Ce classique décrit les conditions de vie inouïes des travailleurs à bord d’un navire pêchant le crabe dans les mers froides et dures, entre Japon et URSS. Exploités et humiliés, ces hommes découvrent la nécessité de l’union et de la révolte. Réaliste et novateur, ce texte culte connut un succès international.
Je l’ai beaucoup dit, la période de l’entre-deux-guerres au Japon m’a toujours beaucoup intéressée. Alors pour une fois, j’ai décidé de l’aborder sous un angle différent, celui de la modernisation violente, et de ses conséquences sociales et économiques.
L’histoire est dure, empreinte d’un réalisme qui fait froid dans le dos, qui n’est parfois pas sans rappeler Zola dans la noirceur. Est-ce parce que la couverture est en noir et blanc ? Est-ce l’absence de longue description ? Toujours est-il que j’ai eu une profonde impression de monochromie dans ce texte, comme si toute couleur, comme la joie, était effacée de l’histoire.
Le récit de cette révolte lente mais qui se construit peu à peu, des abjections des uns et des autres, de l’exploitation de l’homme par l’homme est effarant, et résonne dans le lecteur. L’écriture est belle, la traduction remarquable (coup de chapeau à la traductrice qui n’a pas dû s’amuser), et l’édition actuelle propose en outre un intéressant appendice sur la biographie de l’auteur, l’histoire du texte et de sa redécouverte au prisme de la crise économique de 2008 au Japon. A noter que ce livre est, selon moi, indissociable du contexte d’écriture (montée en puissance du militarisme au Japon) et des des idées de son auteur (écrivain communiste d’origine paysanne, il a signé plusieurs récits de “littérature prolétarienne”).
Au final, c’est une oeuvre ancienne qui trouve des résonances dans notre monde actuel. Une lecture importante, mais dont on ne sort pas indemne.
Le bateau-usine, Kobayashi Takiji, éditions Allia
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