Cyrano de Bergerac est un soldat, un cadet de Gascogne, bretteur, hâbleur, poète et rebelle, toujours enclin à épingler les gens d’un bon mot ou d’un coup d’estoc. Seule à échapper à ses foudres, la précieuse Roxane, sa cousine, dont il est secrètement amoureux. Toutefois, cette dernière n’a d’yeux que pour Christian, un jeune cadet, malheureusement dénué de tout esprit.
Cyrano, qui a promis à Roxane de protéger son amant, propose à ce dernier un marché : “Je serai ton esprit, tu seras ma beauté”. Tous deux courtiseront la belle, l’un avec ses mots, l’autre avec ses traits…
C’est l’histoire d’une pièce que nous avons failli ne jamais voir. La veille de la représentation, notre baby-sitter a dû annuler pour cause d’urgence urgentissime. Heureusement, Leen a pu nous dépanner. Las, le jour même, Monsieur était malade et coincé dans la salle d’attente du médecin (qui avait 1h30 de retard, un record), Leen est arrivée juste à temps pour cause de véto en retard… par un miracle inattendu, nous sommes arrivés à l’heure au théâtre, mais le retour nous a réservé une dernière surprise : travaux sur la voie, bus de remplacement, près de 25mn d’attente… on a pris un taxi.
Bon, c’est bien joli, me direz-vous, et la pièce ?
Comme presque tous les gens de ma génération (je dis “presque”, car ce n’était pas le cas de l’Anglais), je connais Cyrano de Bergerac grâce à l’interprétation de Gérard Depardieu dans le magnifique film de Jean-Paul Rappeneau. Celui-ci m’a transportée quand je l’ai vu au cinéma – j’étais petite – et m’a toujours fait un effet incroyable, au point que j’en connais toujours des vers par cœur (je n’ai lu l’oeuvre originale qu’une seule fois).
Compte tenu du nombre de personnages et de décors, je m’interrogeais sur la façon de représenter cela au théâtre (surtout le premier acte), mais j’ai été ravie : la transposition du sujet dans l’époque même de Rostand, émaillée de références aux Comédiens-Français m’a emportée. C’est drôle, intelligent, bien fichu, l’espace est parfaitement occupé, y compris les sous-sols et les hauteurs (si, si).
Quant à l’interprétation, elle est exceptionnelle. Michel Vuillermoz utilise toute la palette des émotions humaines et fait de son Cyrano un héros juste et entier, sans pour autant donner dans la caricature. Le personnage se met à nu, expose ses faiblesses autant que ses torts, mais parvient à rester magnifique jusqu’au bout.
N’oublions bien évidemment pas le reste de la distribution (c’est l’avantage, au Français, les comédiens sont toujours bons) : Françoise Gillard en Roxane aveugle jusqu’au bout, et Hervé Pierre en Ragueneau tantôt truculent, tantôt désabusé soutiennent parfaitement son jeu. Même Loïc Corbery, pourtant dans un rôle moins flamboyant, parvient à communiquer le mal-être et l’angoisse de son personnage de plus en plus en décalage avec celle qu’il aime. Didier Sandre me fait toujours de l’effet depuis son interprétation de Louis XIV dans L’allée du roi, alors je suis partiale (mais il était aussi génial).
J’ai adoré les lumières, l’ambiance sonore et musicale, les décors (ah, la rôtisserie des poètes ! le siège d’Arras, mélange de radeau de la Méduse et tranchées de la Grande Guerre !), l’évident enthousiasme des comédiens de s’emparer de ce texte, la musicalité et l’intelligence des vers de Rostand, le rire, bien sûr, mais aussi l’émotion palpable.
Bref, c’était génial. Je vous dirais bien d’y courir, malheureusement, toutes les places sont vendues, il vous reste à prier pour que la pièce soit remontée à la saison prochaine.
En revanche, après avoir vu la pièce, je ne sais pas de quel œil je reverrai le film…