Hana a vingt ans et c’est le jour de son mariage, arrangé comme le veut la coutume, alors qu’elle n’a vu son fiancé qu’une seule fois. Sa grand-mère, Toyono, qui l’a élevée, incarne la tradition, immuable, ancestrale et veut que sa petite-fille la respecte. Mais on est à l’aube du XXe siècle et déjà le monde change. Hana va vite se retrouver déchirée entre le carcan des obligations familiales et sociales et ses aspirations personnelles. Mère à son tour, elle devra affronter la génération montante en la personne de Fumio, sa fille qui, après de violents conflits, saura prendre des temps anciens et des temps nouveaux ce qu’ils ont de meilleur.
J’ai eu un coup de coeur pour ce livre dès le début : jolie couverture, beau papier, promesse d’une histoire comme je les aime… et le résultat a été à la hauteur de mes attentes.
Avec un style très élégant, Ariyoshi Sawako nous entraîne dans ce Japon en profonde mutation, que l’on connaît relativement mal en Occident. Entre l’ère des samouraïs, déjà achevée, et celle du militarisme, encore en gestation, que s’est-il passé, comment la vie des gens a-t-elle été modifiée ?
Surtout, ce roman est un beau portrait de famille incarnée par les femmes. De la mère à la fille, de la tradition à la modernité, comment concilier les usages, les désirs et le changement ? Ariyoshi explore ces liens parentaux, le rapport à la mère et le conflit inhérent à celui-ci.
J’ai beaucoup aimé ce roman. La première partie est une très belle évocation de la vie aisée en province au début du 20ème siècle, avec ses rites et ses traditions, et qui pourrait se suffire à elle seule. Mais les deux suivantes apportent une profondeur au récit à mesure que le personnage principal vieillit.
En quelque sorte, j’ai eu l’impression de lire un ouvrage à mi-chemin entre Un amour insensé de Tanizaki Junichirô et Chemins de femmes, d’Enchi Fumiko (je recommande les deux, c’est très, très bien). Un portrait de femme(s), une profonde évolution de la société, et la question de la place des femmes dans celle-ci.
Par ailleurs, la traduction est fine, quoique un tout petit peu datée, même si cela ajoute du charme au récit (aujourd’hui, on ne prendrait plus la peine de traduire “miso”, par exemple).
Si je devais émettre deux petites critiques, ce serait d’abord concernant le titre français : le titre original (Kinogawa, Le fleuve Ki), me semble plus adapté car le Ki sert de fil conducteur tout au long du récit. En outre, j’ai relevé deux ou trois coquilles qui, dans la mesure où il s’agit en plus d’une réédition, n’ont rien à faire là : Harimi au lieu de Harumi, Kazuhiko qui devient Kasuhiko… Rien de grave mais cela montre que personne n’a relu ce texte depuis un moment.
Mais que cela ne soit pas un frein, c’est un très joli roman qu’il n’est pas facile de lâcher et qui fait voyage. J’ai moi-même envie de visiter Wakayama lors de mon prochain séjour au Japon, du coup !
Les dames de Kimoto, Ariyoshi Sawako, Mercure de France