Don Giovanni, ou Don Juan, n’est plus à présenter : libertin aux mœurs dissolues, séduisant de gré ou de force tout ce qui porte jupon, n’hésitant pas à avoir recours au mensonge, au chantage voire au meurtre pour parvenir à ses fins… C’est le portrait et la déchéance de ce personnage que conte cet opéra si célèbre de Mozart, d’après les pièces de Tirso de Molina et Molière.
J’avoue que j’étais un peu hésitante pour ce spectacle. Déjà parce qu’il faisait une chaleur assez abominable et qu’on était installées à l’amphithéâtre (face à la scène tout en haut pour les gens qui n’ont pas de sous, mais où on est hyper mal assis), mais surtout parce que cette nouvelle production, dont la mise en scène est signée Ivo van Hove, me faisait peur. Soyons francs, je n’ai rien contre l’idée de dépoussiérer l’opéra, mais parfois un peu de paillettes ne fait pas de mal. Et je redoutais aussi, encore, des insertions de vidéo qui commencent à me sortir par les yeux.
Bon, le décor n’était pas très riant, mais évoluait de façon intéressante : à mesure que l’intrigue avance, les bâtiments censément en béton bougent de façon imperceptible. J’ai trouvé cela bien fait. Les costumes sont pas mal, même si les femmes sont, encore une fois, à la portion congrue : blanc ou noir pour Donna Anna pour un look très Carolyn Bessette, tailleur gris pour Donna Elvira et blouse pour Zerlina, alors que ces messieurs étaient soit en costume, soit en pantalon/chemise. La scène de la réception est venue apporter une touche de couleur bienvenue.
Le recours aux projections vidéo, qui commence à être systématique, fut pour une fois très discret, au moment de la descente de Don Juan aux enfers. Si cela m’a plutôt évoqué Dante, Malena, qui m’accompagnait, a immédiatement fait le lien avec la Shoah, ce qui est tout à fait vrai.
En revanche, qu’on m’explique pourquoi il fallait que Zerlina et Masetto fassent l’amour sur scène pour symboliser leurs noces.
Les interprètes étaient très bons, c’était d’ailleurs ma principale motivation à me taper 3h d’opéra en ayant mal aux jambes (et la musique de Mozart parce que, bon, c’est tellement beau). Stanislas de Barbeyrac, le régional de l’étape en Don Ottavio, amoureux transi, a été très applaudi, et à juste titre, mais n’a à mon sens pas signé la meilleure interprétation de la soirée.
J’ai eu un énorme coup de cœur pour Philippe Sly en Leporello, serviteur de Don Giovanni, capable de passer du dilemme moral à la bouffonnerie en un clin d’œil, et déjà entendu dans Jephta. Chez les femmes, Nicole Car, que j’avais admirée dans Eugène Onéguine, a confirmé son talent vocal et scénique, avec une Donna Elvira oscillant sans cesse entre retenue et espoir de rédemption.
En bref, j’ai passé un très bon moment en dépit de mes craintes, et j’ai même été agréablement surprise.
Don Giovanni, Palais Garnier, jusqu’au 13 juillet 2019