Une famille de vieux-croyants démunis à l’extrême, subsistant dans une cabane misérable, en pleine taïga, coupés de la civilisation depuis… 1938 : telle est l’incroyable réalité décrite par Vassili Peskov, qui raconte ici avec passion et minutie l’aventure des ermites de notre temps, puis les vains efforts de la plus jeune d’entre eux, Agafia, pour se réadapter au monde.
Encore un titre qui n’était pas dans ma PAL, me direz-vous. J’avoue, j’ai une fois de plus succombé au plaisir coupable du libraire. Jeudi dernier, je cherchais un livre pour la ronde des poches au rayon “Récits de voyage” de mon dealer habituel, quand j’ai fini par m’offrir cet ouvrage qui me narguait depuis quelques semaines. En réalité, j’ai appris pour la première fois l’existence de cette famille, les Lykov, l’hiver dernier dans un reportage du Daily Mail (on a les références culturelles que l’on peut) et j’avais très envie d’en savoir plus, d’autant plus que ce sont des vieux-croyants (orthodoxes russes qui ont refusé la réforme du culte voulue par le tsar Alexis) et que la grand-mère de l’Anglais appartient à cette mouvance.
Il ne s’agit pas d’un roman mais plutôt d’une enquête journalistique : l’auteur, Vassili Peskov, s’est rendu à de nombreuses reprises auprès de la famille Lykov après leur “redécouverte” en 1978. Il décrit les raisons qui ont poussé cette famille à s’exiler toujours plus loin dans la taïga (ils se trouvaient à plusieurs centaines de kilomètres de la première installation humaine), leur quotidien, ainsi que les deux membres de la famille qu’il a pu rencontrer : Karp Ossipovitch, le père, et Agafia, la fille cadette. Plus tard, il y retourne presque chaque année pour informer ses lecteurs de l’évolution de la situation.
Je ne sais pas ce qui m’a le plus frappée dans ce livre : la description des magnifiques paysages de la taïga qui donne franchement envie de partir (genre je survivrais plus de deux jours dans un endroit pareil…), la vie de ces gens qui ont choisi de s’installer au milieu de nulle part, leur foi inébranlable qui confine à l’obscurantisme (je dis “qui confine” et non qui l’est car ils ne semblent pas condamner les gens qu’ils rencontrent de vivre “dans le siècle”), leurs réactions face à la modernité… C’est un tableau fascinant, une image qui se serait arrêtée définitivement à l’orée du XXème siècle. Le dépaysement est garanti.
L’auteur a publié une suite, “Des nouvelles d’Agafia”, que je n’ai pas encore lue.
Ermites dans la taïga, Vassili Peskov, Babel Actes Sud