Vendredi dernier, Leen et moi avons repris le chemin de l’opéra. Et pour ouvrir la saison, quoi de mieux qu’un ballet ? Ou plutôt, qu’une compagnie invitée, celle-ci mondialement célèbre ?
Je connaissais Martha Graham de nom, mais c’est à peu près tout. La lecture de Martha ou le mensonge du mouvement, de Claude Pujade-Renaud, m’a ouvert son univers créatif et m’a, je pense, permis de mieux savoir à quoi m’attendre en termes de danse et de technique. Mais à mon sens, même un novice absolu un peu intéressé par la danse pourrait y trouver son compte.
Le programme présentait quatre pièces : Appalachian Spring, peut-être la plus connue des créations de Martha Graham, Ekstasis un solo de 1933, dont la chorégraphie a été ré-imaginée par Virginie Mécène, trois variations autour du ballet Lamentation, et enfin The Rite of Spring, qui fut, je crois, la dernière création de Martha Graham à 89 ans.
Appalachian Spring était une commande de la Bibliothèque du Congrès de Washington pour remonter le moral de la population américaine à la fin de la guerre. Il met en scène un jeune couple de pionniers le jour de son mariage. Ceux-ci sont entourés de quatre jeunes filles censées incarner la foi, d’un pasteur qui les bénit et d’une pionnière supposément plus âgée. Le ballet est beaucoup plus “doux” que nombre d’œuvres de Martha Graham, avec des robes longues pour les femmes, des mouvements plus fluides et une atmosphère réellement enjouée.
J’ai beaucoup aimé cette pièce, sans doute une des plus “faciles” pour entrer dans l’univers de la chorégraphe.
Ekstasis était un solo créé par Martha Graham considéré comme perdu : il n’existe aucun enregistrement vidéo et seulement quelques brèves descriptions. De même, la partition originale a disparu. Virginie Mécène, ancienne danseuse et actuelle directrice de la compagnie, a donc ré-imaginé cette chorégraphie à partir de ces fragments, s’inspirant de ce que les témoins de l’époque et la créatrice elle-même en disaient. Le résultat est effectivement à la hauteur, très technique, et interprété cette fois-ci par Aurélie Dupont.
Rendons à César… la Patronne est bel et bien une danseuse incroyable (même s’il y a eu un énorme blanc dans le public quand sa participation a été annoncée). J’avoue toutefois avoir été moins touchée par cette pièce, peut-être par l’effet un peu hypnotique d’une scène presque entièrement plongée dans l’obscurité qui m’a empêchée de réellement me concentrer ?
Viennent ensuite les variations autour du solo Lamentation. La première variation a été conçue en 2007 pour une soirée hommage aux victimes des attentats du 11-septembre. Devant le succès de cette réinterprétation, cette pratique s’est répétée, au point que l’on compte désormais une quinzaine de variations, dont trois étaient présentées ce soir (notamment la n°1).
La première est celle qui m’a le plus émue, et j’ai trouvé qu’elle résonnait vraiment avec le titre et les conditions de création de l’oeuvre. Les deux suivantes m’ont moins parlé (la fatigue, peut-être ?).
Après l’entracte, la compagnie revient avec Rite of Spring, soit la chorégraphie de Martha Graham pour le Sacre du Printemps, sur la célèbre musique de Stravinski. Le ballet raconte le sacrifice d’une jeune femme, l’Elue, en guise de rite propitiatoire pour le printemps.
Cette version était ma première de ce ballet, chorégraphié par de nombreux artistes. C’est un spectacle tout en tension, en force, en opposition, la danse est presque “brutale”, elle est en tout cas brute et implacable. La chorégraphie ne laisse pas de repos aux danseurs comme aux spectateurs, et on en sort le souffle court. Vous l’aurez compris, cette pièce a été un vrai coup de cœur, peut-être l’archétype de ce que je m’attendais à vivre lors de cette soirée.