La Cenerentola, c’est en fait Cendrillon, dont nous connaissons tous l’histoire. Angelina, dite Cenerentola, est martyrisée par ses demi-soeurs, Clorinde et Tisbé, et son beau-père, et passe ses journées à faire toutes les corvées pendant que les trois autres vivent au-dessus de leurs moyens. Un jour, on annonce une réception chez le prince, qui choisira une épouse parmi les invitées. Cenerentola rêve d’y assister, non pour le prince, mais pour le beau valet de ce dernier, dont elle est tombée amoureuse…
Vous vous en doutez, les apparences sont trompeuses et le prince n’est pas forcément celui qu’on croit…
J’ai eu la chance de voir ce spectacle à l’Opéra royal de Versailles, avec Cecilia Bartoli dans le rôle-titre, après moultes péripéties. En réalité, j’étais l’heureuse détentrice d’un billet pour son récital autour du baroque russe, en mai dernier, lorsque celui-ci a été annulé. Et si j’en ai été frustrée quelques heures, j’ai en réalité eu énormément de chance, vu que le soir de la représentation, plus aucun train de circulait sur ma ligne à cause d’un glissement de terrain ! La direction des spectacles du château m’a donc proposé d’assister à cet opéra, et je suis ravie de mon choix.
La musique de Gioacchino Rossini est légère et entraînante, avec des accents très mozartiens. J’ai adoré la façon dont, plus d’une fois, toutes les voix se mêlent, chacun chantant sa partie pour former un ensemble (cela a sans doute un nom, mais c’est là qu’on voit que j’ai arrêté le solfège en troisième année…).
Cecilia Bartoli est fidèle à sa réputation, et tout simplement incroyable. Elle a une énergie, une facilité, une aisance sur scène proprement stupéfiantes : elle est Cenerentola, dont elle parvient à faire une héroïne pas si naïve et un peu espiègle, ajoutant une touche d’humour et d’autodérision. Sa voix est à couper le souffle, tant elle enchaîne les variations sans même faire mine de pousser ou d’accomplir un effort, alors que certains passages sont extrêmement difficiles.
Mais ce n’est pas tout d’avoir une grande diva, encore faut-il que le reste du cast suive, et c’est le cas. Qu’il s’agisse des autres solistes – mention spéciale à Carlos Chausson, interprète de Don Magnifico, le beau-père, et à Ugo Guagliardo, le tuteur du prince – de l’orchestre, dirigé par Gianluca Capuano, ou du chœur d’hommes de l’opéra de Monte-Carlo, tous sont à la hauteur de l’enjeu et livrent une prestation parfaite.
Cette version de l’opéra n’était à proprement parler mise en scène mais “mise en espace” : si l’orchestre et le chœur étaient sur scène, les solistes avaient assez de place pour évoluer et jouer, et étaient en costumes. J’ai particulièrement aimé la façon dont Cecilia Bartoli interagissait avec chacun, frottant les chaussures de la première violon, montrant son voile orné de sequins aux membres du chœur ou distribuant des macarons au chef d’orchestre. Par ailleurs, l’Opéra royal de Versailles est un tout petit théâtre, bien loin des scènes comme Garnier ou Bastille, et offre une intimité assez extraordinaire avec le public : on a l’impression de pouvoir toucher du doigt les artistes. La salle était d’ailleurs chauffée à blanc, et c’est la première fois que j’assiste à une ovation debout – parfaitement méritée – à Versailles. Si le nom de Cecilia Bartoli n’y est bien entendu pas étranger, la prestation tout entière en valait la peine.
Je suis ressortie de là requinquée, de bonne humeur et la tête pleine de musique. Je ne sais pas si j’aurai de nouveau le plaisir et la chance d’entendre cette grande chanteuse, mais l’expérience fut à la hauteur de mes attentes, voire au-delà.
La Cenerentola, Gioacchino Rossini, Opéra royal de Versailles
Les illustrations ont été trouvées sur le site Château de Versailles spectacles.