Le secret

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En ce moment, je mène (ou tente de mener) trois projets de front, mais sans en parler ici, ou alors par de vagues allusions.

  • Un projet vieux de presque vingt ans, qui est un peu mon Everest personnel, et qui m’angoisse beaucoup.
  • Un projet en forme de remise en selle, mais qui est loin d’être gagné.
  • Un projet que je mûris depuis longtemps, et qui se concrétisera bientôt (dommage que ce soit le seul pour lequel je n’ai pas réel effort à fournir).

Si je n’en parle pas sur cette page, j’ai abordé le sujet “en vrai” avec très peu de personnes (5 au total si j’ai bien compté). Plus le temps passe, plus je me rends compte que j’ai du mal à évoquer mes plans, surtout lorsqu’ils me tiennent à cœur. C’est bien entendu à cause de ma peur panique de l’échec – si je n’en parle pas et que je me plante, personne ou presque n’en saura rien. C’est sans doute aussi devenu, au fil du temps, une sorte de superstition : si j’en parle avant, ça va planter.
Je crois que la première fois que j’ai caché un gros truc à mon entourage tant qu’il n’était pas “réel” c’est mon semestre d’études à Tokyo. Oui, c’est pas n’importe quoi. Mon père avait une vague idée que j’étais en train de monter un dossier, ma mère l’a appris le jour où j’ai eu ma réponse (positive) de l’université. Dans le cas contraire, je suis convaincue que nul n’aurait été au courant.
Depuis, j’ai pris le pli : mon premier roman (et un gros bout du deuxième), notre longue attente pour concevoir la Crevette, ma réorientation professionnelle… A chaque fois, j’ai mis mon entourage devant le fait accompli.

Je ne vis pas cette tendance au secret comme un handicap – je l’ai accepté, je sais que je suis comme ça – mais j’ai également conscience que c’est symptomatique : si je n’étais pas aussi terrorisée par le jugement de l’Autre, je ne prendrais pas autant de précautions pour ne pas me trahir. Car l’autocensure est permanente : parfois, j’ai envie d’aborder le sujet, mais je me ravise, me disant que trop de personnes finiront par connaître mes intentions.
Par moments, j’aimerais bien ne rien en avoir à faire et crier sur tous les toits que je vais reprendre des études de médecine pour découvrir un vaccin contre la connerie. Mais affirmer ce genre de chose, c’est aussi se mettre en avant, ce qui reste une gageure.