A la veille de la Saint-Barthélémy, Raoul de Nangis, protestant, et Valentine de Saint-Bris, catholique, tombent amoureux. Au-delà de leur tragédie personnelle, Meyerbeer met en musique les tractations politiques et les vengeances qui mènent au massacre de 1572.
Je ne connaissais cet opéra que de nom, mais il avait tout pour me plaire. Les cinq heures de spectacle annoncées ne me faisaient même pas peur (j’ai vu Les maîtres chanteurs de Nuremberg, moi, madame) et, pour couronner le tout, Clara nous a appris peu après notre réservation qu’elle ferait partie de chœurs.
En guise de prologue, un “extrait de journal” d’un soldat daté de… mars 2063. Pourquoi ? Comment ? Bonne question, à laquelle nous n’aurons jamais de réponse. S’agissait-il de justifier les décors blancs inspiration Ikea et les costumes d’inspiration historique mais très épurés ? Probablement.
La mise en scène est agréable et les actes s’enchaînent sans temps mort. J’en viens presque à regretter la vingtaine de minutes supprimée de la partition pour les besoins de ce spectacle ! Soyons francs, en écoutant Meyerbeer, j’ai eu l’impression de découvrir l’enfant caché de Verdi et Wagner : c’est peu de dire que ça envoie.
Les solistes se donnent à fond, en dépit de deux changements très tardifs dans le cast : Yosep Kang a repris le rôle de Raoul abandonné par Bryan Himel 15 jours avant la première et Lisette Oropesa a remplacé Diana Damrau dans celui de Marguerite de Valois. Alors, ça donne quoi ? Yosep Kang, s’il connaît le rôle et a des circonstances atténuantes, est en difficulté dans les aigus : dès qu’il faut pousser, il souffre, et il a craqué à deux reprises.
En revanche, Lisette Oropesa est SUBLIME. Vraiment. Jamais je n’ai entendu quelqu’un autant ovationné à Bastille (et pourtant j’ai assisté aux adieux de Natalie Dessay au rôle de La Fille du régiment). Cette fille a une voix d’une pureté incroyable, je pense qu’elle pourrait tirer des larmes à une pierre. Ses solos étaient des moments de grâce qui à eux seuls justifiaient tout le spectacle.
Je ne suis pas très fan d’Ermonela Jaho et de son vibrato très accentué, mais il faut lui reconnaître un grand talent dramatique : elle vit son rôle et le communique au public. Karine Deshayes, que j’aime beaucoup, se balade littéralement dans le rôle du page. C’est tellement dommage qu’on lui ait supprimé un air ! Je serais prête à écouter ça tout le temps. Quoi qu’il en soit, c’était beau.
Du côté des hommes, Florian Sempey campe un Nevers à la fois comique et tragique à mesure que le personnage évolue. Mention spéciale à Nicolas Testé dans le rôle de Marcel, serviteur intransigeant de Raoul, vieux soldat aguerri qui se dévoue jusqu’au bout. Et puis, bon, les voix graves, c’est mon truc, alors c’est encore mieux.
Enfin, les chœurs sont impressionnants de puissance (et je ne dis pas ça parce que C. était dedans, hein), parvenant à couvrir l’orchestre qui joue à pleins tubes. Ils sont extrêmement sollicités, interprétant des soldats, des membres des deux partis, des nobles, des gens du peuple, des religieux… c’est un vrai marathon.
Pour conclure, le spectacle en vaut la peine, malgré ses quelques défauts. Oui, c’est long – mais il y a deux entractes – oui Yosep Kang n’est pas toujours à la hauteur, oui la mise en scène aurait pu être plus inventive… mais tout cela est largement contrebalancé par les interprètes, on en prend plein les yeux et les oreilles et, à titre personnel, c’est ce que j’aime à l’opéra.