Le restaurant de l’amour retrouvé

OgawaItoUne jeune femme de vingt-cinq ans perd la voix à la suite d’un chagrin d’amour, revient malgré elle chez sa mère, figure fantasque vivant avec un cochon apprivoisé, et découvre ses dons insoupçonnés dans l’art de rendre les gens heureux en cuisinant pour eux des plats médités et préparés comme une prière.
Rinco cueille des grenades juchée sur un arbre, visite un champ de navets enfouis sous la neige, et invente pour ses convives des plats uniques qui se préparent et se dégustent dans la lenteur en réveillant leurs émotions enfouies.


Il y a des livres qui vous poursuivent, et celui-là en fait partie. Lors d’un de mes voyages au Japon en 2010, j’ai découvert dans l’avion le drama (téléfilm) qui s’en inspirait et j’en gardais un bon souvenir, celui d’une histoire assez légère autour de la cuisine dans le Japon rural. Puis Armalite en a parlé sur son blog. J’ai vu ensuite passer une ou deux autres critiques, je voyais le livre en librairie, mais… j’avais autre chose à lire. Jusqu’à ce que, pour Noël, Ioionette et SonMari m’en fassent cadeau. Je crois que ce roman était destiné à passer entre mes mains !

J’ai beaucoup aimé ce livre, et sans doute davantage que le drama. Le roman offre une étude de caractère plus fouillée que le téléfilm, et nous en apprend plus sur les motivations de Rinco, sur les raisons qui la poussent à proposer tel ou tel plat et sur son rapport à sa mère. Au lieu d’effleurer les sujets, l’auteur nous montre l’histoire des personnages qui gravitent autour de l’héroïne et la façon dont celle-ci influe sur leur vie.
La cuisine est un thème que j’adore et je ne pouvais être que satisfaite de ce roman qui s’attarde sur certains mets et leur fabrication sans jamais le faire de façon pesante. En outre, on plonge dans la vie lente et saisonnière d’un petit village de montagne avec sa galerie de personnages pittoresques.
Mais par-dessus tout, j’ai aimé la relation mère-fille décrite dans cette histoire, bien plus complexe qu’il n’y paraît. J’ai été très touchée du cheminement de Rinco qui, à l’origine, ne supporte pas sa génitrice et la considère comme une étrangère, pour finalement lui pardonner son attitude.

Donc, même si ce n’est pas le perdreau de l’année et que je ne suis certainement pas la première à vous parler de ce livre, je ne peux que vous le recommander !

Le restaurant de l’amour retrouvé, Ogawa Ito, éditions Philippe Picquier.

Reading Challenge 2015 : a book set in a different country (Japon)

Petites coupures à Shioguni

shioguni“Kenji avait emprunté de l’argent à des gens qui n’étaient pas une banque, pour ouvrir un restaurant qui n’avait pas de clients. Forcément, quand les prêteurs sont revenus, c’était pas pour goûter les plats.”


C’est avec cette seule indication sur l’histoire (assortie d’une recommandation dithyrambique – que je n’ai pas lue – de mon libraire et d’une récompense à Angoulême), que j’ai acheté cette BD. Florent Chavouet, pour les amoureux du Japon “pas comme les autres”, ce n’est vraiment pas un inconnu : c’est à lui que l’on doit les excellents Tôkyô Sampô et Manabe-shima, que je considère parmi les meilleurs albums sur le Japon actuel que l’on puisse trouver.
Dans le même style, fait d’apparents collages, d’esquisses, de dessins léchés, et de notes griffonnées, l’auteur nous raconte donc ce que l’on pense être l’histoire de Kenji, dans la ville de Shioguni, située dans le département de Tôsa (oui, je dis “département” et pas “préfecture” comme on m’a tout bien appris à l’Inalco). Rapidement, on s’aperçoit qu’il s’agit d’une enquête menée a posteriori, peut-être par un journaliste, et que les protagonistes ne sont pas forcément ce qu’ils semblent être…

Il est difficile, voire impossible d’en dire davantage sans révéler un bout de l’intrigue. Mais franchement jetez-vous dessus, c’est génial. Outre le travail si particulier de Florent Chavouet qui colle parfaitement à l’ambiance du polar, je suis toujours aussi époustouflée de voir avec quelle maestria il rend l’atmosphère japonaise. C’est drôle, touchant, sombre, réaliste, sans jamais se prendre au sérieux… un vrai morceau de vie que l’on pourrait croire dérobé au Japon, et rendu de façon saisissante.

Petites coupures à Shioguni, Florent Chavouet, éditions Philippe Picquier, 21,50€