J’ai lu récemment Hommes et destins de Stefan Zweig, qui est une compilation d’articles et de discours rendant hommage à des hommes européens illustres, écrivains, philosophes ou politiciens. Stefan Zweig est un auteur autrichien né à la fin du XIXème siècle et qui s’est suicidé en 1942, et dont l’oeuvre toute entière était guidée par un esprit d’universalisme et de pacifisme. Cet ouvrage est une illustration de sa pensée, cherchant à montrer que le génie est international et que les plus grands esprits sont souvent cosmopolites.
Dans ce livre, l’un des textes m’a plus spécialement parlé : une courte biographie de Lafcadio Hearn, le premier Européen à s’être installé de son propre gré au Japon et qui n’en est plus jamais reparti. Le premier tatamisé de l’histoire, en quelque sorte. Sauf que sa vie ne se résume pas à cela : il est aussi, par son observation des détails, sa capacité à comprendre l’essence de la pensée japonaise, le premier grand vulgarisateur de cette civilisation grâce aux ouvrages qu’il a publiés sur le sujet. Lafcadio Hearn, pour tous les étudiants en japonais, c’est une effigie, un figure tutélaire, un modèle à suivre et pourtant indépassable, un héritage obligé. Un auteur capable de faire parler de manière très juste Zweig, qui n’a pourtant jamais mis les pieds là-bas, du Japon et de son âme :
“Par l’effet de ce mystérieux mimétisme entre l’artiste et son objet, les livres de Lafcadio Hearn ne donnent plus du tout l’impression d’être écrits avec une plume ; ils semblent bien plutôt dessinés avec tendresse dans une perspective rapprochée au moyen du fin pinceau à lavis des Japonais, dans des couleurs délicates […].”