En 1789, quand la Révolution française éclate, Axel von Kemp a vingt ans et se morfond dans son château de Regel, près de Berlin. Botaniste mais aussi éminent prospecteur minier des gisements de Saxe, cet ami de Goethe qui, rêve de liberté sexuelle et de grands voyages exotiques finit par s’embarquer avec son amie de coeur, Lottie, une jeune femme juive aussi excentrique que profondément désespérée. Bardé d’instruments de mesure de toutes sortes, d’herbiers et d’un véritable laboratoire de chimie, leur tandem va arpenter, à pied ou à cheval, la majeure partie de l’Amérique du Sud, depuis le Venezuela, où tous deux débarqueront au terme d’une traversée épique sur un navire négrier, jusqu’au plus haut volcan des Andes, en passant par la remontée de l’Orénoque en pirogue. Dans les mystères de la jungle obscure, qu’ils vivront comme une épreuve initiatique bouleversant leur sexualité, ils trouveront enfin une forme d’épanouissement existentiel et intellectuel sous le signe du romantisme, quand l’écologie naissait à peine et que les poètes allemands pensaient ardemment l’union de l’homme et de la nature.
Rétrospectivement, je trouve la quatrième de couverture un peu trop enthousiaste et détaillée par rapport à ce qui se déroule vraiment. J’ai passé près de 100 pages à attendre que les héros partent pour de bon et, soyons honnêtes, j’ai failli décrocher. Non que ce soit mauvais, loin de là, mais j’avais l’impression de m’être fait arnaquer.
En outre, le choix de l’auteur d’employer une langue résolument contemporaine m’a parfois fait grincer des dents car je trouvais que cela créait des dissonances dans le récit. Et l’obsession des personnages pour le sexe, l’abstinence, le désir m’a parue lourde. Plutôt que le voyage et le dépaysement, il s’agit du véritable fil conducteur du roman.
Toutefois ce n’est pas du tout un mauvais livre. Les descriptions extrêmement évocatrices, en “bien” comme en “mal” : on souffre et on se réjouit avec les personnages, on ressent de façon quasi viscérale ce qui les touche, on se prend le réalisme de plein fouet. Mais le véritable thème de cette histoire, la plongée abrupte dans la psyché d’Axel et Lottie, homme efféminé, femme asexuée, et la réflexion sur la place de l’homme et de la femme dans la société et dans l’inconscient. De ce point de vue, le voyage est d’une justesse qui confine à la violence.
Au final, je ne sais pas du tout quoi en penser ! Je dirais que c’est une lecture très intéressante, si tant est qu’on soit prêt à se laisser bousculer voire malmener. Et surtout, oubliez la quatrième de couverture.
Le chaste monde, Régine Detambel, Actes Sud
Reading Challenge 2015 : a book based entirely on its cover