L’American Ballet Theatre à l’Opéra de Paris

Cette année, pour la reprise de la saison, nous avions décidé d’innover sur deux points : d’abord en ouvrant 2016-2017 par un ballet (nous n’allons en voir qu’un ou deux par an), lequel était en outre interprété par une compagnie invitée, l’American Ballet Theatre. Cette compagnie de danse américaine est très réputée et ne s’était pas produite en France depuis longtemps.
Au programme, un ballet très classique à l’histoire forcément connue : La Belle au bois dormant.

belle au bois dormant

Sur une musique de Tchaïkovski, le chorégraphe Alexei Ratmansky a décidé de revenir au plus près de la chorégraphie et de la mise en scène de Marius Petipa, à l’origine de La Belle au Bois dormant. Les costumes et décors sont, quant à eux, très inspirés de ceux créés par Léon Bakst en 1921.

Le résultat est superbe à tous points de vue. La musique est belle et, pour ceux qui ont visionné le classique de Disney dans leur enfance, a un air de déjà entendu (il est évident que des phrases musicales ont été “prélevées” dans l’oeuvre pour accompagner le dessin animé). Les décors sont magnifiques et les costumes à couper le souffle, avec une forte inspiration de la France de Louis XIV (le roi s’appelle Florestan XIV), en hommage à Charles Perrault.
L’interprétation, enfin, est parfaitement maîtrisée. Isabella Boylston en Aurore est à la fois touchante et joueuse, appuyée par une technique époustouflante. Josef Gorak en prince n’est pas en reste, avec quelques solos magnifiques. Le reste de la compagnie a été à la hauteur de l’enjeu, chacun évoluant avec grâce, légèreté et maîtrise malgré parfois une foule nombreuse sur scène, qui aurait pu donner une impression d’écrasement. Mention spéciale à Marcelo Gomes en Carabosse et à Jeffrey Cirio en Oiseau Bleu, mes deux coups de cœur de la soirée.
Mon seul regret : ne pas avoir vu danser Misty Copeland dont j’entends parler depuis des années.

Si vous aimez la danse classique dans ce qu’elle a de plus traditionnel et flamboyant, de coloré et de joyeux, courez-y, vous ne serez pas déçus.

Lear

Lear, roi d’Angleterre, exige de ses trois filles Regan, Goneril et Cordelia une déclaration publique d’amour filial en échange d’un tiers du royaume. Si les deux aînées s’acquittent volontiers de cette épreuve, la cadette, Cordelia, s’y refuse, provoquant la colère de son père qui la chasse et la marie au roi de France, laissant les deux autres se partager son héritage. Las, peu après, Regan et Goneril se liguent pour chasser Lear du palais. Ce dernier se retrouve à errer sur la lande par une nuit de tempête et perd la raison…

Lear titre

Parfois, l’univers vous envoie un signe et vous l’en remerciez : c’est ce qui est arrivé mardi quand, après avoir pesté contre l’annulation du récital de Cecilia Bartoli, j’ai poussé un “ouf” de soulagement car notre ligne de train s’est trouvée totalement interrompue par les intempéries (à l’heure où je vous parle, c’est pas encore résolu). Et puis, parfois, l’univers vous envoie plein de signes que vous négligez : hier soir, j’ai donc bataillé ferme contre le train supprimé, l’absence carte orange (avec la grève, la gare était fermée et les automates inaccessibles), le bus, le métro (trafic ralenti, incident voyageur) et l’ascenseur du Palais Garnier avant de réussir à m’asseoir à ma place, 2 minutes avant le début de la représentation. Je pense que j’aurais mieux fait de rester chez moi. Pour la première fois de ma vie, j’ai quitté l’opéra à l’entracte.

Vous aurez sans doute reconnu l’argument, et pour cause : cet opéra d’Aribert Reimann, composé en 1978, est une adaptation de la pièce éponyme de Shakespeare. A un sujet déjà complexe et dur – la pièce est loin d’être riante – s’ajoute une musique extrêmement contemporaine, essentiellement constituée de cuivres et de percussions, qui exploite au maximum les dissonances. Ajoutez à cela une partition d’une complexité incroyable pour les voix et vous aurez un résultat…à glacer les sangs.

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Très sincèrement, je ne savais pas dans quoi je mettais les pieds, mais j’avais vu et apprécié Peter Grimes de Benjamin Britten, et je m’étais dit que l’opéra contemporain ça pouvait se tenter, qu’il ne fallait pas être sectaire. Mais pour le coup, je n’étais vraiment pas le public visé : je pense qu’il faut vraiment connaître et apprécier ce genre de musique, et ce n’est clairement pas mon cas.
En outre, la mise en scène, très sombre, avec des espèces de planches partout qui se meuvent, et des personnages décharnés qui se déshabillent peu à peu, m’a clairement évoqué l’univers concentrationnaire, et m’a mise très mal à l’aise (c’était sans doute voulu). C’est surjoué dans la démesure et l’hystérie, ce qui n’arrange rien.
Il faut toutefois rendre hommage au talent des interprètes, les musiciens comme les chanteurs. Bo Skovhus dans le rôle-titre est impressionnant de rage, d’orgueil, de folie, de détresse (et de puissance vocale). Andreas Conrad fait preuve d’une technique étonnante et maîtrisée, parvenant à chanter une partition qui semble féminine (comme on ne le voit pas tout de suite, j’ai d’abord cru qu’il interprétait Cordelia).

En somme, c’est un spectacle exigeant et difficile, à ne pas mettre entre toutes les oreilles. Je vous laisse le trailer pour vous donner une idée (la première partie durait 1h25).

[youtube]https://youtu.be/_AyuoEy8xg0[/youtube]

Iolanta / Casse-Noisette

Iolanta

Cette année, l’opéra de Paris proposait un spectacle “comme à l’époque de Tchaïkovski” proposant deux oeuvres à la suite, un opéra puis un ballet. Si le ballet, Casse-Noisette, est un très grand classique du répertoire, je n’avais jamais entendu parler de Iolanta, opéra en un acte relativement court (moins de deux heures).

Iolanta est la fille aveugle du roi René de Provence, mais ignore tout de son infirmité, car elle est élevée à l’écart du monde dans un “désert paradisiaque”. René arrive accompagné d’un médecin censé guérir cette cécité, mais ce dernier insiste pour révéler le problème à Iolanta, ce que le père ne peut se résoudre à faire. Le fiancé de la jeune fille, Robert, duc de Bourgogne, arrive par hasard sur le domaine, se plaignant de devoir l’épouser car il en aime une autre ; le meilleur ami de Robert, Vaudémont, tombe sous le charme de Iolanta et lui révèle la vérité…

C’est une très jolie oeuvre, aux accents typiques de Tchaïkovski. S’il ne se passe pas forcément grand-chose, on est emporté par l’histoire et, surtout, par les airs. Sonya Yoncheva est remarquable dans le rôle-titre, et ce d’autant plus qu’elle a annoncé juste avant le spectacle qu’elle était souffrante (elle a dû hésiter sur deux notes). Face à elle, le cast masculin est un peu plus “classique”, avec tout de même un Vito Priante superbe en Ibn-Hakia. La direction musicale d’Alain Altinoglu (sur les deux œuvres), est excellente.
La mise en scène, dans un petit salon resserré au centre de la scène, laissant le reste dans l’obscurité, est bien trouvée car elle souligne le huis clos et le monde replié dans lequel vit Iolanta. Au lieu de situer la pièce dans le moyen-âge provençal, le choix a été fait de déplacer l’argument dans la Russie fin 19è, là encore avec bonheur.
Je reproche toutefois un recours un peu exagéré aux cris, larmes, éclats de rire, qui servent à surligner (oui, en fluo) l’hystérie du personnage principal dont la cécité n’est peut-être pas aussi définitive que l’on croit. Selon moi, le livret suffisait amplement à le faire connaître, et il n’était pas nécessaire d’en rajouter.

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Vient ensuite Casse-Noisette, dont l’argument a été totalement modifié, au point qu’il ne reste de l’oeuvre originelle que la musique. Offrant une belle continuité, le ballet débute à l’instant où s’achève l’opéra, découvrant un théâtre dans le théâtre, déplaçant cette fois-ci l’action dans les années 1950, peut-être en Angleterre. L’idée est excellente et permet d’embrayer sans frémir.
Cette fois-ci, nous suivons le voyage initiatique de Marie qui, lors de sa soirée d’anniversaire, rencontre Vaudémont dont elle tombe amoureuse. Las, celui-ci disparaît et Marie part à sa recherche, laissant derrière elle les ruines fumantes de son foyer, traversant une forêt effrayante et croisant des jouets immenses…

L’idée de confier la chorégraphie à trois artistes différents – Arthur Pita, Edouard Lock et Sibi Larbi Cherkaoui – était peut-être intéressante sur le papier, mais peine malheureusement à convaincre sur scène. J’ai eu l’impression d’un réel décalage d’un chorégraphe à l’autre, l’univers de chacun peinant franchement à s’imbriquer à celui des deux autres, donnant le sentiment d’une superposition de scènes plutôt que d’une histoire d’un seul tenant.
La première partie, signée Arthur Pita, était drôle et enlevée, mais s’apparentait plus à du théâtre dansé qu’à de la danse à mes yeux (mais je suis assez classique dans mes goûts).
Les tableaux chorégraphiés par Sidi Larbi Cherkaoui sont sublimes de grâce et d’intelligence. Les deux pas de deux sont superbes, portés par deux interprètes – Marion Barbeau et Stéphane Bullion – sublimés par ce nouveau décor et cette réécriture. De même, la valse des fleurs était plutôt bien trouvée, quoique peut-être un peu lourde de symbolisme. La valse des flocons était, pour ce que j’en ai vu – j’y reviendrai – intéressante mais avec un petit côté stalinien.
En revanche, je suis passée complètement à côté du travail d’Edouard Lock. Mais vraiment. Des gestes saccadés répétés à grande vitesse – excellence technique, certes, mais j’avais l’impression d’être dans La nuit des morts-vivants – des passages parfois très lents ou incompréhensibles, des décors parfois grotesques… Si je n’avais pas lu le livret, je n’aurais rien compris. Le pire, à mes yeux, était le divertissement, avec l’enchaînement de danses “de caractère” (espagnole, arabe, russe, etc.) : entre jouets soviétiques géants (et franchement flippants) et lenteur exacerbée sur des passages pourtant enjoués, je me suis emmerdée comme un rat mort.
Là encore, Dmitri Tcherniakov, le metteur en scène de Iolanta et librettiste de ce Casse-Noisette revisité, cherche à explorer la psyché féminine en surjouant l’hystérie, mais c’est quand même beaucoup moins réussi. Une fois n’est pas coutume, on est parties dès le tomber du rideau.

Une dernière chose qui a contribué à rendre cette soirée un peu amère : le public, qui fut une de mes pires expériences à l’opéra de Paris. Outre les gens arrivés en retard qui sont quand même entrés (normalement, c’est impossible, mais c’était peut-être dû au fait que nous étions tout en haut, à l’amphithéâtre), nous avons dû endurer une femme qui ne cessait de parler et qu’il a fallu faire taire à de multiples reprises et, cerise sur le gâteau, au rang derrière moi, une vieille qui a dégainé son appareil photo pendant la valse de flocons et… pris des clichés. Au flash (d’où ma distraction, hein). Je suis partagée entre la profonde colère contre ces gens qui ne respectent ni l’oeuvre, ni les artistes, ni leurs co-spectateurs, et l’ébahissement le plus absolu.

Iolanta/Casse-Noisette, jusqu’au 1er avril, opéra Garnier

Récital Diana Damrau à l’opéra Garnier

Source
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Diana Damrau est une soprano allemande nommée “Singer of the year” en 2008 et “Best female singer” en 2014. A titre personnel, je l’ai découverte dans une vidéo où elle interprétait la Reine de la Nuit dans La flûte enchantée. J’ai eu la chance de l’entendre en récital il y a trois ans – spectacle auquel j’avais traîné Monsieur, qui avait reconnu que c’était beau mais que, quand même, “Le public parisien est à chier”.
Cette année, quand nous avons vu que l’artiste revenait pour un récital à Paris, Leen et moi avons décidé d’inclure ce spectacle à notre abonnement.


Le programme réunit Diana Damrau et le pianiste autrichien Helmut Deutsch autour d’airs célébrant le printemps et l’amour. On retrouve donc Schubert, Liszt, Richard Strauss et Rachmaninov pour des chansons en allemand, italien et russe.
C’est très beau. Diana Damrau a une maîtrise parfaite de sa voix, les notes sont justes, tombent pile, durent exactement ce qu’il faut… On pourrait croire à me lire que c’est calibré, mais l’artiste vit réellement ce qu’elle interprète et donne une intensité incroyable à ces airs. En outre, on sent une profonde communion avec Helmut Deutsch, et tous deux témoignent d’une grande complicité sur scène et s’exaltent l’un l’autre.
Un bémol néanmoins : pour l’italien comme pour le russe, les premiers vers étaient fortement teintés d’accent allemand – accent qui disparaît rapidement mais fut tout de même très audible.

Le public ne s’y est pourtant pas trompé en réclamant – et obtenant – quatre rappels différents. C’était une belle soirée qui nous a transportés.

Werther

Au 18ème siècle, en Allemagne, le jeune Werther tombe amoureux de Charlotte, fille du Bailli d’une petite ville, après l’avoir observée s’occuper de ses frères et soeurs comme “une petite maman”. Il lui déclare sa flamme, mais cette dernière lui apprend qu’elle est fiancée à Albert. Werther l’enjoint de respecter son engagement, non sans jurer qu’il en mourra…


Source
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Adapté de l’oeuvre de Goethe, cet opéra en français est de facture “moderne” si j’ose dire : une fois encore, les grandes arias ont disparu et les personnages font avancer l’intrigue à mesure qu’ils chantent. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de morceau de bravoure !
La mise en scène, élégante et dépouillée, met l’accent sur le côté intime du drame plus que sur son aspect romantique échevelé. Les décors évoquent les saisons qui passent par un détail (la verdure sur un mur, les feuilles mortes), tout en mettant les solistes au cœur de l’action.
Une petite critique cependant : la fontaine qui coule pendant la première demi-heure m’a beaucoup distraite (et a rappelé ma vessie à mon attention).

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Les interprètes sont d’ailleurs remarquables : c’est la première fois que j’entends un triomphe pareil à l’opéra de Paris. Piotr Beczala nous offre un Werther tout en nuance et en puissance, auquel répond sans rougir Elina Garanca – leurs duos donnaient des frissons.
Les seconds rôles n’étaient pas en reste, avec une Sophie qui semblait virevolter d’une note à l’autre sans effort apparent, et un Albert tout en retenue, incarnation de la droiture morale.
Enfin, le chœur d’enfants et l’orchestre étaient à la hauteur du reste, quasi-angélique pour l’un, sonore pour l’autre.

Vous l’aurez compris, j’ai passé un excellent moment, et je vous encourage, si vous le pouvez, à aller assister à ce spectacle !

Madame Butterfly

L’univers est parfois étrange. La première fois que je suis allée à l’opéra, c’était au début de mon année de 1ère où, encouragée par la lecture de Zweig, j’avais demandé à mon père de m’y emmener. Une semaine plus tard, nous étions au parterre pour écouter “Madama Butterfly” donc je ne savais rien. Hier soir, j’ai accompagné ma belle-mère, qui n’avait jamais vu cette oeuvre en “live”, à une nouvelle représentation… dans la même mise en scène (celle de Robert Wilson) !

Cheryl Barker (Cio-Cio San) Carl Tanner (F. B. Pinkerton)

Début du 20ème siècle. B. F. Pinkerton, officier de la marine américaine en séjour à Nagasaki, contracte un “mariage” temporaire avec Butterfly (aussi appelée Cio-cio-san – prononcez à l’italienne, ça donne tcho-tcho-san ; en japonais, “chô” veut dire “papillon). Cette dernière, âgée d’à peine 15 ans, est une geisha un peu naïve, très amoureuse, et s’est convertie au christianisme pour se conformer aux moeurs de son “époux”. Mais sa famille l’apprend et la renie. Le couple vit néanmoins dans le bonheur.
Nous retrouvons Butterfly plus tard, alors que Pinkerton est reparti aux Etats-Unis depuis trois ans. Vivant dans le déni, refusant de reconnaître que son mari l’a abandonnée et qu’elle n’est donc plus mariée, elle persiste à croire à son retour, d’autant qu’elle a eu un fils de lui. Le jour tant désiré arrive, mais l’officier ne se montre pas…

butterfly_wilson

Dix-sept ans (et oui…) après avoir vu cet opéra pour la première fois, je dois vous avouer un truc : je ne suis pas hyper fan de Puccini. Il faudrait que j’essaie d’autres œuvres, mais là, je l’ai trouvé assez pompier, à grand renfort de “poum-poum-poum” très caractéristiques de son époque. Toutefois, certains airs sont assez remarquables, imitant parfaitement la musique japonaise – ou du moins l’idée que l’Occident s’en fait – sans avoir recours à des instruments exotiques. On s’aperçoit aussi que le compositeur s’est amusé à insérer des phrases musicales tirées de la marche nuptiale ou de l’hymne américain, et cela marche. On est désormais dans de la musique exclusivement narrative, l’âge des grandes arias est clairement révolue, mais il y a tout de même des morceaux de bravoure.
Oksana Dyka en Butterfly est très bien, et tient toute la seconde partie sur ses épaules, bien plus que Piero Pettri en Pinkerton, qui était à la ramasse pendant le premier acte (ça s’est amélioré). J’ai en revanche beaucoup apprécié Gabriele Viviani en Sharpless, le consul américain, dont le timbre n’était pas noyé par l’orchestre (qui jouait fort).

Source
Photo Florian Kleinefenn – Source

Côté mise en scène… je suis plus partagée. Si les décors sont toujours magnifiques d’épure et de suggestion, j’ai tiqué sur les costumes, en particulier ceux du chœur. En effet, je les ai trouvés… datés, et j’ai clairement eu l’impression de me trouver face à une interprétation “zen” du Japon des années 80 (je ne sais pas si je suis très claire).
De plus, le jeu continuel de lumière projeté sur l’écran du fond, servant à la fois à illustrer les heures du jour et de la nuit, mais aussi les sentiments et les tensions dramatiques, m’a un peu fatigué les yeux ! Il me semble qu’on pourrait y apporter plus de subtilité.

Au final, il est assez drôle de constater que les adaptations de cet opéra reflètent généralement l’image exotique que l’Occident se fait du Japon. Il ne serait pas surprenant de découvrir, d’ici quelques années, une version totalement modernisée avec gadget électroniques et cosplay.
Cet opéra, bien qu’il ne fasse pas partie de mes préférés, tient néanmoins une place assez symbolique à mes yeux, quand on sait de quelle passion j’ai été prise pour le Japon, et que j’ai étudié l’image du Japon en France à partir de ce genre de représentations…

Madame Butterfly, Opéra Bastille, jusqu’au 13 octobre

Visite de l’Opéra Bastille

Il y a dix jours, à l’occasion de la journée des abonnés, l’Opéra de Paris m’a offert deux places pour visiter Bastille. Entendons-nous bien, elles ne sont pas tout à fait tombée toutes crues dans ma boîte aux lettres, il a fallu que je m’inscrive assez longtemps à l’avance.

J’avais choisi un horaire qui me semblait “neutre”, 13h, soit généralement en plein repas dominical, mais c’était sans compter l’acharnement des gens : pour un groupe de 30 maximum, nous avons fini à… 34. Notre guide était très gentille mais avait mal à la gorge, ce qui nous forçait à la coller au maximum pour ne rien perdre de ses explications.

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Première partie dans la salle, vide, immense, qui peut accueillir 2700 spectateurs. Je suis déjà venue, mais ça n’en reste pas moins impressionnant de découvrir l’endroit (quasi) désert, rideau relevé et décor en place. Bon, je suis tellement absorbée par cette visite que je rate une marche et m’explose le tibia dans un coin de fauteuil (en poirier de Chine, s’il vous plaît). Dix jours plus tard, j’ai encore des marques bleuâtres du meilleur effet.

L'arrière-scène (les clichés sont mauvais, c'est à cause de la lumière)
L’arrière-scène (les clichés sont mauvais, c’est à cause de la lumière)

Puis nous passons de l’autre côté du miroir du rideau, et découvrons l’arrière-scène, monumentale. En effet, celle-ci fait six fois la surface de la scène “visible”, ce qui permet de stocker le décor d’un autre spectacle (j’ai donc pu voir ceux de “Madame Butterfly” que j’irai écouter demain), mais aussi d’accueillir une seconde scène de répétition. On nous explique la machinerie, la façon dont les décors sont placés sur des chariots et descendus au -6, si bien qu’il faut à peine une heure pour changer la scène du tout au tout.
Nous poursuivons dans les ateliers “Matériaux composites”, “Menuiserie”, “Peinture” et “Sculpture”. Si, à mon grand regret, nous ne pourrons pas accéder aux ateliers costumes et perruques, je suis ravie de découvrir ces endroits où se crée une partie de la magie de scène. Nous sommes quasi sous les toits et, en dépit du temps maussade, les verrières déversent une lumière claire.

L'envers du décor...
L’envers du décor..

Il ne faut pas avoir le vertige, car nous allons désormais au fameux -6, l’endroit où l’on assemble les décors avant de les remonter jusqu’à la scène. Au détour de couloirs, nous entrapercevons des salles de répétition, des espaces relativement confinés… jusqu’à débarquer dans une sorte de hangar à avion. Au-dessus de nos têtes, le plafond (le sol de la scène) se situe à 12m de hauteur.
L’endroit se divise en deux parties : d’un côté, brillamment éclairé, l’espace de réception et d’assemblage des décors (ceux-ci sont stockés hors de Paris) ; de l’autre, le vide technique (le monte-charge), plongé dans l’obscurité. C’est sur cette dernière note un peu irréelle, où le silence et la pénombre prennent le dessus, que nous achevons cette visite.

C’était bien, beau, instructif, et en même temps très frustrant. On a fait si peu de choses en 1h30 ! Du coup, je me demande si je ne vais pas m’offrir une nouvelle visite.

Cycle Beethoven à l’Opéra de Paris (4/5) : symphonies n°8 et 6 (Pastorale)

Suite à la magnifique interprétation des symphonies n°2 et 3 à l’automne dernier, j’avais très envie d’assister à un autre concert du cycle Beethoven – tout particulièrement la très célèbre Pastorale, pour laquelle j’ai, comme beaucoup, un petit faible. Malheureusement, il n’y avait plus de places disponibles quand j’ai envisagé d’en commander, et j’ai lâché l’affaire.
Courant février, mon père a eu de la chance sur la bourse aux billets de l’Opéra, et m’a dégoté une excellente place au premier balcon.

Beethoven composant la symphonie pastorale
Beethoven composant la symphonie pastorale

Je ne connaissais pas du tout la huitième symphonie – qui fut interprétée en premier – mais je l’ai beaucoup aimée. Tour à tour douce ou entraînante, on note clairement une différence avec les œuvres plus anciennes du compositeur. Si sa “patte” est toujours reconnaissable, je trouve que cette symphonie annonce déjà l’évolution de la musique classique au 19ème siècle, avec des intonations presque martiales par moments.

Mais passons au morceau de bravoure tant attendu (et redouté) : la 6ème symphonie. Si je vous dis “Pastorale”, je suis sûre que la première chose qui vous vient à l’esprit, c’est ça :

[youtube]https://youtu.be/-koZBg0iOrw[/youtube]

Allez, avouez. Moi-même, j’ai tellement regardé cette partie du film que je revois les images dès que j’entends les notes de la symphonie. Du coup, j’attendais beaucoup de l’interprétation dirigée par Philippe Jordan, tout en redoutant d’être déçue – d’autant que j’ai énormément écouté l’enregistrement d’Herbert von Karajan, une référence en la matière.
Mais en fait non. Ce n’était pas forcément ce que j’attendais – une interprétation qui allait me prendre aux tripes et me surprendre totalement – mais j’ai passé un moment remarquable. La musique semblait sauter, rebondir, s’envoler dans la salle, glissant des doigts du chef d’orchestre aux instruments des musiciens. Les passages les plus célèbres – la fête campagnarde, l’orage… – m’ont vraiment fait vibrer. Je crois que, au bout du compte, ma réaction a été différente de celle que j’ai vécue en écoutant la 3ème symphonie parce que ces deux morceaux ne suscitent pas les mêmes échos en moi.

Philippe Jordan, mon idole
Philippe Jordan, mon idole

Du coup, cette sortie m’a mise de bonne humeur, et m’a donné envie de jouer les prolongations. Même si mon abonnement est arrivé à son terme pour la saison, je viens de prendre deux places pour la symphonie n°9 pour l’Anglais et moi.

Paquita

Dimanche, c’était (déjà) le dernier spectacle de notre abonnement. Une fois n’est pas coutume, j’avais convaincu Leen d’aller voir un ballet “traditionnel”, Paquita. A l’origine, c’est un ballet romantique, comme La Sylphide, que j’avais eu le plaisir de voir il y a deux ans, tombé dans l’oubli et ressuscité par le danseur et chorégraphe Pierre Lacotte.

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Dans une Espagne pittoresque où les Français de Napoléon font encore la loi, nous suivons les amours contrariées de Lucien, jeune noble français, et Paquita, gitane, jusqu’au triomphe de la vérité et des sentiments.
Sur cette trame extrêmement simple, les danseurs enchaînent danses d’ensemble, pas de deux, pas de trois, mais aussi des séquences à la limite du mime. Par moments, on esquisse un sourire devant une scène à la limite du vaudeville.

Mais pas une seule fois on ne s’ennuie ! Les costumes, les lumières, les décors, tout contribue à créer une ambiance magique et à transporter le spectateur dans un autre univers joyeux et coloré pendant deux heures. Les interprètes sont bons et enchaînent les morceaux de bravoure sous les applaudissements enthousiastes du public. A titre personnel, j’ai beaucoup apprécié le mélange “danses classiques” et “danses de groupe” telles que quadrille ou polonaise.
On passe un excellent moment, c’est beau et, au moment de sortir, le soleil a remplacé les nuages pluvieux. Cerise sur le gâteau : on voit des hussards faire des sauts de cabri. Que demander de plus ?

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A la réflexion, je sais ce qu’on pourrait demander de plus : que l’Opéra de Paris fasse quelque chose pour l’assise des spectateurs. Nous étions dans l’amphithéâtre, et jouissions donc d’une vue excellente sur la scène, mais à quel prix : strapontin dur, moulure au-dessus de la tête qui m’a empêchée de me tenir droite pendant tout le spectacle, espace pour les jambes inexistant et impossibilité de toucher le sol lorsqu’on est assis ! Je me doute qu’à l’origine l’endroit était prévu pour un public debout, mais c’est une forme raffinée de torture, tout de même.

Paquita, Opéra de Paris, jusqu’au 19 mai

Aller à l’Opéra de Paris : premiers pas

A force de me vanter ici et là que je vais à l’opéra comme je respire ou presque, plusieurs personnes m’ont demandé de leur donner quelques clés pour assister à un spectacle. Je ne suis pas une spécialiste, mais juste une amatrice, il n’est pas question de faire une revue de puriste, simplement de fournir quelques explications que j’estime nécessaires.

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L’opéra, on y comprend rien.
Les principales langues de l’opéra sont le français, l’italien et l’allemand, mais on trouve aussi des œuvres en russe, en anglais, en tchèque… Mais nul besoin de connaître la langue ! Les salles proposent un surtitrage lumineux, en anglais et français. Et puis, ne nous voilons pas la face : les chanteurs répètent souvent la même phrase.
Pour ce qui est de l’histoire, le plus simple est de s’offrir un programme : plutôt que de lire l’intégralité du livret (qui peut être long), parcourez l’argument (le mot savant pour “résumé”) qui tient généralement sur une ou deux pages. L’avantage, c’est que vous saurez aussi où en est l’histoire et s’il y a encore longtemps à attendre avant la fin du premier acte pour aller aux toilettes.

L’opéra, c’est pour les riches
Le prix des places peut grimper très vite mais, ce que l’on oublie souvent, c’est que l’Opéra de Paris est une salle de spectacle subventionnée par l’Etat. Du coup, il existe plusieurs astuces pour obtenir des places moins chères : les abonnements jeunes pour les moins de 28 ans, les places de dernière minute (souvent avec visibilité limitée), certains lundis ou samedis après-midi moins chers que d’autres…

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On est bien assis, au moins ?
Là, ça dépend. Question rembourrage, on est largement mieux assis à Bastille qu’à Garnier, ne serait-ce que parce que les critères de confort ont évolué en un siècle.
Niveau visibilité, à part quelques places très hautes et complètement sur le côté à Bastille, on voit l’essentiel de la scène et le surtitrage.
En revanche, Garnier est un théâtre à l’italienne : on y allait autant pour voir que pour être vu, si bien que, depuis les loges de côté, on distingue mieux les autres spectateurs que la scène. Un conseil si vous choisissez des places petit budget : optez pour l’amphithéâtre (tout en haut) plutôt que pour les fonds de loges. L’amphithéâtre fait mal aux fesses, on a les genoux dans le dos du voisin de devant, mais on distingue la scène. Les fonds de loges donnent surtout envie de décapiter les personnes devant soi parce qu’on n’y voit rien.

On donne un pourboire ?
Ah non ! Si le champagne coûte un rein et qu’il faudra hypothéquer votre maison pour vous offrir un sandwich, on ne donne pas de pourboire dans les théâtres nationaux, dont fait partie l’Opéra de Paris. Et on attend que les hôtes vous installent en vous remettant un petit dépliant avec la distribution du jour.

Je suis en retard, je fais quoi ?
Honnêtement, vous êtes dans la merde. Si la plupart des salles de spectacle commencent avec un peu de retard, et vous permettent souvent de gagner votre place alors que le rideau est déjà levé, ce n’est pas le cas à l’Opéra de Paris. Sitôt les lumières éteintes, impossible d’entrer dans la salle avant l’entracte (s’il y en a un) et vous n’aurez même pas la possibilité de flâner à la boutique, qui sera en train de fermer.
En plus ça commence tôt : 19h30 en règle générale, voire plus tôt pour des spectacles très longs (l’idée étant que les spectateurs puissent repartir en transport).

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Et alors, on va voir quoi ?
Quand on est novice, à moins de vraiment vouloir se dépayser, j’ai tendance à conseiller un classique, en italien la plupart du temps. Les opéras de Verdi comme La Traviata (qui reprend l’histoire de La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils), Rigoletto ou Il trovatore. C’est monumental, ça fait “boum-boum” mais c’est plein d’airs très connus.
Dans la saison 2015-2016, j’aurais aussi tendance à recommander Le barbier de Séville (Il Barbiere di Seviglia) de Rossini et Don Giovanni de Mozart.

Une autre possibilité serait de choisir un opéra en français dont le plus connu, Carmen, est souvent repris dans différentes salles (pas à l’ONP l’an prochain, malheureusement). Ou alors, un opéra en allemand comme La flûte enchantée, à l’affiche d’avril à juin cette année, très abordable et qui finit bien (si, si).

Et si on préfère le ballet ?
Je suis moins calée mais, une fois encore, si vous souhaitez vous initier, voir un joli ballet avec de beaux costumes, choisissez un classique du répertoire avec une chorégraphie de Noureev, effet garanti. Cette saison, vous pouvez choisir l’indémodable Lac des cygnes, ou des ballets (un peu) moins célèbres comme Paquita ou La fille mal gardée. La saison prochaine, je recommande La Bayadère (superbe) ou un grand classique de l’époque romantique, Giselle.
Si vous êtes d’humeur contemporaine, n’hésitez pas à vous tourner vers des noms connus comme Pina Bausch, Anne Teresa de Kersmaeker, William Forsythe… L’avantage de la technologie aujourd’hui, c’est que vous pouvez toujours trouver des extraits sur youtube.

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Y’a pas moyen de combiner les deux ?
Si ! L’an prochain, l’ONP a décidé de monter Iolanta / Casse-Noisettes, un opéra qui précède un ballet, deux œuvres de Tchaïkovski. C’est une forme tombée en désuétude et remise au goût du jour, si bien que les places commencent déjà à se faire rare, mais tentez le coup.

Comment on réserve ?
Soit vous prenez un abonnement dès maintenant pour la saison 2015-2016 (dépêchez-vous, les places partent très vite cette année, ce doit être l’effet Benjamin Millepied), mais cela implique de réserver plusieurs spectacles. Soit vous guettez l’ouverture des réservations pour les spectacles au fur et à mesure de l’année (à partir de mai-juin, généralement, et étalée sur neuf mois environ). A moins que vous aimiez vous déplacer pour acheter votre place au guichet, j’aurais tendance à conseiller la réservation internet.
Par ailleurs, des places sont encore disponibles pour les spectacles de cette saison, jusqu’en juillet.
Enfin, tous les ans, l’ONP propose un spectacle gratuit pour les festivités du 14 juillet (même si je crois que ça tombe le 13 cette année). Premier arrivé, premier servi !

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J’ai mon billet, c’est pour ce soir. Je garde mon jean et mes baskets ?
Même si a priori on ne vous dira rien, il est possible que vous attiriez quelques regards en coin. Sans aller jusqu’au costume-cravate si vous ne vous sentez pas de le faire, n’hésitez pas à sortir votre paire de mocassins des dimanches avec un pull sans trou, ou une tenue pour laquelle vous cherchiez une occasion (cette très jolie robe portée à un mariage il y a deux ans et que vous aimeriez bien remettre, mais au boulot, c’est un peu too much). Blague à part, un jean passe très bien avec une jolie chemise et des chaussures  pas trop moches. On n’est plus à l’époque robe de soirée et frac !

Je conclus en vous signalant qu’il y a une excellente FAQ sur le site de l’opéra, qui vous dira sans doute d’autres choses que j’aurais oubliée.