Une lecture divertissante et dépaysante.

Berezina, Sylvain Tesson et Thomas Goisque, Gallimard

2018 Reading Challenge : A book with two authors

La nuit la neige

Décembre 1714, à Jadraque (Espagne), Anne-Marie des Ursins, depuis vingt ans au service du roi Philippe V d’Espagne, vient à la rencontre d’Elisabeth Farnèse, duchesse de Parme, dans quelques jours la nouvelle épouse du souverain. Que se passe-t-il durant cette entrevue si brève ? Brutalement, Anne-Marie des Ursins est congédiée par la future reine d’Espagne, et aussitôt conduite sur le chemin de l’exil.
Bien des mois, bien des années plus tard, les deux femmes – qui désormais ne se croiseront plus – continuent de passer au tamis de leur mémoire cette décisive nuit de Jadraque. Et les récits s’entrelacent, tissant peu à peu l’Histoire de près d’un siècle de rivalités des Habsbourg et des Bourbons en terre d’Espagne, à travers les alliances, les enfantements, les combinaisons les plus intimes et les plus “domestiques” de la politique.


J’avais déjà lu un ouvrage de Claude Pujade-Renaud – Dans l’ombre de la lumière, pour celles et ceux qui voudraient lire un roman historique se déroulant pendant l’Antiquité – et j’avais été happée par ce récit. Aussi, lorsque j’ai vu des dizaines d’exemplaires d’autres romans et nouvelles de l’auteure au Salon du Livre, n’ai-je guère hésité, et mon choix s’est porté sur cet ouvrage en raison de la période abordée.

Claude Pujade-Renaud a une plume incroyable. Elle intercale les récits à la première personne de chaque témoin de l’époque, prêtant une voix particulière à chacun des sept ou huit protagonistes qui s’expriment. Elle parvient à trouver un ton juste pour une femme de chambre, un abbé de cour, une petite princesse (la fameuse Marie-Anne Victoire du film L’échange des princesses)…
Pratiquant le retour en arrière avec un art consommé, la romancière nous plonge dans le flux de conscience de ses personnages, qui sautent parfois d’un détail à un autre, qui évoquent un souvenir suscité par un objet, une tâche ou un autre souvenir, qui nous livrent ce qu’ils ont de plus intime. Et en entremêlant toutes ces voix, tous ces témoignages, elle parvient à bâtir une oeuvre qui n’évoque plus seulement l’événement de Jadraque, mais plus largement les femmes et leur rapport au pouvoir et la façon dont elles s’en emparent et peuvent en être punies ou récompensées.

Enfin, ce roman est extrêmement bien documenté et se fonde sur des bases historiques très solides, donnant du corps aux intrigues et aux retournements politiques, apportant les éclaircissements nécessaires à la difficile question de la succession d’Espagne au 17ème siècle.

Vous l’aurez compris, cette lecture a été un coup de coeur de bout en bout, et a confirmé mes soupçons : Claude Pujade-Renaud risque fort de devenir mon auteur contemporain préféré !

La nuit la neige, Claude Pujade-Renaud, Babel

2018 Reading challenge : a book with a weather element in the title

Cold winter challenge

Source

Je saute dans le train en marche en décidant de participer au Cold Winter Challenge. Il s’agit d’un défi lecture se déroulant du 1er décembre au 31 janvier, et dont le but est de lire des ouvrages en rapport avec le froid, la neige, la magie de Noël, etc.
Comme j’aime l’idée d’un défi lecture, surtout quand celui-ci me permet d’écluser un tas de machins dans ma PAL et de publier des photos plus ou moins inspirées sur Instagram, je vous présente les catégories et les livres que je compte y associer. Avec un peu de chance, je pourrai même boucler une ou deux catégories supplémentaires pour le 2017 Reading Challenge. Je reprends la liste proposée sur le blog de Margaud.

  • La magie de Noël : lire un livre en lien avec cette fête (de près ou de loin)
  • Flocons magiques : lire un livre du genre fantasy, fantastique…bref magique, mais pas forcément en lien avec Noël ou l’hiver.
  • Marcher dans la neige : lire un livre de nature writing, de littérature de voyage
  • Stalactites ensanglantées : lire un polar/thriller qui se passe durant l’hiver, ou durant une période froide. Là on est mal partis, je ne lis quasiment pas de polars.

Et voici ma propre liste. Je ne sais pas si j’aurai le temps de tout lire, ou si j’arriverai à me concentrer exclusivement sur cette sélection (je suis un peu girouette en matière d’envies de lecture). J’ai divisé la sélection en deux parties : les ouvrages qui rentrent précisément dans les catégories énoncées, et ceux qui pourraient s’il existait une catégorie “neige historique”. Je me réserve bien entendu le droit d’acheter un ou des bouquin(s) qui rentrerai(en)t expressément dans une des catégories.
Rendez-vous fin janvier pour le bilan !

Christmas Eve at Friday Harbor, Lisa Kleypas. Je triche, je l’ai déjà lu, mais cette novella romantique sur le thème de Noël au large de Seattle me plaît beaucoup, c’est l’occasion de la relire.
The Winter King, C. L. Wilson
Dans les forêts de Sibérie, Sylvain Tesson (en cours)
La mer des Cosmonautes, Cédric Gras
L’ombre de la route de la Soie, Colin Thubron

 

 

 


Petites sagas islandaises
L’esclave islandaise, Steinunn Johannesdottir
La nuit la neige, Claude Pujade-Renaud

Je est un Juif, roman

Je suis tombée par hasard sur ce recueil, alors que je cherchais les poèmes de Louise Labé chez le même éditeur. Jamais découragée par l’achat d’un nouveau bouquin, le peu que j’ai lu de l’introduction, relatant les origines et la formation morale de Charles Dobzynski a piqué ma curiosité, et j’ai fini par emporter ce petit volume qui me faisait de l’œil.


Juif polonais, Charles Dobzynski est arrivé en France à l’âge d’un an et vécu la guerre, échappant à la rafle du Vel’ d’Hiv’ et passant très jeune dans la clandestinité. Sa vocation de poète est précoce, il publie ses premiers textes à 19 ans dans des journaux résistants.
Je est un juif, roman, est un recueil qui revient sur sa vie entière en tant que Juif, Français, et poète. Les textes sont courts, incisifs, ciselés même. Charles Dobzynski revendique sa judéité sans jamais mettre de côté son esprit critique, évoquant cette ambivalence qui étreint beaucoup de Juifs dans leur rapport à Israël, par exemple. Il dit aussi, en des poèmes brefs mais poignants, l’horreur de la rafle, l’angoisse de la fuite, la dispersion de sa famille. la vie persécutée par les nazis.

Cette lecture, quoique courte, n’est pas facile et n’intéressera probablement pas tout le monde, mais je ne peux m’empêcher de la recommander pour tous les questionnements auxquels le poète tente d’apporter des réponses.

Je est un Juif, roman, Charles Dobzynski, NRF Gallimard

Fille de joie

L’histoire que voici se déroule au Japon à l’orée du XXe siècle. A quinze ans, Ichi est vendue au tenancier d’une maison close par ses parents, seule possibilité de survie pour cette famille de pêcheurs. Pas vraiment belle, sauvageonne, l’adolescente parle une langue insulaire proche du chant des oiseaux, mais elle est néanmoins placée dès son arrivée sous la tutelle de la courtisane la plus recherchée du quartier réservé. Devenue l’une de ses suivantes, Ichi reçoit de la part de cette dame des leçons d’élégance, de savoir-vivre, elle est initiée aux rites de la séduction, à ceux de la soumission. Et malgré la violence de leur condition, il se trouve néanmoins en ces lieux une chance inestimable pour les prostituées, une possibilité d’échappées qu’Ichi va saisir : la loi oblige les tenanciers de maison close à envoyer leurs filles de joie à l’école. Assidue, Ichi apprend à lire, à compter, à écrire, elle peut ainsi consigner sa nostalgie, décrire ses peurs quotidiennes. Avec le temps et soutenue par une institutrice, elle prend conscience du pouvoir que lui procure le savoir et, comme d’autres autour d’elle, décide de se rebeller.


Je connaissais déjà Murata Kiyoko pour avoir lu Le Chaudron il y a quelques années, et dont j’avais adoré l’atmosphère. Du coup, lorsque j’ai découvert ce nouveau roman, je me suis jetée dessus (après quelques hésitations à base de “Oui mais tu as déjà 30 bouquins en attente”).

C’est un très beau roman, qui met presque exclusivement en scène des femmes dans ce “monde à l’envers” qu’est le quartier réservé. De l’institutrice à la courtisane de haut vol, de la servante à l’apprentie, toutes cherchent à s’élever, à s’arracher à leur condition selon leurs armes. Située à un tournant politique de l’ère Meiji, l’histoire met en exergue la situation à la fois précaire et détestable des prostituées, considérées comme du bétail et non comme des êtres humains, insistant sur la nécessité de leur éducation.
J’ai adoré ce livre, qui m’a happée. La traduction est en outre excellente (malgré deux ou trois coquilles), et le personnage d’Ichi, qui ne rentre dans aucune case, truculent. C’est un roman résolument féministe, dont on ressort à la fois ébranlé et ravi.

Murata Kiyoko, Fille de joie, Actes Sud

Reading challenge 2017 : A book about a difficult topic

Cuisine, marxisme et autres fantaisies

C’est le récit du chef de cuisine du Maxim’s de Pékin, entre 1984 et 1987. Durant ces années, cuisine capitaliste et idéologie marxiste se sont télescopées en un duel jubilatoire, hilarant et baroque.
À un tournant de l’histoire de la Chine moderne, l’ouvrage relate les bouleversements politiques d’alors, à l’échelle d’un restaurant, de sa cuisine, de sa carte. Mais d’autres mystères seront aussi dévoilés aux camarades gastronomes, comme les charmes insupportables de Mme Ko du stock, les puissances du ronflement chinois, l’énigme des boules de suif de Big Bouddha, la rage des tortues cannibales ! Disséminées dans le livre, 19 recettes typiques de cette époque et qui étaient à la carte du célèbre restaurant.


J’ai acheté ce livre pour deux raisons : l’auteur, Stéphan Lagorce, est un des journalistes qui ont contribué à fonder la revue 180°C dont je vous ai parlé en long, en large et en travers. Et puis j’adore les Editions de l’Epure, dont les ouvrages, toujours soignés, sont une invitation à la gourmandise et à l’évasion. Dans la même série, j’avais adoré Aujourd’hui caviar, demain sardines, de Carmen et Gervasio Posadas, qui narrait leur vie avec leurs parents, ambassadeurs du Venezuela dans les années 60-70 et mêlait aussi des extraits de journaux de leur mère (je recommande, c’est à la fois drôle, divertissant et intéressant).

Bref. L’ouvrage de Stéphan Lagorce raconte son expérience de chef de cuisine au Maxim’s de Pékin, lancé l’année précédente par Pierre Cardin, à une époque où nul n’envisageait de faire commerce avec la Chine populaire, et encore moins y “vendre” l’Occident dans toute sa décadence capitaliste. C’est pourtant la mission du narrateur, qui s’en acquitte de son mieux, en faisant au mieux avec les contingences matérielles et administratives locales.
La découverte de cette dictature communiste (et le bref passage par l’aéroport de Moscou) est à la fois drôle et poignant. Stéphan Lagorce demeure, à mon sens, respectueux de cette culture dont on sent qu’il est tombé amoureux (chose importante à souligner : il a fait l’effort, dès le départ, d’apprendre le chinois).

On rit beaucoup (j’ai eu les larmes aux yeux en découvrant l’histoire du réveillon 1985), on s’émerveille un peu, on frissonne parfois… Et on salive aussi ! La description des mets, occidentaux comme chinois, et les recettes qui l’accompagnent sont une ode à la gourmandise. J’ai bien envie de tenter quelques réalisations.
C’est un livre bref, moins de 200 pages, mais qui se lit tout seul et avec beaucoup de plaisir. Si l’on peut éventuellement faire un reproche au texte, c’est un style parfois un peu trop recherché, mais je pense que cela dépend de la sensibilité de chacun.

Cuisine, marxisme et autres fantaisies – Pékin 1984, Stéphan Lagorce, éditions de l’épure

2017 Reading challenge : a book that’s published in 2017

Le Guépard

En 1860, une aristocratie décadente et appauvrie, sourde aux bouleversements du monde, règne encore sur la Sicile. Mais le débarquement des troupes de Garibaldi amorce le renversement d’un ordre social séculaire. Conscient de la menace qui pèse sur les siens, le prince de Salina se résigne à accepter l’union de son neveu Tancrède avec la belle Angélique, fille d’un parvenu. Ultime concession qui signe la défaite du Guépard, le blason des Salina…


Ce roman est extrêmement connu, pas forcément en tant que tel, mais parce qu’il a fait l’objet d’une flamboyante adaptation cinématographique quelques années après sa publication, qui lui a valu une Palme d’Or à Cannes. J’ai mis des années à voir ce film, mais j’ai enfin pu rattraper ce retard l’hiver dernier, à l’occasion d’une rediffusion sur Arte, et je suis tombée sous le charme.
Aussi, lorsque j’ai aperçu le roman chez mon libraire, je me suis jetée dessus en me disant que ce devrait être au moins aussi bien que le film. C’est encore mieux que ça.

L’écriture de Tomasi di Lampedusa est belle, poétique, fouillée. Tout au long de ma lecture, je me suis dit que l’auteur avait quand même fait de sacrées recherches sur l’aristocratie sicilienne car on s’y serait cru – et à mi-parcours, j’ai découvert qu’il était lui-même prince sicilien, ceci expliquant cela. Contrairement à ce que j’avais cru à l’origine, on ne s’attaque pas à tant à Tancredi et à son histoire avec Angelica qu’au prince de Salina, dont le guépard est l’emblème. Ce sont les réflexions et les états d’âme de ce personnage qui guident le lecteur, alors même que le récit est le fait d’un narrateur omniscient.


L’histoire nous plonge dans ce tournant de la vie italienne, lorsque Garibaldi a tenté d’imposer la démocratie (et s’est est tiré avec l’unification du pays sous la bannière d’une monarchie), et alors que la vieille aristocratie se trouve forcée de composer avec la bourgeoisie montante, sous peine de disparaître, enterrée par les bouleversements sociaux et politiques. Cela est particulièrement souligné par le personnage de Tancredi qui s’exclame : “Il faut que tout change pour que rien ne change”.

Au final, ce roman relativement court (à peine 300 pages) est une magnifique fresque évocatrice. On sent le vent qui charrie les parfums siciliens, on déambule dans les palais, on est écrasé de chaleur… Mais ce qui tire en outre le récit vers le haut est cette perpétuelle interrogation du héros sur la condition humaine et sur la transmission. Je recommande chaleureusement.

Le Guépard, Giuseppe Tomasi di Lampedusa, Points, 7,70€

Challenge PAL de vacances : le titre contient un mot désignant un animal

Misty Copeland, Une vie en mouvement

Un prodige. C’est ainsi que la qualifie Cindy, sa professeur de danse, lorsqu’elle voit Misty Copeland s’élancer pour la première fois sur ses pointes. Rien ne semblait pourtant destiner cette jeune fille née dans un foyer instable, fan de Mariah Carey et de hiphop, à intégrer le monde élitiste de la danse classique. A force de persévérance et de sacrifices, elle parvient à gravir les échelons de sa discipline jusqu’à atteindre son rêve : le prestigieux American Ballet Theatre. Mais il lui faut d’abord vaincre le plus insupportable des préjugés : être noire dans l’univers fermé des ballerines immaculées.


J’avais entendu parler de Misty Copeland il y a quelques années, probablement lorsque l’ABT (American Ballet Theatre, sa compagnie) l’a promue première danseuse. J’ai alors lu plusieurs articles sur les très (trop) rares ballerines noires dans le milieu fermé de la danse classique et le racisme ambiant, problème également soulevé par Benjamin Millepied lors de son bref passage à la tête du ballet de l’Opéra de Paris. J’aurais par ailleurs voulu voir danser Misty en septembre dernier, lors du passage de l’ABT à Bastille, mais ce n’est pas tombé le bon soir. Du coup, cette autobiographie m’intéressait à plus d’un titre.

C’est intéressant, bien écrit (en collaboration, bien entendu), avec un style journalistique vif et une narration à la première personne. On suit la vie de Misty un peu comme une aventure ou un film, avec d’autant plus de plaisir que l’on sait que le “bien” triomphera et que les tribulations seront surmontées. Misty Copeland est un peu présentée en héroïne des temps modernes, sans que ce soit trop exagéré.
Après, il faut bien entendu souligner que c’est du storytelling à l’américaine, où le personnage principal apprend toujours de ses erreurs, est toujours humble et remercie toutes les personnes qui ont croisé sa route…

Mais le propos principal du livre, la lutte de Misty Copeland contre le racisme latent de son milieu professionnel et artistique, est très intéressant. On découvre ainsi les rares femmes noires qui l’ont précédée sur scène, ainsi que quelques hommes. On prend conscience du fait que ce racisme se fonde, qu’on le veuille ou non, dans l’imagerie même du ballet (les fameux “ballets blancs”).

Est-ce que ce livre est pour vous ? Si vous aimez la danse, et en particulier la danse classique, si vous cherchez quelque chose de rapide à lire, si la question de la représentativité des personnes noires ou racisées dans notre société vous intéresse mais que vous souhaitez un exemple concret, oui, tout à fait. Je recommande volontiers ce livre. Et j’ai encore plus envie d’essayer de voir danser Misty Copeland un jour !

Misty Copeland, Une vie en mouvement – Une danseuse étoile inattendue, éditions 10/18

2017 Reading challenge : A book about an interesting woman

L’amie prodigieuse

Elena et Lila vivent dans un quartier pauvre de Naples à la fin des années cinquante. Bien qu’elles soient douées pour les études, ce n’est pas la voie qui leur est promise. Lila abandonne l’école pour travailler dans l’échoppe de cordonnier de son père. Elena, soutenue par son institutrice, ira au collège puis au lycée. Les chemins des deux amies se croisent et s’éloignent, avec pour toile de fond une Naples sombre, en ébullition. Formidable voyage dans l’Italie du boom économique, L’amie prodigieuse est le portrait de deux héroïnes inoubliables qu’Elena Ferrante traque avec passion et tendresse.


J’ai enfin pris le temps de lire ce roman dont je n’ai entendu que du bien et, généralement, monts et merveilles. Est-ce à cause de ces louanges dithyrambiques ? Toujours est-il que j’ai éprouvé une vague déception.
Elena Ferrante nous entraîne dans la vie d’un quartier populaire de Naples dans les années 50 et 60, et le fait avec une vérité, une précision et une franchise qui nous happe. Sa description des caractères donne vie non seulement aux personnages, mais au décor tout entier, sans que l’on dispose de réels éléments “visuels”. On s’attache aux protagonistes, malgré ou grâce à leurs défauts qui les rendent si humains. On vit les changements qui s’amorcent dans cette Italie post-fasciste.

Néanmoins, je n’ai pas été bouleversée. Je m’attendais sans doute à quelque chose qui allait révolutionner mon rapport à la littérature, à un chef-d’oeuvre, peut-être, à une claque littéraire. Ce ne fut pas le cas. Elena Ferrante écrit très bien, son roman est passionnant, mais je n’ai pas eu de révélation. Pour être honnête, aux alentour de la page 120, je m’ennuyais, si bien que j’ai failli laisser tomber ma lecture (le caractère particulièrement pénible de la fameuse amie n’était pas non plus pour aider). Le salut est venu du retour de Rome en avion et d’une discussion au sujet de ce roman avec une de mes collègues, qui éprouvait la même chose que moi.
Alors, Elena Ferrante est-elle surévaluée ? Non. C’est clairement un grand auteur contemporain, qui a des choses à dire et les formule de façon remarquable. Je lirai avec plaisir la suite de sa série. Mais je pense qu’on se trouve là face à ce qu’on appelle parfois un “phénomène d’édition”, où un livre décolle d’un coup sans savoir exactement ce qui le rend meilleur qu’un autre (dans ce cas, peut-être à l’anonymat prolongé de son auteur). Mais si vous aimez les sagas, l’Italie, l’histoire des femmes, les Trente Glorieuses, que sais-je encore, lisez-le.

L’amie prodigieuse, Elena Ferrante, Folio

Reading Challenge 2017 : The first book in a series you haven’t read before

Silence

Japon, 1614. Le shogun formule un édit d’expulsion de tous les missionnaires catholiques. En dépit des persécutions, ces derniers poursuivent leur apostolat. Jusqu’à ce qu’une rumeur enfle à Rome : Christophe Ferreira, missionnaire tenu en haute estime, aurait renié sa foi. Trois jeunes prêtres partent au Japon pour enquêter et poursuivre l’oeuvre évangélisatrice…


Alors que j’ai étudié le japonais et que j’aime beaucoup la littérature japonaise du 20ème siècle, j’avoue n’avoir jamais ouvert d’oeuvre d’Endô Shûsaku. Peut-être parce que le personnage semblait austère, ou parce que ses écrits me parlaient moins que ceux de Tanizaki ou Kawabata, toujours est-il qu’il a fallu attendre la sortie du film éponyme de Martin Scorcese pour me pousser à acheter ce roman.
Quelle erreur d’avoir attendu si longtemps ! En toute honnêteté, ce livre est un chef-d’oeuvre. Récit à voix multiples, qui mêle différents types d’écrits (lettres, narrateur omniscient, extraits de journaux…), Silence est l’histoire d’une foi missionnaire confrontée à la réalité du Japon.
Converti à la foi catholique dans les années 1930, Endô puise clairement dans son expérience personnelle à la fois pour parler des persécutions atroces dont ont été victimes les chrétiens du Japon au 16ème siècle, et la question qui réside au cœur de son personnage principal : celle du silence de Dieu devant les tribulations de ses fidèles.
Ce roman magnifique, souvent dur, humain, m’a happée et ne m’a pas laissé de repos avant de l’avoir fini. Je ne peux que vous conseiller de le lire, que vous soyez ou non sensible à la question religieuse.

Reading Challenge 2017 : A book that’s becoming a movie in 2017