Elégie

C’est fini… Après trois années à se battre contre la maladie, la maladie l’a emportée. Mardi matin, elle fermé les yeux à jamais. Tristesse, bien entendu. Mais soulagement aussi. Soulagement de savoir qu’elle ne souffre plus, qu’elle n’aura plus à subir tous ces traitements. Tristesse de savoir que je ne la verrai plus, que plus jamais je ne l’entendrai m’appeler “Ma chérie” avec ce timbre si particulier.
Jeudi matin, avant la cérémonie, je vais la voir. Elle a les yeux fermés, les mains jointes. Je n’ose pas la toucher. “C’est bien elle, n’est-ce pas ?” “Oui”. A quoi ai-je répondu ? Ai-je confirmé que c’était bien elle qui reposait ici ? Ou ai-je affirmé que, même dans la mort, elle se ressemblait ? Je ne veux pas le savoir.
Puis viennent la mise en bière, la répartition des fleurs, tous ces gestes que je connais pour les avoir lus ou vus, jamais pour les avoir pratiqués. Chacun à notre tour nous pleurons. Vision terrible de ma mère pliée en deux, écrasée de chagrin. Tenir pour permettre aux autres de lâcher prise.
La cérémonie se passe comme si j’étais loin d’ici. Je ne peux qu’approuver les paroles du prêtre, même si celles-ci ne font pas appel à mes propres croyances. Pleurer soulage mais ne ressuscite pas. Il faut continuer d’avancer.
La sortie de l’église, l’attente au crématorium sont autant de douleurs qui m’arrachent des larmes. Mais je sais que mon chagrin n’est que “de surface” : comme une bête tapie, il attend son heure pour surgir, mais je lui ai intimé l’ordre de se taire pour le moment. “C’est fini, on ne la verra plus jamais”. Comment leur dire que ce n’est pas une véritable fin ? Exprimer que nous y viendrons tous, chacun à notre tour ? Leur faire comprendre que c’est une pause et non un arrêt définitif ? Mais je sens que de telles paroles reviendraient à nier leur chagrin. Aussi je me tais : le silence et les gestes sont parfois plus éloquents.
Derniers gestes, dernier hommage. La dispersion des cendres, le retour à la terre. Que rien ne demeure. Poussière, tu retourneras à la poussière. Seuls subsistent quelques fleurs et nos souvenirs.

3 thoughts on “Elégie”

  1. Sic transit

    Je souhaite que la justesse de ton analyse et la finesse de cette description soient des appuis pour ceux qui recherchent un peu de réconfort.

    Je pense beaucoup à vous…

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