Une fois n’est pas coutume, j’en appelle à mon lectorat, peu nombreux, certes, mais fidèle. Je souhaiterais reprendre une idée d’Ei : le feu de camp littéraire. Je m’explique : il s’agit de mettre un texte en ligne et de vous le faire poursuivre, en mettant en scène vos “avatars”, autrement dit un personnage auquel vous pourriez vous identifier, voire le personnage que vous vous êtes construit (suivez mon regard). Mon propre avatar est bien connu de certains, et je compte beaucoup sur la participation d’Imihel.
L’histoire se déroule dans un univers med-fan assez simple, mais n’hésitez pas à me demander des détails. Enfin, je précise que l’Anglais et Ei ont déjà répondu, puisque l’idée date d’il y a bien deux mois, donc je vous demanderai d’attendre que j’aie posté leurs textes pour commencer les vôtres.
Même si vous ne voulez pas continuer l’histoire, je serais ravie d’avoir vos commentaires (“c’est bien” “c’est pourri” et toute cette sorte de choses).
Le soleil se lève à peine. Dans la fraîcheur du petit matin, je parcours le camp qui s’éveille lentement. La journée promet d’être magnifique, un jour éclatant. Instinctivement, je me tourne en direction d’Aoni, la ville bleue, le cœur du royaume, l’âme de notre peuple. La ville aux reflets célestes est la plupart du temps hors de vue, mais par temps très clair, je peux deviner la lumière si particulière qui en émane. Il y a si longtemps que je ne l’ai vue… Une pensée funeste hante parfois mon esprit, une pensée que je tente de repousser fermement : peut-être ne la verrai-je plus jamais, ou n’en verrai-je que les vestiges. Mais rien de cela aujourd’hui : la lumière est éclatante et, encore une fois, je m’efforcerai de distinguer les contours bleu opalescent de ma cité.
La rumeur qui monte du camp augmente doucement : les soldats s’éveillent, les gardes se relaient, partout la vie quotidienne s’organise. Mes pas me conduisent presque inconsciemment jusqu’à notre infirmerie, où s’affairent déjà plusieurs guérisseurs. Le plus âgé d’entre eux me salue d’un vague signe de tête et me désigne silencieusement celle que je suis venue voir. Une de nos plus jeunes recrues, pas plus de quinze ans. Elle n’a pas repris connaissance depuis qu’on l’a retrouvée voici trois jours, égarée à plusieurs dizaines de lieues d’ici après avoir perdu son groupe. Je ne peux m’empêcher de maudire cette guerre que je n’ai pas voulue, cette guerre qui me force à envoyer des enfants auprès de nos ennemis et qui les tue. Cette guerre que je mène malgré moi, mais qui me fait sacrifier des innocents. Un rapide regard me convainc que je n’ai plus rien à faire ici pour le moment. Ils me préviendront quand elle se réveillera ou que nous devrons honorer sa mémoire.
Dehors, la lumière m’éblouit un instant, contrastant avec la pénombre où j’étais réfugiée. Le jour est totalement levé, le camp tout à fait éveillé et en train. Chacun vaque à ses occupations avec plus ou moins d’entrain. Les adultes ont le visage fermé, certains encore engoncés dans des cauchemars que nous revivons tous, nuit après nuit ; mais les enfants crient et jouent comme ils en ont l’habitude, leur gaîté nous gagne peu à peu. Ce camp ressemble de plus en plus à une immense ville de toile et de planches. Chaque jour apporte son lot de réfugiés ou de combattants. Bientôt nous devrons nous séparer, envoyer les plus vulnérables vers le sud, tandis que les guerriers se regrouperont ici.
Des visages familiers me saluent, des civils pressés me frôlent tout en prenant garde à ne pas m’effleurer, jusqu’à ce qu’une femme âgée s’approche suffisamment pour me prendre la main et la porter à son front, en signe de respect. Rien ne me distingue pourtant des autres soldats rassemblés ici : la même tenue de toile, le même plastron de cuir, les mêmes armes ; seule me distingue la pierre bleue qui scintille à mon cou, même dissimulée dans les plis de ma chemise. Ce bleu qui fait la fierté d’Aoni, ce bleu symbole du royaume. Mon royaume.
Mon nom est Caïtness, fille d’Eternité. Aujourd’hui ce titre, qui me désigne héritière du royaume d’Ehenea, n’a plus de sens. Le royaume envahi, les souverains assassinés, la capitale livrée au pillage et aux soudards, tel est mon héritage. Mes parents disparus, je suis devenue la nouvelle reine, mais une reine sans royaume, en fuite, son peuple dispersé dans les provinces les plus reculées et les royaumes avoisinants, une reine seule, sans appui ou presque. Voilà plus d’un an que je consume mes forces à récupérer mes terres, à tenter de soulager la souffrance des miens, mais mes moyens sont si dérisoires… Parfois, j’ai envie de céder au découragement, de cesser de me battre, mais je n’en ai même pas le droit.
Un bruit s’élève soudain de la lisière de la forêt. Ce sont nos guetteurs qui nous préviennent d’un danger. Habituée à ce genre d’alerte, la population du camp se met à l’abri, tandis que les soldats prennent leurs positions, que ce soit pour attaquer les visiteurs ou pour protéger les nôtres. Plusieurs flèches fichées en terre nous apprennent l’arrivée d’un groupe d’une dizaine de personnes. Puis un cri :
« Mettez vos armes en évidence ! Disposez-vous en ligne ! »
Ce groupe est étrange… Il est formé de personnes hétéroclites, mais il ne ressemble pas à un de ces groupes de réfugiés ou de volontaires que nous accueillons si souvent. Entourée de quelques-uns de mes hommes, je vais à la rencontre des arrivants pour en apprendre plus sur leurs identités et leurs intentions.