La confection du cake d’amour par Catherine Deneuve dans le film réalisé par Jacques Demy est une scène délicieuse. Dans le gâteau destiné au prince, Peau d’âne glisse sa bague, indice qui la libérera de sa triste peau.
Peau d’âne fut le plus grand succès public de la carrière de Jacques Demy. Sorti en décembre 1970, le film séduisit le public par le raffinement de la mise en scène, la féerie des décors et des costumes, l’époustouflant casting (Catherine Deneuve, Jean Marais, Jacques Perrin, Delphine Seyrig, Micheline Presle) et les mélodies de Michel Legrand.
Aujourd’hui, le film est adapté pour la scène au Théâtre Marigny.
Si je dois une chose à la deuxième ex-épouse de mon père, c’est mon amour pour deux films emblématiques : La Belle et la Bête, de Jean Cocteau, et le célèbre Peau d’Âne de Jacques Demy. J’ai découvert ces deux films vers 7-8 ans, et ils m’ont depuis toujours accompagnée. Aussi, lorsque ma sœur et moi avons appris l’existence de cette adaptation, nous avons décidé d’y aller ensemble pour revivre notre enfance.
Est-ce que ça valait le coup ? Oui, oui et oui !
La pièce reprend très fidèlement le film, coupant une ou deux répliques ça et là, mais tout juste. La mise en scène est inventive, les acteurs du chœur déplaçant les éléments mouvants du décor avec fluidité. J’ai également beaucoup apprécié le rideau en chaînettes qui ajoute par moments une dimension onirique, ainsi que la feuillée (ornée ou non de lilas) qui descend pour représenter la forêt.
L’intelligence du spectacle est de conserver les anachronismes du film, en les adaptant à notre époque : le fée des Lilas décroche le téléphone et fait du patin à roulettes, l’équipage qui doit emmener Peau d’Âne dans le royaume rouge est en réalité une trottinette… une belle inventivité qui reste dans l’esprit de l’oeuvre originelle.
La chanson “Rêves secrets d’un prince et d’une princesse” se démarque, mais de façon positive : le rêve est symbolisé d’une manière différente (qui n’est pas sans rappeler la scène du balcon dans le Cyrano de Bergerac de Denis Podalydès…).
Les costumes sont époustouflants, sans être une simple copie de ceux du film. Les codes (bleu pour le royaume de Peau d’Âne, rouge pour celui du Prince et violet pour la fée des Lilas) sont respectés et réinventés. J’avoue être seulement dubitative pour la robe couleur du temps (qui était impossible à recréer vu que, pour le film, l’équipe a projeté des images de ciel sur la tenue de Catherine Deneuve), mais c’est peut-être juste une question de goût.
Quant aux acteurs-chanteurs, ils sont excellents. Marie Oppert, dans le rôle-titre, est incroyable. Elle apporte un enthousiasme, une justesse, une fraîcheur au personnage de Peau d’Ane, en faisant une jeune fille moins sage qu’on ne pourrait croire. Ce fut un vrai coup de cœur.
A mentionner également, Emma Kate Nelson en fée des Lilas qui, avec son accent anglais, apporte une touche de fantaisie supplémentaire (et qui chante remarquablement bien), et souligne davantage le côté “peste” de la fée.
En revanche, j’avoue que recruter Claire Chazal en narratrice/Rose était une mauvaise idée : je n’avais jamais remarqué qu’elle avait un tel cheveu sur la langue et qu’elle mangeait autant ses mots. C’est dommage, une véritable actrice aurait sans doute été plus indiquée. Par ailleurs, même si j’ai apprécié de voir Marie-Agnès Gillot, je pense que le petit pas de danse en plein dialogue avec son fils était parfaitement inutile.
Vous l’aurez compris, malgré ces petits bémols, j’ai été enchantée. Nous avons passé un moment génial qui nous a ramenées près de trente ans en arrière, quand nous étions deux petites filles rêvant d’être des princesses (je pense d’ailleurs que le spectacle est accessible à partir de 6-7 ans).
En plus, la représentation s’achève en karaoké géant sur la recette du cake d’amour. Il n’y a plus qu’à trouver la bague !
Peau d’Âne, féerie musicale, Théâtre Marigny, jusqu’au 17 février 2019.