Qu’il est doux et beau de mourir pour sa patrie

AviPrimorLouis, fils d’un boulanger bordelais, part effectuer son service militaire quelques jours seulement après avoir été brillamment reçu au baccalauréat. En ce début de l’été 1914, l’ambiance est encore à l’insouciance et, malgré ses craintes, il est fier d’accomplir son devoir de citoyen. Lorsque la guerre éclate et que son régiment est envoyé sur le front, Louis espère pouvoir servir sa patrie du mieux possible. A Francfort, Ludwig, étudiant en droit, est impatient de recevoir son ordre de mobilisation, même si le départ pour le front l’éloignera de sa bien-aimée. Devenir un soldat allemand lui donne le sentiment d’être enfin pleinement accepté par son pays. Ce roman aborde un aspect de la Première Guerre mondiale méconnu et pourtant lourd de conséquences, celui des Juifs qui participèrent aux combats, animés par un profond désir de reconnaissance.


Lorsque j’ai aperçu la couverture de ce roman, je m’en suis saisie et l’ai immédiatement ajouté à mon panier alors que ma PAL débordait déjà. J’adore les romans historiques, et la possibilité d’en lire un sur les Juifs d’Europe qui ne parlerait pas de la Shoah m’enthousiasmait, en dépit du sujet guère plus réjouissant.

Qu’il est doux et beau de mourir pour sa patrie débute comme la guerre de 14 : l’auteur nous fait vivre l’insouciance, puis la fièvre nationaliste et patriotique qui s’empare des population, d’un côté de la frontière comme de l’autre. Surtout, il donne à voir le fervent désir des Juifs, où qu’ils résident, d’être intégrés et considérés comme des citoyens à part entière (en France l’affaire Dreyfus n’est pas si loin, et en Allemagne les Juifs n’ont pas le droit d’être officiers supérieurs).
Peu à peu, l’histoire s’enfonce dans la guerre, ses horreurs, ses bizarreries, son attente et ses coups de semonce. L’auteur s’est visiblement bien documenté et nous permet de suivre les combats par les yeux des Allemands comme des Français pendant les quatre années de conflit. Et alors que je pensais lire un récit de frères ennemis, je me suis plutôt retrouvée face à deux personnages qui interrogeaient leur judéité, leur rapport à la religion et la foi (tous deux se revendiquent laïques), et de quelle façon la guerre et le comportement de leur entourage (familial, amoureux ou militaire) les renvoyait à cette condition.

Si j’ai dû interrompre ma lecture après les attentats du 13 novembre, on peut tout de même dire que j’ai dévoré ce roman et qu’il m’a beaucoup plu. Attention, compte tenu du contexte choisi, et de ce qu’on sait de la suite, ce n’est pas vraiment un récit optimiste…
Deux petits bémols : l’épilogue rédigé pour l’édition française n’apporte, selon moi, que peu de chose au roman, à part éventuellement un peu plus d’épaisseur au personnage de Louis, bien que ce ne soit pas nécessaire. Et j’ai relevé une bonne demi-douzaine de coquilles dont certaines m’ont brûlé les yeux (une ou deux n’auraient d’ailleurs jamais dû passer au crible d’un correcteur Word).
Mais quoi qu’il en soit, si des sujets comme le judaïsme, la Première guerre mondiale ou l’intégration vous parlent, je pense que ce livre vous plaira.

Qu’il est doux et beau de mourir pour sa patrie, Avi Primor, Piranha, 25€

Adèle et les noces de la Reine Margot

AdèleAdèle a 13 ans. Elle est perdue depuis le décès de sa grand-mère six mois plus tôt. Ses parents ont toujours été très pris par leur carrière et ne comprennent plus rien à leur fille, en pleine crise d adolescence. À l’école, Adèle est une élève moyenne, plus intéressée par les histoires avec les garçons que par le livre qu elle va devoir pendant les vacances : La Reine Margot, d’Alexandre Dumas. Préférant l’imaginaire à la réalité, Adèle se met à rêver la nuit qu elle est un personnage du roman. Elle rencontre au cours de ses rêves le beau Samuel, dont elle tombe amoureuse. Elle va assister au mariage de Margot, danser pendant les noces, constater les problèmes entre Catholiques et Protestants Mais Adèle commence à perdre pied. Ce qu’elle vit dans ses rêves est tellement plus intense que son quotidien qu’elle n a plus très envie de se réveiller.


J’avais découvert avec ravissement 14-14 co-écrit par Silène Edgar, auteur de ce nouveau roman, et je vous en avais fait part dans ces pages. C’est donc les yeux fermés que j’ai acheté ce nouveau tome, profitant au passage de la présence de Silène aux Imaginales pour me le faire dédicacer. Et je n’ai pas été déçue.
Exploitant de nouveau le thème de l’uchronie, le roman nous fait suivre en parallèle l’histoire d’Adèle, collégienne un peu paumée du XXIè siècle, et celle de son alter ego, transportée par la magie du rêve à la cour de Charles IX en 1572. La reconstitution proposée est bien plus celle du roman de Dumas que l’histoire réelle, toutefois l’auteur rétablit la vérité historique grâce aux recherches effectuées par l’héroïne pour tâcher de comprendre le nouveau monde qui l’entoure.
Confrontée aux jeux de pouvoirs et à l’intolérance religieuse, Adèle pose un regard neuf sur cette époque complexe tout en laissant aux lecteurs le soin de juger la situation et d’établir des parallèles (ou non) avec notre actualité. L’écriture est fine, et le roman se lit d’une traite, si bien que je vous le conseille vivement (il m’a fallu quelques heures pour le dévorer).
En bonus, la fin assez inattendue est très touchante et m’a tiré quelques larmes.

Adèle et les noces de la Reine Margot, Silène Edgar, Castelmore

Mille jours à Venise

deblasiCeci n’est pas un conte, c’est une histoire vraie. L’enthousiaste et désarmante Marlena, bouleversée par sa rencontre avec un «bel étranger», liquide en quelques semaines tout ce qu’elle avait en Amérique pour aller vivre avec lui à Venise…


J’avais déjà lu Mille jours en Toscane, qui est en réalité la suite de cette chronique, attirée par la quatrième de couverture qui mêlait Italie et cuisine, deux de mes péchés mignons (je rêve de retourner en Italie). Du coup, il y a quelques semaines, j’ai embarqué Mille jours à Venise et Un palais à Orvieto qui encadrent ce tome.

Marlena a donc décidé, sur un coup de tête et après avoir rencontré l’amour de sa vie, de tout plaquer aux Etats-Unis pour rejoindre cet homme à Venise. Nous suivons son parcours, depuis les premiers regards échangés jusqu’à ce millième jour : on s’enthousiasme, on doute, on rit et on pleure avec elle. On sent les effluves de sa cuisine monter des pages, on se glisse derrière lorsqu’elle arpente les ruelles et passe d’île en île.

C’est l’histoire d’une femme qui décide de se réinventer et qui va jusqu’au bout de sa démarche. Si le “bel étranger” est omniprésent et a servi de déclic, on sent qu’elle aurait pu bifurquer ailleurs sans lui.
La plume de Marlena de Blasi est légère, épicurienne, mais également évocatrice. Elle nous donne à voir Venise telle qu’elle existe à la fois pour les étrangers et pour les Vénitiens. On sent toute son admiration et sa passion pour la ville, ses rituels et ses bizarreries.

Même si, par moments, j’ai eu envie de secouer le “bel étranger” comme un prunier, je n’en ai pas moins été touchée par l’histoire et transportée par ces si jolies descriptions. J’ai passé un excellent moment et j’ai hâte de lire la suite.
Par ailleurs, ce livre m’a permis de cocher la case “A book set somewhere you’ve always wanted to visit” dans le Reading challenge.