Lear

Lear, roi d’Angleterre, exige de ses trois filles Regan, Goneril et Cordelia une déclaration publique d’amour filial en échange d’un tiers du royaume. Si les deux aînées s’acquittent volontiers de cette épreuve, la cadette, Cordelia, s’y refuse, provoquant la colère de son père qui la chasse et la marie au roi de France, laissant les deux autres se partager son héritage. Las, peu après, Regan et Goneril se liguent pour chasser Lear du palais. Ce dernier se retrouve à errer sur la lande par une nuit de tempête et perd la raison…

Lear titre

Parfois, l’univers vous envoie un signe et vous l’en remerciez : c’est ce qui est arrivé mardi quand, après avoir pesté contre l’annulation du récital de Cecilia Bartoli, j’ai poussé un “ouf” de soulagement car notre ligne de train s’est trouvée totalement interrompue par les intempéries (à l’heure où je vous parle, c’est pas encore résolu). Et puis, parfois, l’univers vous envoie plein de signes que vous négligez : hier soir, j’ai donc bataillé ferme contre le train supprimé, l’absence carte orange (avec la grève, la gare était fermée et les automates inaccessibles), le bus, le métro (trafic ralenti, incident voyageur) et l’ascenseur du Palais Garnier avant de réussir à m’asseoir à ma place, 2 minutes avant le début de la représentation. Je pense que j’aurais mieux fait de rester chez moi. Pour la première fois de ma vie, j’ai quitté l’opéra à l’entracte.

Vous aurez sans doute reconnu l’argument, et pour cause : cet opéra d’Aribert Reimann, composé en 1978, est une adaptation de la pièce éponyme de Shakespeare. A un sujet déjà complexe et dur – la pièce est loin d’être riante – s’ajoute une musique extrêmement contemporaine, essentiellement constituée de cuivres et de percussions, qui exploite au maximum les dissonances. Ajoutez à cela une partition d’une complexité incroyable pour les voix et vous aurez un résultat…à glacer les sangs.

Lear 1

Très sincèrement, je ne savais pas dans quoi je mettais les pieds, mais j’avais vu et apprécié Peter Grimes de Benjamin Britten, et je m’étais dit que l’opéra contemporain ça pouvait se tenter, qu’il ne fallait pas être sectaire. Mais pour le coup, je n’étais vraiment pas le public visé : je pense qu’il faut vraiment connaître et apprécier ce genre de musique, et ce n’est clairement pas mon cas.
En outre, la mise en scène, très sombre, avec des espèces de planches partout qui se meuvent, et des personnages décharnés qui se déshabillent peu à peu, m’a clairement évoqué l’univers concentrationnaire, et m’a mise très mal à l’aise (c’était sans doute voulu). C’est surjoué dans la démesure et l’hystérie, ce qui n’arrange rien.
Il faut toutefois rendre hommage au talent des interprètes, les musiciens comme les chanteurs. Bo Skovhus dans le rôle-titre est impressionnant de rage, d’orgueil, de folie, de détresse (et de puissance vocale). Andreas Conrad fait preuve d’une technique étonnante et maîtrisée, parvenant à chanter une partition qui semble féminine (comme on ne le voit pas tout de suite, j’ai d’abord cru qu’il interprétait Cordelia).

En somme, c’est un spectacle exigeant et difficile, à ne pas mettre entre toutes les oreilles. Je vous laisse le trailer pour vous donner une idée (la première partie durait 1h25).

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