Mademoiselle Else est un court roman d’Arthur Schnitzler publié au cours de l’entre-deux-guerres. Il relate, sous la forme d’un monologue intérieur, parfois interrompu par des moments de discussion, une journée dans la vie d’Else, fille d’un avocat réputé. Après avoir reçu une lettre l’informant de la ruine prochaine de son père, Else se voit forcée de réclamer l’aide de Dorsday, un riche marchand d’art qui passe ses vacances dans le même hôtel qu’elle. Ce dernier accepte, à la condition de pouvoir contempler la jeune fille nue pendant un quart d’heure. Prise entre le désir de sauver son père, l’impossibilité d’accepter l’offre de Dorsday et de nombreuses contradictions, Else finit par se déshabiller dans les salons de l’hôtel avant de se suicider avec des somnifères.
Sur une trame en apparence simple, Arthur Schnitzler développe une analyse perspicace des pensées d’une jeune fille confrontée à un dilemne insolvable. Il parvient à retranscrire tous les aspects de la personnalité de l’héroïne – sa timidité, sa révolte, sa soumission aux ordres familiaux, sa sensualité… – et le conflit qui l’habite. La forme originale du monologue intérieur, qui n’est pas sans rappeler le stream of consciousness si cher à mes professeurs d’anglais, la concision du style, la galerie de portraits épinglant la grande bourgeoisie autrichienne, les liens avec la psychanalyse et avec le travail de Freud… tout cela contribue à faire de ce texte une oeuvre marquante et enrichissante.
Mademoiselle Else? Je me souviens l’avoir lu (pardon, déchiffré) en allemand, et d’avoir ensuite eu le bonheur d’en découvrir la traduction (bien plus lisible, au demeurant)… avis aux dépressifs! Non, sérieusement, c’est épouvantable de suivre cette pauvre Else, dont les possibilités pour s’en sortir tombent les unes après les autres (notamment avec les courriers de son père), et que la seule issue soit le déshonneur en se montrant nue (sans savoir si l’affreux ne va pas en plus en profiter). Même lorsque l’on se dit “c’est fini, elle l’a fait”, hé bien non, ce n’est pas fini, il reste un émouvant monologue ou elle pèse le pour et le contre avant de s’abandonner…
Un très beau livre, assurément, mais terriblement triste, avec, à la fin, pour le lecteur, la sensation d’un terrible gâchis devant cette jeune vie pleine de promesses.
Léo, je sais que tu aimes la grande littérature, mais peux-tu, la prochaine fois, trouver un livre bien hilarant (je ne sais pas, moi, les répliques de Desproges ou les dialogues savoureux d’Audiard)?
Bisous et bonne lecture!