Amour filial

Ce matin, au réveil, j’ai appris que mon père, ma belle-mère (pas celle-là, l’autre) et ma demi-soeur seraient en France une dizaine de jours courant juin. Outre que ça tombe, comme par hasard, en plein pendant les médiévales de Provins (et là je sens que pour aller camper ça va le faire moyen), je ne sais pas trop sur quel pied danser.

Je suis assez proche de mon père : nous partageons essentiellement les mêmes goûts et les mêmes idées. Notre relation, qui a eu beaucoup de hauts et de bas, a toutefois été plus simple qu’avec ma mère, sans doute parce qu’elle était plus distanciée et moins purement émotionnelle.
Pourtant quand, il y a bientôt cinq ans, mon père a choisi de s’expatrier avec sa femme, cela a été en quelque sorte une rupture. Alors que je lui parlais toutes les semaines, les contacts se sont espacés. Sans doute de mon fait, car je lui en voulais de quitter encore une fois le pays en laissant ses enfants derrière lui (plus trop moi, mais j’estime que pour les suivants, en particulier mon demi-frère, il n’aurait pas dû), et parce que je redoutais d’apprendre au détour de la conversation que ma belle-mère était enceinte (oui, je fais très bien l’autruche).

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Aujourd’hui, c’est un peu un étranger. Je garde une distance polie, car je n’ai pas spécialement envie de l’impliquer dans ma vie : à quoi bon ? De toute façon il disparaîtra. Je ne lui parle que de l’essentiel – il ne sait toujours pas que j’écris, par exemple, et je n’ai pas l’intention de le lui dire – sans plus jamais entrer dans les détails.
C’est un peu triste non ? Je sais très bien qu’à l’origine il y a une profonde colère en moi, que j’ai beaucoup de mal à expulser et à laquelle je ne veux, semble-t-il, pas renoncer. Et me taire, c’est paradoxalement ma façon à moi d’exprimer cette colère.

Du coup, je ne sais vraiment pas comment réagir à cette visite familiale. Je sais que je ferai de mon mieux, que je serai souriante et aimable mais, au fond de moi, je traînerai des pieds.
Et je m’interroge : qu’adviendra-t-il si, plus tard, je me retrouve dans le rôle de mon père vis-à-vis de la Crevette ? Serai-je capable d’accepter qu’elle s’éloigne à ce point ? Et quand bien même, n’en demeurera-t-il pas une blessure quelque part ? Je n’ai malheureusement pas la réponse.

Enfin. La bonne nouvelle, c’est qu’il me reste quatre mois pour apprendre à respirer (discrètement) par le ventre.

Famille (dé)composée

Comme beaucoup d’enfants de ma génération – je suis née dans les années 80 – je suis une “fille de divorcés”. Quand ma sœur et moi étions petites, nos parents se sont séparés, mon père partant vivre en Suisse tandis que ma mère rejoignait – avec nous – celui qui allait devenir mon beau-père dans le sud de la France. Sauf qu’ils ne se sont pas arrêtés là. Et que leurs ex et nouveaux conjoints ont aussi refait leurs vies. Je vous laisse juger du bordel…

Livret_de_famille_Paris_1948

Aujourd’hui, je suis donc l’aînée d’environ quatre enfants. Non, je n’ai pas de meilleure explication.

  • J’ai une sœur “entière”, de trois ans ma cadette.
  • Nous avons un demi-frère, né du second mariage de mon père.
  • Le second mari de ma mère avait déjà deux filles de son premier mariage et, même si nous n’avons jamais eu de lien de parenté, nous avons été en partie élevées ensemble, partageant week-ends pluvieux et vacances ensoleillées. D’un commun accord, nous nous désignons comme “belles-soeurs”, voire “ex-belles-soeurs”. C’est limite plus simple que de dire “les filles du premier lit de mon ex-beau-père” (en plus, cette expression de “premier lit”, beurk).
  • La deuxième ex-épouse de mon père a eu un autre enfant après leur séparation. J’ai donc un demi-frère de demi-frère (un quart, disons).
  • Avec sa troisième (et actuelle) épouse, mon père a eu une fille il y a un peu plus d’un an. J’ai donc une demi-soeur qui a quasiment l’age de ma propre fille.

Tout cela fait un gros foutoir, me direz-vous. Et vous aurez raison. L’idée n’est pas de me plaindre – honnêtement, à force, ça devient un sujet de blague – mais juste de relater une expérience. Cette situation de famille peut parfois donner lieu à des situations totalement ubuesques : j’ai ainsi raté le mariage de ma belle-soeur parce que mon père se re(re)mariait le même jour.

Je ne vais pas vous mentir, ça n’a pas été toujours rose. Le divorce de mes parents m’a touchée de plein fouet, d’autant, je pense, que je n’ai rien vu venir. Je me suis très bien entendue avec mon beau-père, qui a fini par disparaître de nos vies quand ma mère l’a quitté. A l’inverse, je ne me suis jamais bien entendue avec la deuxième épouse de mon père (c’est un euphémisme), et j’ai quasiment sauté de joie quand ils nous ont annoncé leur séparation. L’actuelle situation de mon père (marié à une jeune femme de trois ans mon aînée…) me fournit ample matière à mes rendez-vous chez le psy.
De tout temps, mon angoisse a été de reproduire le schéma parental. Au point qu’au début de notre relation, alors que nous parlions déjà enfants et mariage, l’Anglais a dû me convaincre à plusieurs reprises que nous formions une famille et qu’il n’allait pas se barrer du jour au lendemain (je dis ça, mais ce sont toujours les femmes qui partent, chez nous).

Après, je reste persuadée que la séparation de mes parents nous a épargné de vivre dans une famille à l’union de façade, qui aurait donné lieu à un autre type d’angoisse. La famille parfaite n’existe malheureusement pas, mais je reste convaincue qu’il doit exister une demi-mesure, une façon de préserver au maximum les enfants des désaccords (voire des conflits) des adultes qui les entourent.