1799 : le fils adoptif du père de la nation américaine part à la recherche de l’Eldorado.
Jour J est une série de BD dont le concept repose sur l’uchronie : on raconte l’histoire telle qu’elle aurait pu se passer si… un événement ne s’était pas déroulé comme prévu, un personnage avait disparu trop tôt ou pris d’autres décisions… Le choix est large, et les possibilités infinies.
Je suis cette série depuis ses débuts et sa fracassante couverture “Les Russes sur la Lune!” qui reprenait le célèbre cliché d’Armstrong posant le pied sur notre satellite. Depuis, les albums s’enchaînent à un rythme assez effréné, grâce à un système assez intelligent : les scénaristes, Duval et Pécaud, gèrent toutes les histoires, tandis que l’illustration de celle-ci est confiée à différents dessinateurs – à l’exception de la couverture. L’avantage, c’est que les publications sont régulières et fréquentes, bien plus que pour une série classique. L’inconvénient, c’est que le rendu est parfois inégal.
Sur cette histoire en particulier, j’ai beaucoup aimé le parti pris : le père de Napoléon fuit la Corse, s’engage aux côtés des Américains et, en mourant, fait promettre à George Washington de veiller sur son fils. Le jeune Napoléon Washington Bonaparte, devenu officier dans l’armée américaine, fait preuve d’un génie militaire sans pareil, mais son bellicisme et sa soif de conquête lui valent de se brouiller avec son père adoptif, puis avec le Congrès. Il n’en décide pas moins de libérer tous les peuples opprimés d’Amérique, et enchaîne les campagnes…
Tout cela s’annonce fort bien : l’idéal du jeune Napoléon (qui, bien que noble, prit fait et cause pour la Révolution) est bien transplanté, de même que son sens tactique légendaire et, plus loin, sa boulimie guerrière. Toutefois, l’histoire s’enlise, au propre comme au figuré, dans une quête de l’Eldorado plus ou moins sous acide. D’un truc tout à fait vraisemblable, on se retrouve à nager dans une extrapolation pas très bien maîtrisée, à mon avis.
C’est malheureusement le reproche que j’aurais tendance à faire à la série tout entière : si certaines histoires sont assez plausibles, intéressantes et bien faites, d’autres sont à la limite du n’importe quoi (le pire étant le tome 16 qui a fait une incursion assez invraisemblable et ratée dans la SF). J’ai l’impression que l’accélération du rythme de parution a un peu nuit à la partie “recherche pour le scénario”.
Du point de vue du dessin, je connaissais déjà l’illustrateur de cet album car il a travaillé sur le tome 6 de cette même série, “L’imagination au pouvoir” (ou à quoi ressemblerait la France si mai 68 était allé jusqu’au bout), un de mes préférés. Le trait est fin et la représentation de Napoléon réaliste (même s’il a parfois une expression un peu trop “habitée” à mon goût). Les pages déclinent parfois une seule couleur, mais l’image n’est pas brouillée pour autant.
Au final, j’ai un sentiment très mitigé de cet album : je regrette que l’histoire, qui tenait debout, ait bifurqué de façon aussi étrange, mais j’ai apprécié la façon dont le personnage de Napoléon était traité.