France et Espagne de la Renaissance. La princesse Elisabeth de Valois et son fiancé, l’infant d’Espagne Don Carlos, sont amoureux l’un de l’autre. Malheureusement, cet amour est voué à ne pas se concrétiser car le père de Don Carlos, le roi Philippe II, décide d’épouser lui-même Elisabeth. Les amants sont séparés par la raison d’Etat, mais aussi par le nouveau statut de “mère” de la nouvelle reine, tandis qu’en sous-main, la révolte des Flamands et les manœuvres de l’Inquisition menacent le trône…
J’ai raté Pelléas et Mélisande, qui devait ouvrir notre saison d’opéra, pour cause d’accouchement. Du coup, c’est par cette version française d’un opéra de Verdi (les deux livrets, français et italien, ont toujours existé) que j’ai entamé les réjouissances. Et pour être honnête, ça valait la peine d’attendre !
Le cast était impressionnant, alignant les grandes voix que nous avions déjà eu l’occasion d’entendre (ou presque). D’abord Jonas Kaufmann dans le rôle-titre, enfin remis de ses maux de gorge qui lui avaient fait annuler la plupart de ses spectacles la saison dernière, et qui livre une interprétation tourmentée et passionnée. Sonya Yoncheva, qui joue Elisabeth de Valois, et que j’adore depuis Iolanta. Là encore, une grande finesse d’interprétation et une diction quasi parfaite, encore, encore !
Ce couple est encadré de deux autres personnages d’importance, la princesse Eboli, chantée par Elina Garanca, à laquelle je reprocherai seulement une prononciation difficile du français (sans le surtitrage, difficile de comprendre ce qu’elle dit), mais qui compense par des notes magnifiques et une présence incroyable. Et enfin, Rodrigue, interprété par Ludovic Tézier avec sensibilité et nuance, et qui fut ovationné par la salle (après, c’est le régional de l’étape et un grand favori du public parisien).
Philippe Jordan dirigeait l’orchestre, comme toujours avec brio. J’ignore si c’est dû à l’emploi de la langue française, au fait que nous étions au fond du premier balcon (donc avec un son plus “mat”) ou simplement à la direction, mais cette oeuvre m’a paru moins “pompière” que d’autres opéras de Verdi (au hasard, Aïda). Bien sûr, il y a de grandes envolées, bien sûr, la phrase musicale principale reste en tête indéfiniment, mais quand même.
La mise en scène, signée Krzysztof Warlikowski, transpose l’action de la Renaissance à une Espagne vraisemblablement franquiste. Le décor est minimaliste, mais avec de belles trouvailles, notamment lors de la scène du couronnement et celle de la chanson des dames de compagnie de la reine (j’ai adoré la transposition dans une salle d’arme avec les suivantes habillées en escrimeuses, soulignant la nature particulièrement affirmée de la princesse Eboli). Le tout était agrémenté de projections de visages (l’infant, le roi, Elisabeth…) ou d’effets de “vieille pellicule”, assez douloureux pour les yeux, surtout quand on n’a pas assez dormi. Après, j’avoue ne pas avoir compris la présence du faux cheval pendant les deux premiers actes, et avoir été un peu rebutée par la projection du visage de l’hérétique, mi-Nabuchodonosor, mi-Raspoutine.
Au final, j’ai adoré cet opéra, et pas seulement parce que c’était un retour à ma vie culturelle. J’ai passé un excellent moment, malgré un surtitrage parfois défaillant et des voisines sans-gêne. En revanche, 4h40 de spectacle alors que le Paprika n’a pas encore un mois et ne fait pas ses nuits, c’était un peu optimiste !
Don Carlos, Opéra national de Paris, jusqu’au 11 novembre 2017.