La Fille de neige

Il y a seize ans, est née Snegourotchka (Fleur de Neige), fruit des amours de Dame Printemps et du Père Gel. Protégée par ses parents de la jalousie du dieu soleil Yarilo qui promit de réchauffer son cœur lorsque, devenue adulte, elle tomberait amoureuse, Snegourotchka l’enfant de neige est envoyée chez les Bérendeïs, une communauté qui suit les rites slaves, et confiée à l’Esprit des bois…

J’allais voir cet opéra sans trop savoir à quoi m’attendre, comme souvent, même si les quelques photos publiées sur les réseaux sociaux par l’ONP laissaient présager quelque chose d’assez spectaculaire. Et c’était le cas, mais dans le bon sens du terme.

Les interprètes étaient excellents avec, encore une fois, une mention spéciale aux chœurs qui s’amusaient visiblement et ponctuaient leur performance de danses et de rires.
Aida Garifullina, dans le rôle-titre, était éblouissante, dotée d’une grande présence sur scène et d’un jeu tout en délicatesse. Face à elle, Yuriy Mynenko en Lel, était tout aussi bon. Une magnifique voix de contre-ténor (j’avoue, j’ai un faible pour ce genre de tessiture – vous pouvez en avoir un aperçu ici), très pure, avec des passages qui m’ont évoqué la musique baroque. Mais pour contrebalancer ce côté “pâtre à la voix d’or perdu dans la forêt”, l’artiste campe un personnage fat et imbu de lui-même, un vrai bellâtre remettant sans cesse sa longue chevelure blonde en place. Un excellent ressort comique, d’autant qu’il a été bien exploité.
Il faut encore rendre hommage à Martina Serafin, en Koupava, excellente quand elle pose pour des photos avec son fiancé ou touchante quand elle exprime sa colère et son amertume d’avoir été abandonnée. Le tsar Bérendeï, interprété par Maxim Paster visiblement au pied levé, était aussi très bien, à mi-chemin entre le roi de Carnaval et le druide.


La mise en scène, signée Dmitri Tcherniakov qui, s’il m’avait convaincue sur Iolanta, m’avait complètement laissée froide sur Casse-Noisettes l’an dernier, est cette fois-ci à la fois originale, lisible, moderne tout en respectant la légende. Un vrai plaisir. Du même coup, les costumes mêlent modernité (les Bérendeïs vivent dans des caravanes, retirés volontairement du monde) et tradition slave (superbes tenues évoquant bien les Rus).
Les décors sont magnifiques. Si le prologue se situe dans une classe de danse, qui m’a semblé un clin d’œil à l’ère soviétique, tout en justifiant la chorégraphie des petits oiseaux interprétés par un chœur d’enfants, le reste de l’action se déroule dans la forêt, à différents endroits (le camp des Bérendeïs, une clairière pour les festivités, les frondaisons les plus épaisses…). Une quinzaine d’arbres immenses était même disposée sur le décor, parfois mouvant. Une vraie prouesse.


Tout cela m’a laissé une impression d’assister à une version russe du Songe d’une nuit d’été, avec une fin beaucoup moins drôle, bien entendu, c’est la Russie, pas Shakespeare. Malgré la longueur du spectacle (3h45 avec un entracte), j’ai passé un excellent moment, et j’en suis ressortie la tête pleine de musique.

La Fille de neige, de Nikolaï Rimski-Korsakov, Opéra Bastille, jusqu’au 3 mai 2017