Identité nationale et nationalité

En plein débat sur l’identité nationale – débat que je trouve de plus en plus déplacé et nauséabond – un sujet revient depuis quelques jours dans les médias : les Français qui ont dû prouver leur nationalité et ce merveilleux document qu’on appelle le certificat de nationalité française. Et bien, croyez-moi ou pas, mais cette histoire me concerne aussi.

En 2002, alors en prépa, je dois m’inscrire pour passer le concours de la fonction publique auquel je prétends (depuis, j’ai changé d’avis et d’orientation, mais on n’est pas sérieux quand on a 19 ans). Pour celui, je dois fournir une photocopie de ma carte d’identité ; or, par une bizarrerie quelconque, je n’en ai jamais eu, car depuis le divorce de mes parents quand j’avais 6 ans, je dispose d’un passeport à mon nom et régulièrement renouvelé.
Comme seule la carte d’identité est admise pour mon dossier, nous décidons de faire une demande : avec les nouvelles formalités admnistratives simplifiées, cela ne doit pas prendre plus d’une dizaine de jours. A l’époque, je suis sensée résider chez ma mère à Versailles. Et à la Préfecture, on lui demande de prouver ma nationalité : je suis née en France (sur l’Ile de la Cité, c’est dire !), de mère française et de père franco-canadien, j’ai un passeport français, mais ça ne prouve rien.

J’ai une histoire familiale un peu complexe : mon père est né au Canada, de parents français, mais nés l’un en Pologne et l’autre en Roumanie. Mon grand-père a été naturalisé en 1930 par décret, ma grand-mère par mariage, mais c’est insuffisant. Nous nous sommes retrouvés dans une situation ubuesque, où on me demandait de fournir les preuves de nationalité, afin d’obtenir ce fameux certificat de nationalité française.
Tout est bien qui finit bien, j’ai fini par m’adresser à la Préfecture de police du 7ème arrondissement et j’ai eu ma carte à temps pour m’inscrire et planter le concours, mais aujourd’hui je sais que j’ai intérêt à faire attention, car ce genre de mésaventure pourrait se reproduire.

Et en bonus, l’article qui me fait réagir.

10 thoughts on “Identité nationale et nationalité”

  1. C’est là que je balise en imaginant ce qui attend le fils de mon cousin… né à Bamako (Mali) de deux parents français! Là où c’est encore plus drôle, ma tante est née à Madagascar (province française à l’époque), mais j’ai un arrière-grand-père né en Alsace-Lorraine allemande…
    En même temps, je me dis qu’on ne va pas rigoler, s’ils se mettent à tiquer sur tous les noms “exotiques”, parce qu’avec celui de Bouille d’Amour, il y a moyen qu’on ne soit pas déclarés “français”…
    Bon courage à toi, fais plein de photocopies des papiers débiles qu’on nous impose!

  2. Aaahh les débats stériles…
    De toute façon au rythme où vont les choses bientôt ta nationalité sera européenne ou globale… Ou au choix, nous serons tous indépendantistes avec un pays par personne. Tout ça pour un pauvre con qui a été planter une cloture quelque part et dire “c’est à moi”. Merci aux abruttis finis qui l’ont cru, vraiment. Maintenant grace à eux nos politiciens inventent foulitudes de débilités pour nous diviser encore un peu plus. Sans parler de la paperasse…

  3. > En plein débat sur l’identité nationale – débat que je trouve de plus en plus déplacé et nauséabond

    Je ne le suis pas du tout en ce moment mais je pense qu’aucun débat n’est nauséabond! On est quand même dans une “nation”, et je crois que nous sommes plusieurs à nous situer de l’autre côté de l’échiquier politique (je suis de centre gauche) et à penser pourtant qu’il est sain de parler d’identité nationale, de ce qui nous réunit, de ce qui justifie (ou pas) que nous soyons… limité par des frontières. Faudrait-il avoir peur de nous définir par crainte des dérapages xénophobes, par peur d’une dérive droitière (il a fallu que Le Pen passe au second tour en 2002 pour que la gauche ne considère plus le mot sécurité, qui est un droit élementaire, comme un gros mot)? Rien ne justifie dans le fond le racisme, rien ne justifie la xénophobie, la haine, les a priori, mais ce n’est pas en étouffant le débat qu’on combattra cette peur de l’autre et qu’on réglera les problèmes actuels (deux communautés qui ont de plus en plus de mal à se comprendre).

    Je suis juriste de formation, petit fils d’immigré, ancien militant et candidat de gauche, et je vois pourtant dans ce débat une formidable opportunité de redéfinir les directions et les valeurs qui font de notre système juridique ce qu’il est. Ce n’est pas en restant dans ce flou qu’on arrivera à “réglementer” de manière enfin objective l’octroi de la nationalité française en dehors du jus soli (tu en as fait les frais alors que tu bénéficies du droit du sol), car comme le disait si bien Michel Rocard, la France n’a pas vocation à accueillir toute la misère du monde mais elle doit y prendre sa part.

    C’est sans doute ce que certains font de ce débat qui est nauséabond, mais en soi, s’interroger, je ne vois vraiment pas, mais alors vraiment pas ce qu’il y a de déplacé. Ce débat confortera peut-être la politique présidentielle, plus dure, mais au moins, il y a débat. Au lieu de l’escamoter (comme l’a fait Vincent Peillon de manière totalement imbécile et irrespectueuse – le PS n’en finit pas de s’enfoncer), l’opposition devrait prendre sa part au débat et faire entendre sa voix. Refuser d’en parler, c’est saper les fondements de la démocratie et sombrer dans l’immobilisme et le politiquement correct sous prétexte de défendre une cause noble.

    (pfiouuu, ça faisait longtemps que je n’avais pas fait de politique 🙂 )

  4. Laisse moi deviner. L’administration cherche un moyen de trouver des personnes résidant illégalement en france pour pouvoir les renvoyer dans leur pays d’origine (la France) et remplir les quotas ? Elles sont passées où les valeurs de la république ?

  5. @Damien : je suis d’accord avec ce que tu dis, le côté nauséabond pour moi réside surtout dans le but purement électoraliste de ce débat. Je me sens profondément française, la France est mon pays et je l’aime, même si ce n’est pas toujours facile à assumer. Il me semble que nous avions un peu parlé politique au collège, et tu dois avoir une petite idée de mes opinions 🙂 Quant à Vincent Peillon, je suis entièrement d’accord avec toi, c’est pas ça qui va faire avancer le schmilblik (pour être très simpliste).
    @Imihel : Il y a sans doute la volonté de dépister les mariages blancs, les usurpations d’identité et toute cette sorte de choses. Après, la République est un état de droit et doit appliquer ses propres lois. Je ne faisais que raconter mon expérience d’une situation ubuesque.

  6. Effectivement, comme le dit si bien Eleonore (et je comprend sa remarque sur le côté électoraliste du débat), la France est un état de droit. C’est bien là toute la difficulté.

    La France, comme le laissait entendre Rocard, est traditionnellement une terre d’accueil, et personne aujourd’hui ne le remet en cause (à part l’extrême droite bien sûr). Je suis le premier à dire que l’immigration a fait la grandeur de la France, depuis des temps immémoriaux, je suis le premier à me scandaliser de la façon dont ont été guettoïsé ceux qui ont aidé à reconstruire la France, à trouver choquant (bien que fondé juridiquement) le blocage des pensions harkis pendant plus de 40 ans, et j’étais en première ligne lors des manifestations le soir du 21 avril 2002. Ces valeurs, on ne doit pas les perdre. C’est ce qui a fait notre richesse et Sarkozy ne doit pas oublier que la nation qu’il admire (USA) est un pays qui a construit sa grandeur sur le melting pot (ça s’est fait dans le sang parfois mais bon…). Et je ne pense pas qu’il l’a oublié vu la composition de son gouvernement (pantins ou pas, on trouve toujours matière à critiquer).

    Le fait est qu’un pays-nation se définit par un territoire borné et des règles qui protègent une culture, une façon de concevoir le vivre ensemble. Comme je n’aimerais pas que mes invités foutent le souk chez moi et bousculent mes habitudes, ce qui me permet d’exister en tant que personne, je trouve parfaitement normal qu’on établisse des règles pour tous dans un pays qui diffèrent de celles d’un autre, ce qui permet, vous le remarquerez, de protéger les cultures de chaque pays et donc de permettre une vraie diversité. Cela ne veut pas dire qu’elles ne doivent pas exister sur un territoire (par exemple, je ne comprends pas l’interdiction des minarets qui plus est silencieux! en Suisse) mais les débats actuels, notamment sur la burqa, montrent une vraie difficulté quant à la définition de nos valeurs, parce que certaines libertés conduisent à des paradoxes: la liberté de culte doit-elle primer sur la laïcité? La liberté de culte (celle de porter la burqa) est-elle menacée par la liberté de ne pas se voir imposer le culte de quelqu’un d’autre, qui est aussi le corrolaire… de la première!? (cf. définition négative de la liberté dans la DDHC de 1789, qui fait partie de ce qu’on appelle en droit public le “bloc de constitutionnalité” = socle fondateur du droit français: “La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui”). J’ai travaillé sur un film distribué par une boîte qui promeut la diversité de manière intelligente, démocratique, constructive et pacifique, ce qui n’est pas le cas de toutes les revendications culturelles en France, qui portent parfois atteinte aux libertés des autres.

    Donc pour répondre à Imihel, il me semble justement utile d’avoir un tel débat pour savoir quels sont les principes et les valeurs qui dans le contexte d’aujourd’hui nous permettent d’asseoir notre droit. Car c’est ainsi qu’on édicte des règles justes. Et si ce débat a pour but de renvoyer des personnes résidant ILLEGALEMENT en France, cela ne changera pas grand chose au fait qu’aujourd’hui ces personnes résident bien “illégalement”. Alors qu’a-t-on à perdre à mener ce débat?

    En passant, je suis en général contre les quotas, qu’ils aient pour conséquence une discrimination négative OU positive. Le quotas fonctionnent sur le principe d’une exclusion fondée sur des critères autres que le simple mérite, et je trouve cela choquant dans le fond.

    NB: désolé je suis intarissable sur le sujet 🙂

  7. Réflexion intelligente et intéressante. Je me demande ce que tout cela donnera si un jour on arrive à manger chez Alexia 😉
    Et je suis d’accord avec cette histoire de quotas (et surtout les quotas de femmes dans les entreprises) : c’est un pansement sur une jambe de bois, une manière de faire taire les revendications sans résoudre le problème qui en est à l’origine.
    Mais on va s’arrêter là, on pourrait croire que je fais de la politique, et j’ai quasiment arrêté. 😀

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