Eugène Onéguine

Dans la Russie du début du 19ème siècle, les soeurs Larina vivent en bonne intelligence avec leur mère. Si Olga est vive et enjouée, fiancée au poète Lenski depuis toujours, Tatiana est rêveuse, toujours absorbée dans ses romans et ne se mêle guère aux autres. Le jour où Lenski présente son ami Eugène Onéguine à la famille Larina, Tatiana en tombe amoureuse, et décide de lui écrire une lettre…


C’est un opéra très connu du répertoire russe, composé par Tchaïkovski, que nous sommes allées voir cette fois-ci. Même si je n’ai pas lu le roman (tort que je vais certainement réparer d’ici peu), j’avais vu le film adapté de celui-ci, avec Liv Tyler dans le rôle de Tatiana (si). Je savais donc, pour une fois, où je mettais les pieds, à savoir dans un grand classique du romantisme.

Tout d’abord, il faut tirer un grand coup de chapeau à Nicole Car, chanteuse australienne (en russe, c’est rare), qui remplaçait presque au pied levé Sonya Yoncheva que nous avions d’abord prévu d’applaudir. Cette dernière a en effet annoncé il y a quelques mois à peine qu’elle abandonnait le rôle parce qu’il ne lui correspond plus. Nicole Car a une présence scénique indéniable, une voix remarquable et supporte la comparaison sans rougir.
Elle est également aidée d’un excellent cast réuni autour d’elle. Les interprètes de Lenski, Pavel Cernok, et Onéguine, Peter Mattei, notamment, m’ont beaucoup marquée, en particulier dans la scène du duel. Le prince Grémine, interprété par Alexander Tsymbalyuk – déjà vu dans Iolanta l’an dernier – était lui aussi à la hauteur de son rôle. Le public ne s’y est d’ailleurs pas trompé, en ovationnant les chanteurs pendant et après le spectacle (à ce point ce n’est pas fréquent).

Enfin, car le cas est assez rare pour être souligné, c’est la première fois que j’assiste à un opéra russe avec autant de non russophones. Je m’explique : en général, tous les grands rôles sont tenus par des chanteurs russes ou ukrainiens, parfois soutenus par des interprètes issus de pays de l’ancien bloc de l’Est. Cette fois-ci, outre une soprano australienne, il y avait une Allemande, un Suédois, une Arménienne, un Argentin et un Tchèque. D’après des amis russophones, on entendait leur accent, mais ce n’était pas gênant.

La mise en scène était un peu étrange, surtout en ce qui concerne le découpage : au lieu de s’arrêter à la fin du premier ou du deuxième acte, l’action est interrompue juste avant le paroxysme du deuxième acte – le duel – ce qui permet un changement de décor. Si celui-ci reste physiquement le même (une sorte de territoire vallonné et strié de différentes nuances), il passe de la couleur au noir et blanc, registre qu’il conservera jusqu’au bout. La transition symbolique est évidente, de l’insouciance à la gravité, de l’enfance à l’âge adulte.

C’était donc encore une superbe représentation, une belle façon de clore une saison 2016-2017 riche en émerveillements et en émotions, en attendant le début de la suivante. J’ai certes très envie d’aller voir La Cenerentola en juin-juillet, mais pas sûr que je trouve le temps pour ce faire.

Eugène Onéguine, Opéra Bastille, jusqu’au 14 juin 2017