Réflexions autour de Zweig

J’ai lu récemment Hommes et destins de Stefan Zweig, qui est une compilation d’articles et de discours rendant hommage à des hommes européens illustres, écrivains, philosophes ou politiciens. Stefan Zweig est un auteur autrichien né à la fin du XIXème siècle et qui s’est suicidé en 1942, et dont l’oeuvre toute entière était guidée par un esprit d’universalisme et de pacifisme. Cet ouvrage est une illustration de sa pensée, cherchant à montrer que le génie est international et que les plus grands esprits sont souvent cosmopolites.

Dans ce livre, l’un des textes m’a plus spécialement parlé : une courte biographie de Lafcadio Hearn, le premier Européen à s’être installé de son propre gré au Japon et qui n’en est plus jamais reparti. Le premier tatamisé de l’histoire, en quelque sorte. Sauf que sa vie ne se résume pas à cela : il est aussi, par son observation des détails, sa capacité à comprendre l’essence de la pensée japonaise, le premier grand vulgarisateur de cette civilisation grâce aux ouvrages qu’il a publiés sur le sujet. Lafcadio Hearn, pour tous les étudiants en japonais, c’est une effigie, un figure tutélaire, un modèle à suivre et pourtant indépassable, un héritage obligé. Un auteur capable de faire parler de manière très juste Zweig, qui n’a pourtant jamais mis les pieds là-bas, du Japon et de son âme :
“Par l’effet de ce mystérieux mimétisme entre l’artiste et son objet, les livres de Lafcadio Hearn ne donnent plus du tout l’impression d’être écrits avec une plume ; ils semblent bien plutôt dessinés avec tendresse dans une perspective rapprochée au moyen du fin pinceau à lavis des Japonais, dans des couleurs délicates […].”

Comment résister aux fêtes de fin d’année

Si comme moi vous angoissez dès la mi-octobre parce que votre grande-tante vous a demandé ce que vous souhaitiez à Noël, si vous avez résolu de vous y prendre à l’heure pour les cadeaux et que, comme d’habitude, vous finissez le 24 au matin en catastrophe, si vous vous sentez légèrement lassé par l’atmosphère mercantile de gaieté forcée, alors ce livre est pour vous. Tout en abordant avec humour et légèreté le thème des fêtes de fin d’année, de la liste de cadeaux au ménage du 1er janvier, l’auteur nous donne quelques conseils pour survivre, tant financièrement que familialement. On ne peut qu’éclater de rire à la liste de courses (penser aux 24 rouleaux de papier toilette et aux piles en tout genre) et au mode de fabrication de décoration faites maison (la crèche, par exemple). Enfin, l’auteur nous aidera à trancher face à ce dilemne récurrent des fêtes : huîtres ou saumon fumé ? dinde ou chapon ? DVD ou livre ? Alka seltzer ou citrate de bétaïne ?
Avec, en prime, les chants de Noël et les expressions “Joyeux Noël” et “Bonne année” traduites en plusieurs langues. Bonnes fêtes à tous !

Neige de printemps

Je sais, cette accroche peut sembler surprenante. “Déluge d’automne” eût été plus approprié, surtout vu le temps aujourd’hui… En réalité, il s’agit du titre d’un roman de MISHIMA Yukio, auteur japonais contemporain, surtout connu en Occident pour s’être suicidé rituellement et en public en 1970. Mais c’était aussi un écrivain prolifique, très attaché à la “tradition du Japon” et qui a écrit des oeuvres qui expriment remarquablement ce thème.

Neige de printemps est le premier volume de la tétralogie La mer de la fertilité, dernière oeuvre de Mishima. Le roman nous narre l’histoire de Kiyoaki et Satoko, deux jeunes gens issus de l’aristocratie au tout début de l’ère Taishô (1912-1926). Les héros vont s’aimer et, à cause de leur amour, enfreindre l’interdit le plus sacré de la société japonaise : ils bafouent les fiançailles de Satoko, promise à un prince impérial. Au-delà de l’histoire tragique de cet amour qui ne se réalise que dès lors qu’il devient impossible – et qui pose la question du désir et de ce qui le fait naître – le roman met en scène l’idée de la décadence de la société japonaise, cher à Mishima. En opposant les deux jeunes gens qui, malgré (ou à cause ?) de l’interdit, restent purs dans leurs intentions et leurs sentiments, à leurs parents, qui symbolisent l’apathie ou l’égocentrisme, une sorte de génération qui aurait pourri les efforts de ses aînés, instigateurs de la révolution Meiji, Mishima rend encore plus désespéré son “combat” pour la pureté et la suprématie du Japon. En outre, l’écriture est magnifique, ciselée, riche en détails surprenants ou poétiques, ce qui ne gâte rien.

Et en parlant cuisine….

…Toujours hier, je traînais à la librairie à côté du bureau, quand je tombe sur un petit livre de recettes dédié exclusivement à la pomme de terre. Connaissant à la fois le sérieux de cette collection et mon amour des tubercules – et dans un grand élan de générosité, puisque je l’ai eu à 4 euros – j’en ai fait l’acquisition. Jolies illustrations, recettes apparemment simples et appétissantes, tout pour plaire !
Plus de nouvelles prochainement, j’espère.

Histoire de vampire

Je viens de finir les deux premiers livres d’une série destinée aux ados – et oui, la lecture facile, ça détend – que j’ai adorée. Il s’agit d’une histoire d’amour entre une jeune fille et un vampire qui a gardé l’apparence d’un adolescent. L’histoire commence quand l’héroïne arrive dans un trou perdu de l’état de Washington (attention, près de Seattle, pas de Washington DC) et qu’elle se rend compte qu’il y a un groupe d’étudiants hors du commun dans son lycée. Ils sont physiquement parfaits, ne mangent pas et ne se mélangent pas aux autres.
L’héroïne met quand même pas mal de temps à percuter qu’il s’agit de vampires – et elle n’est même pas blonde – et quand elle réalise enfin, il est trop tard. La trame peut paraître simpliste, mais elle est en fait assez riche, la narration est soutenue, il n’y a pas de creux dans l’action. Bon, vu que le narrateur est une femme, l’aspect sentimental des relations entre les personnages est longuement décrit, mais au pire, vous sautez les pages. Personnellement, j’ai adoré, mais ça doit être mon côté jeune fille en fleur.

Les deux premiers volumes “Twilight” et “New Moon” sont disponibles en français sous les titres “Fascination” et “Tentation” (allez savoir pourquoi). Le troisième volume, “Eclipse”, sortira le 7 août aux Etats-Unis. Je me retiens de le commander sur Amazon, mais c’est la lutte.
D’autres romans sont déjà annoncés : un quatrième volume, ainsi qu’une réécriture du premier volume du point de vue du héros. Bon, j’arrête de vous bassiner, mais c’est vraiment une jolie histoire.

Jasper Fforde, la fiction dans la fiction

Attention ! Il y a deux catégories de personnes : ceux qui connaissent l’oeuvre de Jasper Fforde, sans doute mieux que moi, et auquel cas je ne leur apprendrai rien, et ceux qui n’en ont jamais entendu parler et là je peux commencer à dire des bêtises.
Jasper Fforde a créé un univers parallèle au nôtre : dans une Angleterre de la fin des années 1980, les livres sont des trésors inestimables et sujets à falsification, vols, contrefaçons… Pour contrer ce genre de crime, il existe la brigade littéraire, dans laquelle travaille Thursday Next, vétérante de la guerre de Crimée (et non, la guerre de Crimée ne s’est pas achevée à la fin du XIXème siècle…). Thursday travaille donc à Londres, avant qu’un crime redoutable ne soit commis : son ancien professeur de littérature a kidnappé l’original du roman Jane Eyre et menace de détruire l’ouvrage si l’on ne cède pas à ses exigences. Thursday découvre alors, à sa grande surprise, qu’elle a la capacité de se projeter à l’intérieur des livres, et que ceux-ci sont soumis à des lois internes très strictes.
Voilà pour la trame générale, en essayant de ne pas trop en raconter. Les romans de Fforde valent beaucoup pour leur qualité littéraire intrinsèque, mais surtout pour toutes les références, parodies, devinettes en rapport avec la littérature britannique. On découvre une galerie de personnages attachants, certains connus d’autre pas : Miss Havisham des Grandes Espérances, Hamlet, le chat de l’Autorité Unitaire de Warrington (autrefois chat du Cheshire)… Beaucoup de noms sont sujets à des jeux de mots, certains faciles à comprendre, d’autres parfois obscurs quand on connaît mal la littérature anglaise.
Les trois premiers romans de la série de Thursday Next (sur quatre) sont sortis en français. Il existe une autre série qui se déroule aussi dans le monde de la fiction, mais elle n’est pas traduite et je ne l’ai pas encore lue.
Pour en savoir plus : www.thursdaynext.com

Littérature et révisions

Comme je suis bloquée à la maison – disons plutôt : punie – pour cause de partiel de littérature japonaise demain, voici un petit topo sur mes révisions. Parce qu’il n’y a pas de raison pour que je sois la seule à trimer, nan mais.

Pays de neige, par KAWABATA Yasunari
Seul auteur japonais à avoir reçu le prix Nobel de littérature, Kawabata est connu pour l’atmosphère particulière de son oeuvre, centrée sur la “tristesse du Japon” (un des ses ouvrages s’appelle d’ailleurs Tristesse et beauté). L’histoire suit un personnage qui fait plusieurs retraites dans le “pays de neige” – la région des Alpes japonaises – à la fois pour y vivre un amour fou et pour s’y purifier. Le thème de la pureté est omniprésent : dans la neige, le froid, le blanc… Même dans les scènes plus estivales, la préoccupation de la fraîcheur, synonyme de pureté, ressort. Une oeuvre très poétique, même si parfois surprenante tant l’action est lente. Néanmoins on ne s’ennuie pas un instant, et on a vraiment l’impression de “respirer” l’âme du Japon

Les bébés de la consigne automatique, par MURAKAMI Ryû
Cet auteur est très connu dans le milieu japonisant-manga-geek. Pourquoi ? Bonne question. Peut-être parce que le titre de son premier ouvrage a été repris par un groupe de J-rock ? Peut-être parce que l’atmosphère de ses romans est très graphique et assez malsaine, rappelant celle de certains manga ? J’avoue ne pas avoir la réponse. L’oeuvre de Murakami est de facture irrégulière : certains romans sont remarquables (Bleu presque transparent, Les bébés de la consigne automatique…) mais d’autres sont franchement oubliables (Ecstasy entre autres).
Les bébés de la consigne automatique, comme l’ensemble de l’oeuvre de Murakami, est un récit empreint de violence et de crudité. L’histoire de deux enfants, Kiku et Hashi, abandonnés à la naissance dans une consigne automatique et qui cherchent à canaliser leur violence intérieure sans y parvenir. L’écriture de Murakami est une écriture du malaise, parfois même du dégoût, donc parfois difficile à supporter. Ne venez pas vous plaindre si vous avez envie de vomir après la description d’une overdose ! Mais c’est un auteur majeur du Japon actuel, et je vous invite à le découvrir.

Kitchen, par YOSHIMOTO Banana
C’est avant tout une histoire d’amour entre une jeune femme et une cuisine. Dit comme cela, on se demande ce qui est passé par la tête de l’auteur quand elle a rédigé ce premier roman. Mais au fur et à mesure, on se rend compte que la cuisine, métaphore du ventre maternel, permet à l’héroïne de rencontrer d’autres personnages aussi perdus qu’elle – la “mère” transsexuelle d’un ami, par exemple – et de brosser le tableau d’une jeunesse japonaise qui ne se retrouve pas dans les valeurs traditionnelles de la société.

Saine (?) lecture

Depuis deux mois je traîne un roman de jeunesse de Stendhal dans mon sac à main et j’ai eu toutes les peines du monde à finir. J’avais lu “Le rouge et le noir” comme tout le monde, et comme tout le monde j’avais trouvé la seconde partie euh… disons chiante. Mais pleine d’espoir et un peu naïve, j’ai récidivé avec l’obscur “Armance”.
L’histoire se déroule pendant la Restauration et nous peint la société de la haute noblesse, au sein de laquelle deux jeunes gens, Octave et Armance (notez la beauté des prénoms…), vont tomber amoureux. En fait, ce roman est l’histoire du ratage de leur relation amoureuse : oppressés par la société et des principes personnels trop stricts, ils se trouvent dans l’incapacité d’exprimer leurs sentiments et, quand ils le font, il est déjà presque trop tard. Car même s’ils finissent mariés – nous sommes au début du 19ème siècle, ne l’oublions pas – le doute s’est instillé entre eux sans qu’aucun cherche à rétablir la vérité. Empêtrés dans leurs principes.
A lire ce récit, on dirait que les personnages prennent plus de plaisir à se faire du mal et à se fustiger de leur “inconduite” qu’à apprécier la présence et l’amour de l’autre. Vraiment pas le genre de lecture dont j’avais besoin en ce moment 😉
Si quelqu’un a une meilleure oeuvre de Stendhal à me proposer, je suis preneuse. En attendant, je vais relire “Astérix aux jeux olympiques”.