Les contes d’Hoffmann

Un soir d’opéra, Hoffmann, attendant la fin de la représentation pour retrouver sa bien-aimée, la cantatrice Stella, raconte à ses amis dans une taverne l’histoire de ses trois amours malheureuses. Accompagnée de sa muse qui a pris les traits de son meilleur ami Nicklausse, il voyage dans un passé peut-être fantasmé pour narrer ses aventures avec la marionnette Olympia, la chanteuse Antonia et la courtisane Giuletta. En arrière-plan, se dresse la silhouette menaçante du conseiller Lindorf qui change de visage pour incarner la némésis d’Hoffmann…

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Unique opéra d’Offenbach, maître incontesté de l’opéra-bouffe et de l’opérette (qui n’a jamais entendu l’air de La vie parisienne ?), cette oeuvre est considérée généralement comme sa “rédemption”. Force est de constater que si l’on retrouve la patte du compositeur, la partition s’avère particulièrement complexe et l’histoire moins bouffonne qu’on ne pourrait s’y attendre.

J’ai adoré ce spectacle. La mise en scène – qui date de 2000 mais n’a pas pris une ride – est géniale, mettant en place un théâtre dans le théâtre, un arrière du décor convaincant et intéressant. La question de savoir si Hoffmann se promène dans les chimères de l’opéra en attendant sa belle se pose, de même que celles des apparences trompeuses, en particulier avec Olympia, ou de la passion qui se donne en spectacle avec Giulietta. Les changements de décors sont bien faits, fourmillant de détails et propices à la mise en abîme, comme à l’humour.

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Comme toujours, la direction musicale de Philippe Jordan est impeccable (bon, je ne suis sans doute pas objective, mais quel homme, quand même). C’est enlevé, piquant mais aussi profond. Les chœurs, là encore, sont remarquables et s’amusent visiblement sur scène, en particulier dans la taverne. Il est devenu, semble-t-il, systématique que les chœurs saluent à la fin, et c’est une excellente chose.

Mais la grande question est celle des solistes : Jonas Kaufman, qui devait interpréter le rôle-titre, s’est retiré pour cause de problème aux cordes vocales. Il a été remplacé, au grand dam des amateurs, par Ramon Vargas que nous entendrons plus tard cette année dans La fille de neige. En réalité, c’est la raison pour laquelle nous avons décroché des places, car beaucoup de déçus cherchaient à revendre.

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Très franchement, Vargas s’en est parfaitement tiré. J’ai eu un doute sur les premières notes, mais il a assuré, tant dans l’interprétation que dans le chant, alors que la salle ne lui était pas acquise d’emblée. Le reste du cast n’était pas en reste : si un triomphe attendu (et un peu surfait, selon moi, car je ne suis pas très fan de son vibrato prononcé) a été fait à Ermenela Jaho, qui interprétait Antonia, j’ai eu deux révélations féminines et une masculine.
Stéphanie d’Oustrac, qui incarne la Muse d’Hoffmann et fait contrepoint au héros, était parfaite. Enlevée, drôle, compatissante, ironique… un vrai bonheur. Nadine Koutcher en Olympia est géniale et impressionnante, parvenant à lancer des notes ahurissantes tout en conservant sa gestuelle très mécanisée et saccadée. J’ai très envie de l’entendre dans d’autres rôles.
Enfin, Roberto Tagliavini, qui incarne tous les méchants, de Lindorf à Dapertutto, m’a complètement charmée (en même temps, j’aime les voix graves). Un beau timbre, beaucoup de prestance et une capacité à passer d’un personnage à l’autre en l’espace de quelques instants.

En conclusion, courez-y, c’est bien, on passe un excellent moment, c’est drôle et grave, amusant et pertinent, et c’est chanté en français.

Les contes d’Hoffmann, du 3 au 27 novembre, opéra Bastille