C’est le récit du chef de cuisine du Maxim’s de Pékin, entre 1984 et 1987. Durant ces années, cuisine capitaliste et idéologie marxiste se sont télescopées en un duel jubilatoire, hilarant et baroque.
À un tournant de l’histoire de la Chine moderne, l’ouvrage relate les bouleversements politiques d’alors, à l’échelle d’un restaurant, de sa cuisine, de sa carte. Mais d’autres mystères seront aussi dévoilés aux camarades gastronomes, comme les charmes insupportables de Mme Ko du stock, les puissances du ronflement chinois, l’énigme des boules de suif de Big Bouddha, la rage des tortues cannibales ! Disséminées dans le livre, 19 recettes typiques de cette époque et qui étaient à la carte du célèbre restaurant.
J’ai acheté ce livre pour deux raisons : l’auteur, Stéphan Lagorce, est un des journalistes qui ont contribué à fonder la revue 180°C dont je vous ai parlé en long, en large et en travers. Et puis j’adore les Editions de l’Epure, dont les ouvrages, toujours soignés, sont une invitation à la gourmandise et à l’évasion. Dans la même série, j’avais adoré Aujourd’hui caviar, demain sardines, de Carmen et Gervasio Posadas, qui narrait leur vie avec leurs parents, ambassadeurs du Venezuela dans les années 60-70 et mêlait aussi des extraits de journaux de leur mère (je recommande, c’est à la fois drôle, divertissant et intéressant).
Bref. L’ouvrage de Stéphan Lagorce raconte son expérience de chef de cuisine au Maxim’s de Pékin, lancé l’année précédente par Pierre Cardin, à une époque où nul n’envisageait de faire commerce avec la Chine populaire, et encore moins y “vendre” l’Occident dans toute sa décadence capitaliste. C’est pourtant la mission du narrateur, qui s’en acquitte de son mieux, en faisant au mieux avec les contingences matérielles et administratives locales.
La découverte de cette dictature communiste (et le bref passage par l’aéroport de Moscou) est à la fois drôle et poignant. Stéphan Lagorce demeure, à mon sens, respectueux de cette culture dont on sent qu’il est tombé amoureux (chose importante à souligner : il a fait l’effort, dès le départ, d’apprendre le chinois).
On rit beaucoup (j’ai eu les larmes aux yeux en découvrant l’histoire du réveillon 1985), on s’émerveille un peu, on frissonne parfois… Et on salive aussi ! La description des mets, occidentaux comme chinois, et les recettes qui l’accompagnent sont une ode à la gourmandise. J’ai bien envie de tenter quelques réalisations.
C’est un livre bref, moins de 200 pages, mais qui se lit tout seul et avec beaucoup de plaisir. Si l’on peut éventuellement faire un reproche au texte, c’est un style parfois un peu trop recherché, mais je pense que cela dépend de la sensibilité de chacun.
Cuisine, marxisme et autres fantaisies – Pékin 1984, Stéphan Lagorce, éditions de l’épure
2017 Reading challenge : a book that’s published in 2017