C’est un peu par hasard que j’ai fait l’acquisition de cette revue littéraire. A l’origine, je pensais acheter un magazine d’actualité à la façon de XXI ou Six Mois, exclusivement consacré à l’Amérique. Oui, je fais partie de ces gens qui foncent tête baissée pour une couverture…
America, fondé par François Busnel, animateur de l’émission La Grande Librairie, se propose de tenir une chronique des Etats-Unis de l’ère Trump, à raison d’un numéro par trimestre pendant quatre ans. Il y a donc, fait intéressant, une vie et une mort annoncées de cette revue, avant même de savoir si elle va marcher.
Le magazine est très bien fait, dense, proposant longs entretiens, reportages, chroniques… Le but est à la fois d’éclairer différents pans de la culture américaine d’un jour nouveau mais, aussi, de “retrouver le temps long de l’enquête et du reportage”. Et c’est exactement ce qui a lieu.
J’ai débuté par le grand entretien offert par Toni Morrison, prix Nobel de littérature et grande dame des lettres (j’avoue, je ne connais d’elle que des extraits de Beloved étudiés au lycée). Ce simple entretien est d’une perspicacité, d’une franchise incroyables. L’auteur revient sur son parcours personnel, son rapport à la lecture et à l’écriture, mais éclaire aussi la question raciale d’un jour tout à fait nouveau (du moins pour moi). En partant de la réalité historique et de la façon dont les Etats-Unis se sont construis sur la soi-disant suprématie des Blancs sur les Noirs, encouragée dans les catégories très pauvres de la population.
Si je n’ai pas encore eu le temps de tout parcourir, j’ai également beaucoup apprécié le reportage consacré aux “Pauvres petits blancs”, de Sylvain Cipel, qui ausculte le désarroi et le sentiment néanmoins prégnant de supériorité par rapport aux personnes de couleur des électeurs de Trump. Les photos qui l’accompagnent sont à la fois poignantes et violentes, et témoignent d’une réalité qu’il est difficile d’imaginer.
Je me suis aussi régalée de la nouvelle inédite de F. Scott Fitzgerald, Reconnaissance de dette, qui m’a fait beaucoup rire. Près d’un siècle après sa publication, le texte est d’une modernité stupéfiante.
Alors, non, je n’ai pas (encore) tout lu. Conformément au vœu des fondateurs de cette revue, celle-ci nécessite de se placer dans un temps long pour la consulter, s’en imprégner, y revenir. Mais si la littérature ou la question américaine vous intéresse, je ne peux que vous encourager à la lire, car c’est à la fois un témoignage très fort et un beau souffle d’espoir. La pensée n’est pas morte aux Etats-Unis, bien au contraire.
America, numéro 1, 20€ (dans les librairies)