Vendredi dernier, Leen et moi avons pris notre courage à deux mains et sommes allées assister au plus long opéra de notre (jeune) vie : Les maîtres chanteurs de Nuremberg, de Wagner.
A Nuremberg, les maîtres chanteurs – pour la plupart des artisans passés maîtres dans l’art de composer des poésies chantées – sont sur le point d’élire le grand vainqueur de leur concours annuel, qui se tient à la Saint-Jean. Cette année, en outre, maître Pogner offrira la main de sa fille, Eva, ainsi que tous ses biens au gagnant, souhaitant en fait privilégier Beckmesser, car Hans Sachs, le meilleur d’entre eux, ne participera pas.
Mais la jeune fille ne l’entend pas de cette oreille (ah, ah) : amoureuse du chevalier Werther, elle ourdit un plan pour épouser celui-ci. L’amant décide alors de réclamer l’aide de Sachs pour remporter le concours, et gagner ainsi la main de sa bien-aimée.
J’ignorais que Wagner avait composé des opéras aux tonalités comiques et qui se finissent bien, aussi ai-je été ravie par cette (longue) histoire à tiroirs. Les situations sont drôles, touchantes, parfois poignantes et justes…
La direction musicale de Philippe Jordan est pour ainsi dire sans faille : j’avais entendu dire qu’il avait “dénazifié” l’oeuvre et, en effet, dès le programme il explique ses choix de jouer conformément à la partition et non à la tradition, de rendre les subtilités prévues par Wagner, insistant sur la nécessité pour la mélodie d’accompagner le chant, et non l’inverse. A aucun moment on n’a l’impression d’être dans une musique va-t-en-guerre et pompeuse.
Les interprètes sont excellents, avec une mention spéciale à Michael Kupfer-Radecky, qui a remplacé au pied levé Gerald Finley, souffrant, dans le rôle principal. Un vrai morceau de bravoure mais, à en juger par la réaction de tous, dans le public comme parmi les artistes, une franche réussite. Les autres chanteurs ne sont pas en reste, et offrent de beaux moments de comédie ou de tragédie – sans compter les chœurs, dont la direction est véritablement sans faille, et qui parviennent à s’insérer harmonieusement sur scène et dans la mélodie, malgré leur nombre (120 !). Bo Skovhus parvient à humaniser Beckmesser, le grand méchant ridicule, et tous dénotent un talent certain pour le théâtre.
La mise en scène est drôle et inventive : cette histoire semble se dérouler dans des recoins de la maison de Hans Sachs, et les personnages s’animent comme de minuscules fées vivant dans les meubles. Ce tour de passe-passe (servi aussi par de superbes décors, costumes et lumières) permet même de digérer les cinq dernières minutes de nationalisme puant (n’oublions pas que Wagner est un homme du 19è siècle), en en faisant une espèce d’envolée lyrique d’un homme qui serait grisé de sa propre importance (et les réduisant, donc, à de vulgaires élucubrations).
Cet opéra me confirme que je suis wagnérienne dans l’âme, ce qui me surprend encore, je l’avoue. Je n’ai pas vu passer le temps, j’ai passé un moment inoubliable, et je pense que j’essaierai de découvrir d’autres oeuvres du compositeur prochainement.
Les maîtres chanteurs de Nuremberg, Opéra Bastille (photos empruntées à la page Facebook de l’Opéra)