Musée d’art et d’histoire du Judaïsme

Jeudi dernier, nous avions prévu de zoner dans le canapé en regardant d’un oeil morne les programmes du 14 juillet (en mode “parents qui n’ont pas d’enfant à gérer et qui en profitent à fond). C’était sans compter Free et sa gigantesque panne sur le sud-ouest parisien qui nous a privés d’internet et de télé pendant… 17 heures. Autant dire qu’on risquait fort de mourir d’ennui à petit feu.
Or, Monsieur s’est souvenu qu’il voulait visiter l’exposition dédiée à Lore Kruger (“Une photographe en exil”) qui se tenait au musée d’art et d’histoire du Judaïsme. Après une rapide vérification (heureusement, il restait la 3G), nous voilà partis.

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Le musée est installé dans l’ancien hôtel Saint-Aignan, au cœur du Marais, dans un bâtiment absolument somptueux. Celui-ci, bâti au 17ème siècle, fut “découpé” à la fin du 20ème siècle et accueillit de nombreuses familles juives réfugiées d’Europe de l’Est pendant l’entre-deux-guerres. La restauration est superbe, tout est impeccable (et le grand ciel bleu ne gâchait rien).

Les collections permanentes présentent, au premier étage, le peuplement juif en France et en Europe du moyen-âge au 20ème siècle. C’est sans doute l’endroit que j’ai préféré : grâce à quelques vestiges d’une grande rareté (dont une menorah du 14ème siècle), on peut avoir un aperçu de la vie des Juifs, à la fois au ban de la société et au cœur de la cité. Les panneaux expliquent de façon succincte et claire les différents mouvements migratoires liés aux expulsions et aux persécutions (où l’on apprend entre autres que la France fut le seul pays à se soumettre au décret pontifical appelant à expulser les Juifs – merci Saint Louis).
A mesure qu’on avance dans le temps, des œuvres plus “tangibles” (livres imprimés, bijoux, gravures…) viennent illustrer la vie juive et la réflexion que celle-ci suscite au sein même de la communauté tout au long de l’époque moderne.

Fragments de stèles funéraires juives (où l'on découvre que l'assimilation est un concept ancien, vu que certain-e-s portaient des noms très français, comme Belle)
Fragments de stèles funéraires juives (où l’on découvre que l’assimilation est un concept ancien, vu que certain-e-s portaient des noms très français, comme Belle)

Le second étage, consacré aux traditions juives, m’a moins intéressée. C’est très fouillé, mais je commençais à en avoir plein les pieds et le folklore au sens large n’a jamais trop été ma tasse de thé. Néanmoins, les pièces présentées sont superbes – j’ai notamment beaucoup apprécié les costumes traditionnels du 19ème siècle et la série de photographies d’une famille de notables parisiens.

Edouard Moyse (1827-1908)
Edouard Moyse (1827-1908)

Enfin, les expositions temporaires (deux pour le prix d’une !). D’abord celle sur Edouard Moyse (jusqu’au 15 août), peintre de la seconde moitié du vingtième siècle, présenté comme un “peintre israélite” (ainsi qu’on les décrivait à l’époque). Grâce à quelques oeuvres majeures et à des esquisses, croquis, pastels… on entre dans l’univers de cet artiste qui a eu à coeur de représenter la vie religieuse et privée de ses coreligionnaires. Par ailleurs, le peintre exploite la veine orientaliste, très en vogue à l’époque, d’une façon toute personnelle, en représentant des Juifs d’Afrique du Nord, par exemple avec une scène dans la yeshiva ou dans des synagogues locales.
C’est aussi un artiste engagé qui voulait mettre en lumière l’histoire de son peuple en France, comme en témoigne son tableau sur la convocation du Sanhédrin par Napoléon, que l’on peut assimiler à de la peinture d’histoire, mais aussi dénoncer les persécutions, en déplaçant la critique sur une autre époque (en particulier le moyen-âge).

Lore Krüger par son professeur, Florence Henri
Lore Krüger par son professeur, Florence Henri

Seconde exposition, dédiée à Lore Krüger, traductrice allemande de romans anglo-saxons, mais aussi photographe pendant une dizaine d’années, de son arrivée à Paris, chassée par l’arrivée d’Hitler au pouvoir, à son retour à Berlin-Est après la guerre (son mari et elle étaient communistes, la destination était choisie).
Peu de tirages demeurent de son oeuvre, redécouverte à la fin de sa vie par deux étudiantes allemandes. Pourtant, l’artiste a vécu tous les soubresauts de la seconde guerre mondiale, d’abord en France, où elle fut internée plusieurs mois, puis à Majorque, où vivaient ses parents et où elle assista au massacre de résistants par les forces franquistes, et enfin aux Etats-Unis où elle contribua par ses portraits à la revue The German American, qui visait à montrer un autre visage de l’Allemagne aux Américains.
Son oeuvre, malheureusement brève, est intéressante à la fois comme témoignage de choses vues (elle a réalisé quelques reportages photographiques) mais aussi comme engagement politique, visant à dénoncer le nazisme et le franquisme. Certains clichés ont beaucoup résonné en moi, tandis que ses explorations artistiques, notamment avec les photogrammes, m’ont laissée un peu plus froide.

Quoi qu’il en soit, ce fut une visite très enrichissante, et je pense que nous retournerons volontiers au mahJ à l’occasion d’autres expositions ou pour approfondir la partie historique.

Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, 71 rue du Temple, 75003 Paris (fermé le samedi)

Visite en famille au Musée des arts forains

Voilà plusieurs années que, pendant les fêtes, je vois passer sur Facebook des photos de copains partis s’amuser au musée des arts forains : montés sur des manèges, dansant dans les pièces, assistant à des spectacles… Si l’esthétique foraine en tant que telle ne m’attirait pas forcément plus que cela, l’idée d’un musée où tout est accessible m’attirait. En outre, la visite est fortement recommandée avec des enfants et, vu que la nounou de la Crevette est en congés cette semaine, c’était l’occasion rêvée. Embarquant au passage L&L, nous voilà parties…

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Le musée est privé – issu d’une unique collection particulière, celle de Jean-Paul Favant – et il faut obligatoirement réserver sa visite. Nous nous sommes donc présentées peu avant 11h, et nous sommes retrouvées en compagnie de nombreuses autres familles avec enfants en bas âge (peut-être un effet combiné “visite d’avant sieste” et “vacances scolaires” – nous étions une petite trentaine, à vue de nez). L’endroit est composé de trois espaces disposés autour d’une cour intérieure : les salons vénitiens, le théâtre du merveilleux et le musée des arts forains.

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Nous avons débuté à Venise et avons tout de suite été plongés dans l’ambiance. Sous nos yeux ébahis s’est animé le théâtre mécanique à motifs nautiques, mis en valeur par un tout nouvel éclairage et une bande-son. L’effet était magique, avec une véritable impression de relief ; le décor évoquait tantôt le jour, tantôt la nuit, tantôt Venise dans toute sa splendeur, tantôt sous la mer… Superbe.
Puis nous avons évolué dans les différentes ambiances avec un plaisir réel : toutes les attractions sont en état de marche, et nous avons pu monter sur la plupart d’entre elles. Nous avons ainsi testé trois manèges anciens, dont mon préféré, dans l’ambiance vénitienne, ainsi qu’un manège de chevaux de bois et un de vélocipèdes (assez marrant, je dois dire, puisqu’il faut pédaler pour lancer le mécanisme !).

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Les attractions alternent et ne lassent jamais : ici, un spectacle d’automates qui chantent de l’opéra, là une course de garçons de café qui avancent grâce à des lancers de balle, ailleurs un orgue mécanique ou une salle de bal…

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Je craignais que la visite, prévue pour durer 1h30, ne soit trop longue pour ma puce et que celle-ci montre des signes de fatigue. En réalité, la Crevette et L. étaient fascinées, s’exclamant “Encore !” à la fin de chaque attraction, se montrant particulièrement sages pendant les démonstrations musicales pourtant retentissantes… Nous sommes reparties au bout de quasiment 2h, et elles n’ont manifesté leur lassitude que pendant les 15 dernières minutes.

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Est-ce que je conseille ? Oui, et encore oui ! Ma Crevette n’a que 2 ans et n’est pas une grande marcheuse, mais la visite est très dynamique et peut intéresser les petits comme les grands. Le guide était agréable, alternant explications sociologiques ou mécaniques (j’ai ainsi découvert l’existence des carrousels-salons, un truc qu’il faudra réutiliser dans un roman un jour), d’une grande patience avec les enfants. J’ai déjà envie d’y retourner, et d’embarquer Monsieur au passage, qui ne manquera sans doute pas de s’amuser et de faire plein de photos.

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Musée des arts forains, à Bercy (M° Cour Saint-Emilion). Sur réservation.

Le musée Gustave Moreau

Samedi matin, je suis allée avec Ioionette et Miss CoCo (re)visiter le musée Gustave Moreau. Si je précise “re”, c’est parce que, si mes calculs sont exacts, je m’y suis déjà rendue une fois… il y a un peu plus de 22 ans. Oui.
Pourquoi ça ? Parce que cette année-là, j’étais scolarisée dans une école du 9ème arrondissement, dont dépend le musée, et que j’ai eu droit à une visite avec ma classe. Si je n’ai aucun souvenir des explications, je gardais l’image très nette d’un tableau – Promethée enchaîné se faisant dévorer le foie par un aigle – et rétrospectivement, je me demande si c’était une bonne idée de faire faire une visite pareille à des gamins d’à peine 10 ans..

Prométhée
Prométhée

A la fin de sa vie, Gustave Moreau, qui n’avait pas d’héritiers, a organisé son hôtel particulier en atelier-musée, choisissant l’accrochage et les oeuvres exposées. Je n’en suis pas certaine, mais je pense que rien n’a bougé depuis plus d’un siècle.

La façade de l'hôtel
La façade de l’hôtel

Vu que le rez-de-chaussée est dévolu à l’accueil (et certainement à l’administration), on démarre la visite au premier étage, qui servait d’appartement au peintre. Ce dernier a hérité la maison de ses parents (son père était architecte) et a changé en partie la disposition des pièces. Le niveau sert de “musée sentimental personnel”, où l’on retrouve les copies d’œuvres célèbres exécutées dans sa jeunes, les dessins dédicacés par des amis, mais aussi des photos de famille, des antiques et un boudoir consacré à la mémoire de son “amie et confidente”. Soyons francs, cet étage n’a pas particulièrement d’intérêt, sauf à vouloir s’immerger dans la psyché du peintre et à y passer un peu de temps (ce qui est compliqué car les lieux sont très étroits).

La chambre à coucher
La chambre à coucher

Le deuxième étage est… spectaculaire. Moreau l’a fait modifier pour le transformer en atelier, et le résultat est impressionnant : de grandes baies vitrées, un espace sans le moindre obstacle et… un superbe escalier qui mène au troisième étage et que je transplanterais bien dans mon appartement (comment ça, “y’a pas la place” ?).

Le fameux escalier
Le fameux escalier

Quant aux oeuvres, elles valent le détour. Elles sont de natures variées : des dessins d’une précision surprenante, des statuettes de cire, et beaucoup de toiles à des degrés d’achèvement divers. Moreau avait apparemment pour habitude de réaliser ses toiles avec ses sujets avant d’ajouter une foule de détails au moyen d’un fin pinceau. Quand l’oeuvre est achevée (parce que nous sommes dans un atelier d’artiste sur la fin de sa vie, donc c’est rarement le cas), le résultat est saisissant. Il faut avoir le nez presque collé à la toile pour les observer, mais c’est superbe.

Les prétendants
Les prétendants

Les sujets sont très divers : mythologie antique, féerie médiévale, scènes bibliques, Orient fantasmé… En revanche, je n’ai pas le souvenir d’avoir vu des scènes de la vie quotidienne ou des natures mortes. Quelques paysages, mais assez peu.
Plusieurs choses ressortent de ce que j’ai pu lire des cartels (peu développés, malheureusement) : apparemment, le peintre avait un faible pour les éphèbes et les hommes bien bâtis (souvenez-vous, il avait une “amie et confidente” – jamais on ne parle de maîtresse…). En outre, je pense qu’il a été touché, de près ou de loin, par la vague de religiosité qui a gagné la France dans la seconde moitié du 19ème siècle – et illustrée par Zola dans sa trilogie des villes et, dans une moindre mesure, dans “La conquête de Plassans”.

Léda
Léda

Dans un autre ordre d’idée, il m’a semblé que Moreau établissait un pont avec le mouvement préraphaélite, quoique sans l’aspect “déclinons l’art sous toutes ses formes pour le rendre accessible au plus grand nombre” (au contraire, il faut pouvoir saisir la multitude de références dans chacune de ses œuvres). Le choix de ses sujets, la façon dont il les a traités… tout cela n’est pas rappeler le travail de Burne-Jones, notamment.
En outre, le peintre est “affilié” au mouvement symboliste, et je dois reconnaître que, si je n’y connais rien en peinture, cela m’a parlé au niveau littéraire. Devant certaines de ses œuvres, l’envie de citer un poème de Leconte de Lisle ou d’évoquer le souvenir d’une nouvelle de Villiers de l’Isle-Adam est assez prégnante. D’ailleurs, il est souvent fait référence à Joris-Karl Huysmans et à son principal roman, A rebours.

La vie de l'Humanité
La vie de l’Humanité

Au final, la visite est assez rapide. En prenant notre temps pour lire les cartels et scruter les œuvres, nous avons passé à peine plus d’une heure sur place. L’endroit vaut la peine d’être vu, au moins pour son magnifique atelier, mais les tableaux méritent un large détour. Enfin, c’est une visite peu onéreuse, ce qui est à souligner dans Paris : 5€ l’entrée en tarif plein, et votre billet peut être utilisé pendant huit jours dans un autre musée (liste disponible sur le site du musée).

Musée Gustave Moreau – 14, rue de La Rochefoucauld 75009 Paris. Ouvert du mercredi au lundi.