Tokyo en cinq jours – Jour 4

Jour 4
Après la vie quotidienne hier, place au Japon et à ses cérémonies, sous toutes ses formes. On utilise parfois en études japonaises l’expression d’ “empire des rites” pour parler de ce pays, et c’est avec raison. Je pense que c’est là qu’il faut chercher une des raisons de ma passion pour ce pays. Les rites, les rituels, en ce qu’ils ont de codifié, de répétitif, d’encadré, ont un côté sécurisant et apaisant. Dans L’année où j’ai vécu selon la Bible, A. J. Jacobs ne dit pas autre chose quand il parle des obligations bibliques auxquelles il doit se conformer. Bref.
Toujours est-il que c’est pour apaiser un des aspects de ma passion pour les rites japonais que j’ai décidé de traîner l’Anglais dans la moitié des grands magasin de Ginza ce matin : je cherche un kimono. Pour tout ce qui concerne ce vêtement et (quelques-unes de) ses particularités, vous pouvez jeter un oeil à un vieil article que j’ai commis il y a deux ans. Sinon, la plupart de mes lecteurs savent déjà qu’il s’agit d’une de mes marottes. Je possède un vieux tomesode qui a connu des jours meilleurs, ainsi qu’un obi tout ramollo et pas mal d’accessoires, mais il me manque encore pas mal de choses dont je veux faire l’acquisition.

Ginza a souvent été comparé aux Champs Elysées depuis les années 1980. A tort, selon moi. Déjà, Ginza, c’est un quartier, et pas une avenue – bon soit, c’est surtout deux grandes artères qui abritent beaucoup de magasins de luxe et de grands magasins très chics, en plus du kabuki-za, le théâtre national consacré à cet art. Ensuite, Ginza c’est froid et c’est un coin à vieux (et surtout à vieilles) pleins de frics et à touristes. Mais qu’à cela ne tienne, je trouverai sans doute mon bonheur ici.
Sauf qu’en fait non. Après avoir parcouru trois magasins, je dois me rendre à l’évidence : les rayons spécialisés pour les kimonos sont soit inexistants, soit affreusement moches/réducteurs. En désespoir de cause, nous décidons de repartir à Shibuya, où nous serons peut-être plus chanceux. A Shibuya, nous faisons de nouveau chou blanc : il y a un bien des rayons pour les yukata – kimono léger en coton pour les fêtes d’été – dans les magasins Marui, mais ce n’est pas ce que je cherche non plus. Nous finissons par “échouer” à Shinjuku, non sans nous être arrêtés au McDo – je ne pouvais pas laisser l’Anglais repartir sans avoir goûté le Mac Teriyaki. Et le miracle s’opère. Nous trouvons le bon stand.

Déjà, je peux m’estimer chanceuse, le Japon est le pays du client roi : j’ai beau avoir une tête d’Occidentale repérable à 50 mètres, la vendeuse est aux petits soins pour moi, ne semble pas s’étonner le moins du monde que je demande à voir des furisode… Elle pousse même la gentillesse et l’amabilité jusqu’à me sortir plus de kimono que nécessaire parce que “même s’ils sont trop chers, c’est joli à essayer” ! Et finalement, mon choix se porte sur le premier qu’elle m’avait conseillé : un magnifique furisode bleu à motifs de sakura. Moi qui voulais éviter de tomber dans le cliché, c’est raté ! Mais qu’à cela ne tienne, il est superbe et j’en suis très heureuse.
Je complète mes courses par divers accessoires – cordons, obi-ita… plus une paire de zôri que l’Anglais décide de m’offrir. Nous avons le privilège d’admirer la diligence des vendeuses, qui se mettent à deux pour emballer mes achats (parce qu’aujourd’hui il pleut, donc j’ai droit à une protection supplémentaire), puis nous rentrons à l’hôtel, car déjà il faut se préparer pour la seconde partie de la journée…

Car la raison première de notre visite au Japon, c’est d’abord le mariage d’un couple d’amis à moi. Lui est japonais, elle est chinoise, et ils se sont déjà mariés “religieusement” à Shanghai le mois dernier – j’étais invitée aussi, mais mes finances n’arrivaient pas à suivre. Du coup, ce soir, il s’agit juste d’une réception pour les amis et les collègues. Et là, nous allons pouvoir constater que la différence culturelle n’est pas un vain mot.
J’ai beau savoir à quoi m’attendre, me retrouver à 5 gaijin dans la foule et la seule femme, ça fait bizarre. Les gens sont même persuadés que l’invité est l’Anglais et que je suis là à titre de “compagne”. Le réception est en fait le prétexte à mettre les mariés en représentation devant leurs invités : discours, séances de pose avec tout le monde (on fait même la queue pour ça)… le tout en japonais. Je vous laisse imaginer le bonheur de l’Anglais qui ne suit rien aux débats – j’ai moi-même beaucoup de mal car le langage est très codifié et formel.
Mais n’allez pas croire que la soirée est triste, voire guindée ! Déjà, les mariés ont organisé un petit quizz pour leurs invités : vont-ils avoir les mêmes réponses à des questions aussi cruciales que “Quel est le plat préféré de Yoshi quand Shengya cuisine ?” ou “Quelle activité voulez-vous que vos enfants pratiquent plus tard ?” Etrangement, l’erreur n’est pas forcément là où on le penserait. A un moment, les collègues et amis du mariés se lancent dans une session danse de boys band + karaoke, avant d’inviter le marié à y prendre part lui-même !
Bon, de notre point de vue, la grosse déception vient du buffet : le thème est scandinave ! Faire 10.000km pour manger des harengs marinés, c’est un peu… bof. Surtout alors que les parents de l’Anglais nous ont emmenés dîner au restaurant Copenhague le mois dernier (non je ne fais pas ma snob, j’énonce juste un fait).
Le cocktail est assez bref (18h-20h30), mais je crois que cela a suffi à mon cher et tendre comme incursion dans l’univers bien particulier des mariages asiatiques. Les mariés sont allés boire un verre ou deux (ou plus) avec leurs invités à l’issue de la soirée, mais nous avons renoncé : trop fatigués et pas très envie d’arpenter les rues alors que je ne suis pas assez couverte (ben oui, j’ai fait mes bagages en pensant qu’on aurait 25-30°, pas 20° et de la pluie).

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