A l’heure où mes amies blogueuses mettent en ligne leur revue de presse, je m’aperçois que lire ou regarder les journaux ne m’intéresse plus.
Voilà un moment déjà que la presse “traditionnelle” (les grands quotidiens et, dans une moindre mesure, la télévision) me rebutait. Outre les soucis de ligne éditoriale pour certains, je me retrouvais à toujours remâcher les mêmes informations, généralement désespérantes, culpabilisantes ou bien-pensantes, voire les trois à la fois.
Afin de remédier à la situation, je m’étais tournée vers des sites comme Rue89 (que j’ai fini par lâcher), ou Slate (dans ses versions américaine et française), et je ne m’en trouvais pas trop mal. J’avais un point de vue différent, pas forcément le mien, mais qui avait le mérite d’attaquer l’information de façon différente et de présenter une ouverture sur l’étranger que je ne trouvais pas ailleurs.
Depuis environ trois mois, c’est l’hallali. Sans doute, le mois passé à l’hôpital auprès de la Crevette n’a pas aidé à stimuler mon intérêt, mais le déclin avait commencé à s’opérer. L’information ne m’intéresse plus. J’ai l’impression de saturer, d’avoir lu, absorbé tellement de choses que je fais l’autruche. Bien évidemment, grâce à la magie des réseaux sociaux, à ma vieille habitude de me réveiller au doux son de France Info et à mes alertes info, je garde le fil (même si, par exemple, je n’ai strictement rien à faire des tirages au sort du prochain tour de la Ligue des Champions). Bon, parfois, pas toujours : cela ne fait que deux semaines que j’ai percuté qu’on votait demain…
Mais je n’ai plus l’envie ni l’énergie de lire la presse. Lors des attentats de début janvier, je n’ai pas décroché du fil d’actualité du Monde mais, depuis, rien. Je ne lis quasiment plus que des blogs, au point que cela devient risible. Je sais que certains vont me conseiller le Courrier International, le New York Times ou des revues ciblées sur le net, mais j’ai le cerveau tellement farci de trucs pas rigolos que je ne me concentre plus que sur les nouvelles “légères”, à base de LOL et de vidéos de chatons.
A l’occasion du Salon du Livre (où je serai en dédicace ce week-end, youhou), j’ai eu envie de monter au créneau pour le genre de littérature que j’aime. Ce n’est pas le seul, loin de là, mais c’est le plus mal aimé.
Qu’est-ce que la romance ?
Selon le site Romance Writers of America, une romance comporte deux éléments de base nécessaire : une histoire d’amour au centre du récit, et une fin satisfaisante et optimiste. Partant de là, on peut décliner sous toutes les coutures : historique, fantastique, contemporain, médical, érotique… les possibilités et les variations sont infinies.
Mais… c’est pas un peu gnangnan ?
Si on part du principe que le bonheur c’est gnangnan et les sentiments amoureux, c’est tabou, oui. Je pense surtout que nous avons, ancrée en nous, l’idée qu’un roman a beaucoup plus de valeur s’il s’attarde sur les malheurs des personnages.
Alors c’est un truc de gonzesse ?
Voilà bien une idée qui me donne envie de hurler. Déjà, 10% des lectrices de romance sont des lecteurs (et si !), donc ce n’est pas “que pour les filles”. En outre, pourquoi ce genre est-il considéré comme féminin ? Parce que les sentiments, c’est bon pour les femmes ? Parce que, génétiquement, les hommes sont moins intéressés par les histoires d’amour et plus par les histoires de c*l ? Ou parce que, socialement, il est mal vu pour les hommes de s’intéresser aux émotions ?
La romance offre autant de héros que d’héroïnes, et interroge les états d’âme de tous les protagonistes. Peut-être que les hommes qui prétendent ne rien comprendre aux nanas pourraient essayer de lire un ou deux romans du genre et y verraient plus clair…
C’est un gros ramassis de clichés, quand même
Plutôt que de clichés, il me semble plus pertinent de parler de “codes” de la romance : une attirance (ou une détestation) physique quasi immédiate, un hasard qui fait généralement (très) bien les choses, des baisers réticents qui s’enflamment très vite… C’est une façon comme une autre de poser les jalons, de montrer que les héros sont destinés l’un à l’autre et qu’ils doivent finir ensemble. Dans la vraie vie, si un mec essaie de m’embrasser à l’improviste, même si je le trouve canon, il va se retrouver avec ma main en travers de la figure !
Comme dans tous les genres, certains auteurs s’en tirent bien mieux que d’autres pour distiller les ingrédients indispensables ! Et leur plume est parfois bien plus fine que ce qu’on pourrait trouver au rayon “littérature générale”… L’important, c’est de savoir jouer avec les codes.
Oui, enfin, le mariage et le bébé à la fin, c’est quand même un peu réducteur, non ?
Ca, je pense que c’est parce que c’est un genre né dans les pays anglo-saxons, où ce modèle prédomine. A titre personnel, j’adorerais écrire une romance où les héros décident de se pacser à la fin (pour les impôts) et de voyager jusqu’à la fin de leurs jours, mais mon lectorat ne suivrait peut-être pas.
En outre, au-delà du final plus ou moins convenu, il y a surtout l’histoire d’un héros et d’une héroïne qui se font grandir mutuellement. Il est loin le temps où la dame attendait le bon vouloir de son chevalier blanc : désormais, elle se retrousse les manches et va le chercher par le col s’il le faut ! Il est beaucoup question, dans ces ouvrages, d’empowerment (émancipation, prise de pouvoir) de l’héroïne : comment elle se dégage de ses doutes, des conventions sociales, de tout ce qui la retient, non par l’action du héros, mais grâce à son soutien (et parfois même contre lui).
Soit. Mais quand même, c’est pas très réaliste.
Parce qu’un mec qui lance des sorts en claquant des doigts ou une inspectrice de police qui arrête trois serial killers en autant de romans, c’est réaliste, peut-être ? Non, ce n’est pas réaliste, parce que ce n’est pas le but ! Le principe à l’origine de la romance, c’est d’offrir de l’évasion au lecteur, de l’arracher à son quotidien. Si j’ai envie de lire une histoire ancrée dans la réalité, je ne me tournerai ni vers la romance, ni vers la fantasy ou le polar.
Il y a des scènes érotiques dans la romance… en fait, c’est de la littérature érotique déguisée !
*Soupir*
*Gros soupir*
Oui, il y a des scènes érotiques, et plus que dans d’autres types de romans. Après, allez raconter une histoire d’amour sans la partie technique, c’est quand même plus compliqué (même si ça se fait, par exemple dans la romance dite “inspirationnelle”, où les héros s’effleurent à peine la main).
Au-delà de ces considérations, il faut quand même noter une chose : dans la romance, quand l’héroïne dit non, le héros s’arrête (si, si, même si après il doit dormir sur la béquille) ; quand les héros s’envoient en l’air, l’héroïne prend toujours son pied. Eeeeh oui. En fait, au cœur de l’érotisme de la romance, il y a le plaisir féminin, et le clitoris. Ca vous en bouche un coin ?
Et oui, c’est agréable à lire, mais ce n’est pas l’unique raison pour laquelle on lit ça (même si ça peut parfois avoir un excellent effet sur la libido).
C’est quoi le problème avec les couvertures ?
Ah, les couvertures de romance… tout un poème. D’abord, si l’on regarde ce que l’on publie depuis environ 5 à 10 ans, on s’aperçoit que les couvertures perdent peu à peu leur caractère kitsch, leurs héroïnes dépoitraillées et leurs héros torse nu (peu à peu, hein, ça existe toujours) sur fond de ciel enflammé et de camaïeu d’orange. Sarah Wendell, du blog Smart bitches, trashy books, a développé une théorie, selon laquelle les couvertures sont plus destinées aux libraires, et à l’idée (souvent pas très flatteuse) que ceux-ci se font de la romance. Et que comme celles-ci sont très reconnaissables, elles permettent d’identifier immédiatement le type d’ouvrage.
Alors pourquoi tu lis ça ?
J’ai toujours été fleur bleue : comme Obélix, je suis sensible aux histoires d’amour qui finissent bien, ça me met du baume au cœur. Je ne saurais pas vraiment dire d’où ça vient, et je ne suis pas certaine que ce soit le but de ce billet. J’ai lu beaucoup de shôjo manga pendant mon adolescence, avant de passer à la romance “classique” à l’âge adulte.
En outre, je lis ça pour éprouver des émotions fortes : je tremble, je frissonne, je ris, je pleure, je suis en colère en même temps que les héros (surtout les héroïnes). Je sais qu’à la fin tout ira bien, alors je m’abandonne au plaisir d’une histoire qui me fera sourire et me permettra de m’évader. C’est bon pour le moral, parfois pour la libido, et c’est facile à lire. Le premier livre que j’ai lu après mon accouchement, c’était une romance. Ce n’est pas un hasard.
Et pourquoi tu en écris ?
Parce que j’ai voulu passer de l’autre côté du miroir ! A force d’en lire (et d’en traduire), je me suis rendu compte que, moi aussi, j’avais des histoires à raconter, qui me permettraient de m’exprimer et de mêler plusieurs de mes passions.
Et puis, même si c’est pas le Pérou, c’est une source de revenus. Je ne vis pas que d’amour et d’eau fraîche.