Envoyé pour trois mois à Shenzhen, en Chine, pour superviser un studio de dessin animé, Guy Delisle raconte par le menu son quotidien et les rapports qu’il entretient tout au long de son séjour avec ses collègues et connaissances, malgré la barrière de la langue.
J’aime beaucoup Guy Delisle, en particulier son travail de témoignage. Ses carnets de Jérusalem ou ses chroniques birmanes sont absolument remarquables, autant pour la plongée qu’il offre dans le quotidien local que pour la retranscription fidèle d’une atmosphère à un endroit et un moment donnés.
Shenzhen est le premier travail du dessinateur de ce genre, même si on ne retrouve pas encore tout à fait la narration fluide de ses derniers ouvrages. Publié en 2000 suite à une expérience vécue en 1997, la vision que cette histoire donne de la Chine est très datée, bien que, je pense, tout à fait pertinente pour l’époque. On suit la vie quotidienne monotone et guère engageante d’un expatrié dans une ville qui s’ouvre tout juste à l’Occident, où il est quasiment l’unique étranger et où la barrière de la langue, la réserve des Chinois à son égard et, en filigrane, l’oppression d’un régime totalitaire l’empêchent de nouer de véritables relations, ce qui conduit à des situations parfois ubuesques.
Même si ce tome n’est pas mon préféré de Guy Delisle, je ne peux que le conseiller, car il marque ses débuts de chroniqueur du quotidien à l’étranger.
Shenzhen est publié chez L’Association
C’est lequel, ton préféré, du coup ?
J’avais acheté Shenzhen et Pyongyang en même temps, persuadée que je serai blasée par l’expérience chinoise et d’adorer la Corée du Nord (façon de parler). Finalement, c’est Shenzhen que je trouve le mieux raconté et construit. Cet auteur est tellement bienveillant…
Chroniques birmanes et Chroniques de Jérusalem m’ont plu aussi mais comme il suivait sa femme, on a perdu un fil rouge et c’était vraiment eh bien des chroniques.
Chroniques de Jérusalem a été un succès en tout cas. Je me rappelle que Delisle avait été invité sur France Inter et que la journaliste lui avait demandé s’il avait fait exprès de prendre un angle de vue naïf, de faire comme s’il ne savait pas ce qui se passait en Israël, etc. et lui de répondre d’une petite voix : « bah… non, je ne savais VRAIMENT pas tout ce qui s’y passait ».
Mon préféré, c’est Chroniques de Jérusalem, ce qui ne doit pas être très surprenant. J’entretiens une relation très ambivalente à Israël, que Guy Delisle, bien qu’étant totalement néophyte sur la question (je n’ai pas la prétention de m’y connaître à fond ou d’être objective, mais on est bien forcé de se documenter), a su parfaitement retranscrire. Cette espèce de schizophrénie nationale et culturelle m’a beaucoup parlé.