Tartuffe ou (le syndrome de) l’imposteur

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Je ne sais pas si c’est le temps assez moche, mes circonstances personnelles (cela fait deux mois que je n’ai pas de boulot ; je suis en attente d’une trad qui ne veut pas tomber, c’est usant et angoissant), la fatigue, l’angine ou tout cela combiné, mais ces derniers jours j’ai l’impression que mon syndrome de l’imposteur revient au galop. Je pense que beaucoup de personnes verront de quoi je parle : cette conviction intime, profondément enracinée, que tout vous arrive par hasard ou par chance et que, un jour ou l’autre, on finira bien par vous démasquer.

Je suis traductrice ? Un coup de bol, on m’a recommandée et depuis mes éditeurs ont pitié de moi. J’ai écrit des romans ? Oui, mais ils sont vraiment perfectibles / ce n’est “que” de la romance (ouais et en plus j’écrabouille mes propres principes au passage) / j’ai la chance de connaître du monde dans le milieu de l’édition.
J’ai une fille adorable et facile à vivre ? Oui, mais je suis une mauvaise mère et un jour on finira bien par s’en rendre compte…
Je ne poursuis pas, je pense que vous avez saisi l’idée générale.

Alors, d’où ça vient ? Tout d’abord, je pense qu’à l’origine, mon souci dans la vie est de ne pas être un garçon : attention, je suis très contente d’être une fille mais à certaines étapes de ma vie on m’a fait (involontairement) sentir que l’inverse aurait été mieux. Du coup, dans un coin de ma tête, prendre le pouvoir / passer à l’acte / réussir n’est pas possible, puisque je ne suis pas un garçon (gardez vos leçons de féminisme, il est question de mon inconscient, pas de ce que je pense, nuance).
En plus, comme je suis un peu maligne et que je déteste échouer, j’ai toujours fait en sorte de ne pas me trouver en situation d’échec en fournissant le minimum d’efforts. Mauvaise en sport ? Hop, je clame que je n’aime pas ça et qu’on ne vienne pas m’embêter avec des discours sur l’effort et les progrès.
D’une manière générale, je sais que je ne fournis pas l’effort nécessaire pour atteindre le palier supérieur alors qu’a priori je dois en avoir les capacités : poursuivre une réflexion, achever convenablement quelque chose… Je sens que c’est à ma portée, qu’on y est presque, mais impossible de faire le dernier pas.
Quant à recevoir des compliments… avec un haussement d’épaules ou un sourire gêné, oui, pourquoi pas. (Mais notez que si je recevais le Nobel de littérature j’estimerais toujours que c’est une gigantesque erreur.)

Si je parle de tout ça, c’est parce que ce sentiment est vraiment extrêmement prononcé ces jours-ci mais que, paradoxalement, j’ai rêvé cette nuit que je parvenais à hypnotiser un serpent pour m’en emparer. Faut-il y voir une volonté de prendre le pouvoir à pleines mains ?