Moderne sans être occidental – Aux origines du Japon d’aujourd’hui

On a longtemps cru que la modernité était la forme particulière prise par le développement historique de nos sociétés. Dans le cas du Japon, on pensait que, depuis la seconde moitié du XIXe siècle, il s’inspirait de la civilisation occidentale pour industrialiser le pays. Selon Pierre- François Souyri, l’histoire récente montre au contraire que la modernité telle que nous la concevions n’était que l’aspect particulier d’un phénomène mondial. Au Japon, la modernité a éclos sur le terreau de la pensée japonaise et chinoise au moins autant que sur des références venues d’Occident. Par ses remplois d’idéologies du passé, la modernisation japonaise oblige à relativiser le statut exemplaire de l’expérience occidentale. Cette modernisation a de fait fonctionné autant comme anti-occidentalisation que comme occidentalisation. Et, aussi bien, son rythme et les questionnements qu’elle suscite ont été identiques à ceux de l’Occident.


Pierre-François Souyri a été mon professeur il y a une douzaine d’années, et je gardais de lui le souvenir d’un regard très lucide sur le Japon contemporain. Il avait théorisé devant moi sa certitude que le Japon serait “sauvé par les femmes”, je suis encore aujourd’hui convaincue qu’il avait raison.
Quand j’ai découvert cet ouvrage sur la modernisation du Japon de la fin du shôgunat à la seconde guerre mondiale, je me suis jetée dessus. Mais c’était l’an dernier et, après avoir dévoré la copieuse introduction, nous avons découvert les punaises de lit dans la maison et je n’ai plus du tout eu la tête à lire un truc aussi sérieux. C’est donc avec plaisir – et courage – que je l’ai ressorti cet été dans l’idée d’en venir à bout avant la naissance du Paprika.

C’est un ouvrage historiographique remarquable, qui balaie très largement la pensée politique du Japon et la façon dont celle-ci s’est construite, sous une double influence sino-japonaise (l’héritage des lettrés, car n’oublions pas que la formation intellectuelle était essentiellement chinoise à l’époque) et occidentale, qu’elle soit voulue (le voyage du gouvernement japonais en Occident) ou subie (l’ouverture forcée au monde).
Souyri démonte consciencieusement le mythe d’un Japon qui se serait modernisé et occidentalisé en bloc, sous l’effet d’une volonté commune au peuple et à ses dirigeants parce que chacun aurait vu l’intérêt du pays à entrer de plain-pied dans le 20ème siècle. Au contraire, il souligne les lignes de faille, les affrontements, les bouillonnements politiques et sociaux aujourd’hui oubliés ou méconnus. J’y ai trouvé des échos à son cours (notamment la question des droits des femmes défendue par le groupe “les bas-bleus”), mais j’ai surtout absorbé et découvert une somme incroyable de choses sur une époque que je me targuais de connaître mieux que la moyenne.
La conclusion de Pierre-François Souyri est qu’il n’y a pas une seule origine à la modernisation du Japon, et permet d’aborder la question d’une façon moins “Occident-centrée” qu’à l’habitude.

Vous l’aurez compris, j’ai adoré cet ouvrage, au point de me remettre à rêver en japonais, ce qui ne m’était pas arrivé depuis une bonne dizaine d’années et ma rupture avec le Japonais (le prédécesseur de l’Anglais, comme vous l’aurez deviné). Néanmoins, c’est un ouvrage historiographique ardu, qui nécessite, à mon sens, un minimum de connaissances en histoire du Japon et, éventuellement, en langue japonaise (tout est traduit, mais maîtriser un peu la langue améliore la fluidité de lecture). Je le recommande à tous ceux que le Japon passionne, et qui souhaiteraient creuser au-delà des clichés colportés par le pays lui-même sur sa genèse moderne. C’est en outre un excellent moyen de comprendre les ressorts du Japon contemporain car il dessine les courants qui alimentent encore, près d’un siècle et demi après l’ouverture du pays au monde, la réflexion politique et sociale.

Moderne sans être occidental, Aux origines du Japon d’aujourd’hui, Pierre-François Souyri, Bibliothèque des Histoires, NRF Gallimard

Que rapporter du Japon ?

J’aurais aimé garder cet article pour la fin de ma série sur le tourisme au pays du soleil levant, mais plusieurs ami(e)s ayant prévu de partir dans les semaines qui viennent, je pense que ce sera tout aussi pertinent.

Non monsieur, n'insistez pas, puisque je vous dis qu'on est fermés !
Non monsieur, n’insistez pas, puisque je vous dis qu’on est fermés !

On le dit et on le répète, le Japon est le pays du shopping et – partant – du cadeau. Si trouver des choses à rapporter ne sera pas un problème, je vous propose tout de même une petite liste d’objets ou produits sympathiques et qui font toujours un peu d’effet.

  • Des omamori. Ces porte-bonheur, que l’on trouve dans tous les temples et sanctuaires du Japon, vous protègent de tout et n’importe quoi. Les plus fréquents sont pour le mariage, le couple, les trajets en voiture (avec une particularité “trajet à l’école” pour les enfants), la santé et… l’accouchement. Ils se présentent généralement sous la forme d’un sachet en tissu retenu par un petit cordon qui permet de le nouer à son sac/téléphone/rétroviseur…
  • De la papeterie. Les grands magasins ont tous un rayon consacré à la papeterie, mais il existe aussi des boutiques spécialisées. Attention, ça s’accumule très vite !
  • Du thé. Il existe quelques excellentes adresses pour acheter du thé – en particulier Ippodô à Kyôto, où le personnel parle anglais. Attention, si vous cherchez du soba-cha (de l’infusion de sarrasin grillé), vous en trouverez plutôt dans les supermarchés.
Galets effervescents au cerisier et au momiji, poudre de bain au saké, aux gâteaux ou aux minéraux issus des sources thermales.
Galets effervescents au cerisier et au camélia, poudre de bain au saké, aux gâteaux ou aux minéraux issus des sources thermales.
  • Des produits pour le bain. C’est une sorte d’institution dans ce pays, et j’en achète dès que j’en vois, privilégiant bien entendu les fragrances locales (thé vert, glycine, cyprès…) ou délirantes (vin rouge, chocolat à paillettes, saké…) aux parfums “exotiques” que nous connaissons bien (rose, lavande ou orange). On en trouve dans les boutiques type Loft, mais aussi… dans les boutiques de certains sanctuaires, en particulier le sanctuaire Meiji, à Tôkyô.
  • Des timbres. La poste japonaise édite de très belles séries, que ce soit avec des paysages célèbres, des fêtes traditionnelles ou… des personnages de manga.
  • Des baguettes et/ou des boîtes à bentô. On en trouve dans les grands magasins ou dans les boutiques spécialisées. Il existe une super boutique de baguettes sur l’île de Miyajima, face à Hiroshima.
Pocky
KitKat à la mandarine de Shikoku (édition régionale) et Pocky “tropical”
  • Des Pocky (le nom originel des Mikado) et des KitKat à tous les parfums possibles et imaginables : tropical, ananas, wasabi, chocolat noir, mousse au thé vert… plus les parfums saisonniers (potiron, cerisier…).
  • Du washi. Le papier traditionnel japonais ravira les fans de scrap et de travaux manuels, ou les amateurs de jolies choses. En revanche, c’est assez chiant à rapporter sans l’écraser dans la valise.
  • De l’alcool. Attendez le duty free si vous avez la chance de faire le retour en vol direct (aux dernières nouvelles, l’aéroport de Narita n’était pas équipé en sacs hermétiques), et faites-vous plaisir : saké (je vous jure que c’est bon !), shôchû (vodka locale, qui tire à seulement 25°), umeshû (alcool de prune – j’ai horreur de ça, mais beaucoup de gens apprécient) ou… whisky, il y en a pour tous les goûts (et toutes les bourses).

Il ne faut pas oublier que le Japon est aussi le pays du omiyage, c’est-à-dire le petit quelque chose qu’on rapporte de voyage en guise de souvenir pour les gens de son entourage. Cela va du très cher et très extravagant au tout simple (pour les collègues de bureau, par exemple). En général, ce sont des gâteaux ou une spécialité locale, mais on trouve d’autres choses, comme des mouchoirs, des miroirs de poche et autres futilités. N’hésitez pas à jeter un œil dans les boutiques à touristes, ne serait-ce que pour le divertissement !
Et si vous êtes déjà partis, que conseilleriez-vous de rapporter ?

Partir au Japon #1 : Tokyo

J’inaugure une série d’articles sur le tourisme au Japon, du haut de ma (relative) expérience. En septembre, cela fera 12 ans que je m’y suis rendue pour la première fois ; j’y ai effectué en tout six séjours – dont un de huit mois – où j’ai visité, arpenté, vécu, rencontré… Loin de moi l’idée d’être exhaustive ou absolue – je ne suis pas un guide de voyage – mais je vous propose mon point de vue si vous souhaitez préparer votre premier séjour là-bas.

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Généralités
Tokyo est sans doute un des premiers endroits qui nous vienne à l’esprit quand on pense au Japon : les gratte-ciels, les néons, l’immense passage clouté de Shibuya… Oui, c’est tout cela. Mais c’est aussi une mégalopole où prendre les transports en commun peut s’avérer compliqué et où marcher entre deux stations de métro peut prendre un bon quart d’heure.
Surtout, Tokyo est une ville moche. Il n’y a pas de plan d’occupation des sols, la ville a été quasiment rasée à deux reprises au 20ème siècle – le grand tremblement de terre du Kantô et l’incendie qui s’en suivit en 1923, le bombardement allié de mars 1945 – et tout a été reconstruit de façon anarchique. Les grands pôles d’attraction se concentrent autour des gares mais, dès que l’on s’éloigne de quelques centaines de mètres (voire moins), on se retrouve dans des endroits très calmes (voire déserts) faits de maisonnettes, de petits immeubles d’habitation et d’échoppes de quartier, ce qui peut être un peu déstabilisant.
Si c’est votre premier séjour au Japon et que vous partez deux semaines (la moyenne), j’aurais tendance à vous conseiller de n’y séjourner que trois ou quatre jours, au risque d’être frustré de ne pas avoir assez de temps pour voir le reste. Mais alors, me direz-vous, que voir à Tokyo ?

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Shibuya
Impossible d’y échapper. On y trouve le fameux Shibuya crossing, la statue de Hachikô, le chien fidèle, les (rares) kôgaru (filles ultra bronzées et maquillées), des boutiques à n’en plus finir et… beaucoup de pollution sonore. En fait, Shibuya, c’est le Japon tel qu’on se le représente et qu’on le fantasme, mais c’est surtout un lieu où les jeunes (15-25 ans) sortent. Néanmoins, c’est incontournable. Une fois que vous aurez fait les principales artères autour de la gare, vous pouvez :

  • Boire un macha latte au Starbucks qui domine le croisement, si possible assis devant le mur de verre. (Personnellement, j’ai une sainte horreur du Starbucks, mais sait-on jamais)
  • Fouiner dans les boutiques à la recherche de souvenirs (je ferai un article spécial à ce sujet).
  • Manger un McDo quand vous serez en manque de viande et/ou quand vous voudrez goûter le McTeriyaki (ici, ils baragouinent l’anglais).
  • Faire un tour à l’énorme Tower Records pour dégoter les trucs les plus kitsch de la pop ou de l’enka (chanson traditionnelle).

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Shinjuku
Vous avez déjà lu City Hunter (Nicky Larson) ? Bah voilà, vous y êtes. Shinjuku, c’est très grand, très haut, très fréquenté, très lumineux la nuit… Mais il faut essayer de voir derrière le cliché !

  • Dans les ruelles derrière les buildings, il y a souvent des petits restaurants que vous pourrez repérer grâce à leurs panneaux montrant de la nourriture. Même sans parler japonais, vous devriez réussir à vous faire comprendre en montrant le plat qui vous fait envie et avec 2-3 mots d’anglais.
  • Si vous avez envie de voir à quoi ressemble un grand magasin japonais, c’est ici qu’il faut tester. Je vous encouragerais même à faire ça “à la japonaise” : on monte tout de suite au dernier étage (ou l’avant-dernier, car souvent le dernier est consacré aux restaurants – très recommandables, d’ailleurs), puis on visite étage par étage jusqu’au sous-sol, consacré à la nourriture. Entre le 5è et le 7è, vous trouverez souvent le rayon kimono. Arrêtez-vous pour baver un peu. C’est aussi dans ces boutiques que vous pourrez trouver des boîtes et accessoires à bentô plus ou moins chers.
  • Ma recommandation personnelle serait de vous éloigner un peu soit en marchant soit en métro (arrêt Shinjuku sanchôme) pour le sanctuaire Hanazono (Hanazono-jinja). C’est un petit refuge très calme et agréable, où se tient parfois un marché du kimono d’occasion (mais je ne saurais vous dire quand, j’ai l’impression que ça dépend un peu du sens du vent et de l’âge du capitaine).

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Ueno
Ueno, c’est d’abord et avant tout un immense parc arboré, un véritable “poumon” au cœur de la mégalopole (vous me sentez enfiler les clichés ?). Plus sérieusement, on pourrait y passer une journée entière sans tout voir. Allez, une petite sélection :

  • Le musée national de Tôkyô. Parce que si vous ne devez en faire qu’un, ce sera celui-là : dans le pavillon central, vous trouverez une introduction rapide et bien faite sur l’histoire de l’art du Japon des origines au 19è siècle, disponible en anglais. Présentation de nombreuses pièces remarquables et variées, comme des paravents, des rouleaux (emaki), des dessins à l’encre de Chine, des kimonos, des sabres… C’est là qu’on s’aperçoit que la nuance entre art et artisanat n’existe pas.
    Les autres pavillons sont plus pointus, certains réservés aux expositions temporaires (souvent bondées) ou à des artistes en particulier. Attention aux jours et horaires d’ouverture, qui peuvent changer en fonction des jours fériés.
    Sinon, c’est le royaume des musées : le musée d’art occidental, le musée des sciences, le musée d’art contemporain… Il y en a pour tous les goûts.
  • Le zoo d’Ueno. Si vous aimez voir des animaux, vous aimerez visiter ce zoo, l’un des plus anciens au monde, plus vaste qu’il n’y paraît au premier abord.
  • Fouiner et découvrir tous les petits sanctuaires dissimulés sous les arbres, ornés de grues en papier coloré.
  • Caresser les chats ! Il y en a plein en liberté dans le parc, qui se laissent volontiers approcher. Si vous êtes en manque de ronrons, c’est par là que ça se passe.
  • Eviter – si possible – l’étang de shinobazu, à moins d’être armé d’un lance-flammes/d’une raquette de tennis. Les moustiques font des ravages (mais les lotus sont impressionnants, c’est vous qui voyez).

Yoyogi

Harajuku/Omotesandô
Avec Shibuya (qui n’est qu’à 2-3 stations de métro sur la ligne Yamanote) c’est devenu l’un des autres grands pôles d’attraction touristique de la capitale. D’un côté, Harajuku et sa célèbre Takeshita Street, autrefois l’antre des boutiques à gothic lolita (moins maintenant), de l’autre Omotesandô, la grande avenue abritant les enseignes occidentales et japonaises les plus luxueuses. Chapeautant le tout, le sanctuaire Meiji.

  • Un des endroits que je préfère à Tokyo, c’est précisément le sanctuaire Meiji (Meiji-jingû). Niché au coeur du parc Yoyogi, on parvient à y trouver le silence (relatif, hein), ce qui est très appréciable près d’un lieu aussi bondé. En franchissant le pont pour gagner le parc, n’oubliez pas de photographier les goth-lolis.
    Admirez les tonneaux de saké et de vin (français !) consacrés au sanctuaires, l’architecture et… ouvrez l’oeil ! Avec un peu de chance, vous pourrez croiser une noce ou des enfants venus célébrer une des fêtes du 7-5-3 (shichi-go-san), généralement à l’automne. Vous en prendrez plein les yeux.
  • Takeshita street… Disons que j’ai passé l’âge mais que, la première fois, ça rend un peu hystérique 🙂
  • Sur Omotesandô, vous trouverez plein d’endroits pour assouvir votre folie dépensière et creuser votre découvert : Kiddy’s land (énorme magasin de jouets où la moindre babiole Ghibli coûte une blinde), Oriental Bazaar (pour les beaux kimonos d’occasion et les objets type céramique que vous ne sauriez/pourriez pas trouver ailleurs), et quelques boutiques vintage où vous pourrez chiner de vieux maillots de baseball et des kimonos.
  • Au détour d’une petite rue, vous trouverez le musée Ota, spécialisé en estampes de l’époque d’Edo. Le musée n’est pas immense, on s’y promène en chaussons, mais il vaut vraiment la peine d’y faire un tour.

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Asakusa
Le quartier est surtout réputé pour son temple, dont la porte est ornée d’un gigantesque lampion. C’est presque un point de passage obligé pour les visiteurs à Tokyo, mais… ça a un petit côté Disneyland quand même. Jamais l’expression “marchands du temple” ne vous paraîtra plus vivante. Toutefois, cet endroit vaut le coup pour plusieurs choses.

  • Profitez des boutiques de l’allée centrale pour déguster une “soft ice” à un parfum exotique (attention, interdit de manger dehors, il faut le faire dans l’échoppe).
  • Sur la contre-allée, à droite face au temple, on trouve une très belle papeterie qui propose du washi et de jolies cartes postales.
  • L’intérieur du temple ne se visite pas franchement, mais c’est assez marrant d’imiter les Japonais : attirez à vous les vapeurs d’encens pour vous porter chance et tirez un “omikuji”, une bonne fortune, pour savoir ce que l’avenir vous réserve (chacun est agrémenté d’un petit texte en anglais). Si vous tirez une petite, moyenne ou grande chance, gardez le papier dans votre portefeuille. Sinon, accrochez-le aux filins métalliques prévus à cet effet pour que la malchance ne vous suive pas.
  • Quand vous avez fini votre visite, empruntez les ruelles à votre gauche. On y trouve quelques boutiques, dont une de kimonos qui vend parfois des coupons de tissu, et quelques “cantines”, des restaurants sans prétention où la carte est en japonais, mais où vous pourrez désigner le plat en plastique qui vous fait de l’œil.
  • Si vous avez le temps, explorez un peu Kappabashi, le quartier qui jouxte le temps, où on peut dénicher tout et n’importe quoi en rapport avec la cuisine. Nous y avons trouvé des bols, une boîte à thé et un (génial) couteau de cuisine.

Déjeuner Asakusa

Autres
Je regroupe ici les quartiers que je connais moins…

  • A Ikebukuro (où je ne suis pas allée depuis trèèès longtemps), il y a un aquarium réputé. On y trouve aussi les grands magasins Parco, inaugurés à grand bruit il y a une quinzaine d’années, antres de la mode branchée. Je garde le souvenir d’un fou rire mémorable avec Lou² lors de notre premier séjour.
  • A Ryogoku, je conseille fortement le musée Edo-Tokyo, qui retrace l’évolution de la capitale depuis qu’elle fut désignée comme siège du gouvernement shogunal par les Tokugawa au début du 17è siècle. L’exposition permanente est très bien faite et interactive : on peut enfiler des vêtements, soulever un palanquin, franchir une réplique de Shinbashi…
  • Dans le quartier de Ginza, prenez des places pour aller au kabuki (enfin si ça vous tente – moi j’adore) : vous pouvez soit prendre un ticket pour toute une représentation (3 à 4h) soit pour une heure. On vous fournira une espèce d’audioguide avec commentaire/traduction du texte en anglais.
  • En sortant, allez déguster une pâtisserie traditionnelle chez Toraya, la maison mère de la boutique parisienne.
  • A Odaiba, l’île artificielle construite dans les années 1980-90, vous pouvez admirer l’architecture de Fuji TV, déambuler dans l’un des centres commerciaux les plus kitsch du monde et emprunter la grande roue qui domine la baie de Tokyo et le Rainbow Bridge.
  • Mais surtout, je vous engage à aller au Oedo Onsen monogatari, un complexe de bains japonais. Moyennant une somme modique, on vous remettra un yukata coloré et on vous passera un bracelet pour régler vos achats (un peu comme les perles au Club Med), puis à vous de découvrir les joies du thermalisme dans un décor inspiré d’Edo, l’ancienne Tokyo. Si vous mettre à poil devant tout le monde n’est pas votre truc, je vous engage quand même à essayer le trajet pieds nus qui permet de sortir et d’observer les avions en approche sur Narita (dans le ciel nocturne, ça vaut son pesant de cacahuètes).

Voilà ! Ce n’est bien entendu pas exhaustif, j’ai fait selon mes souvenirs et mes goûts. Certains sont plus branchés visites, d’autres découverte d’une ambiance, paysages… à vous de composer. N’hésitez pas à me poser des questions en commentaire si je n’ai pas été assez claire ou si vous souhaitez des précisions sur un point.
Si ça vous dit, je recommence bientôt avec le Kansai. Mata ne !

Esthétiques du quotidien au Japon

esthétiquesAu Japon, encore plus étroitement qu’ailleurs, l’esthétique se conjugue au quotidien. De l’espace au corps, de la gastronomie à la mode, de la cérémonie du thé aux jardins, le Japon est le lieu même où se manifeste un art de produire et de vivre parfaitement original. Au travers d’articles écrits par des spécialistes de la culture japonaise, accompagné de dessins de Nicolas de Crécy et ponctué d’un entretien avec l’architecte Tadao Ando, cet ouvrage met en lumière les fondements et les ressorts de l’esthétique japonaise, de la vie de cour aux pratiques contemporaines, de l’artisanat à bien d’autres expressions de raffinement et de luxe.


J’ai acheté cet ouvrage sur une impulsion il y a quelques mois, attirée par les noms sur la couverture – en matière d’études japonaises, Jean-Marie Bouissou est un peu une référence – et par le dessin qui me semblait si appétissant (parlez-moi de nourriture et, tout de suite, je suis corruptible). Puis je l’ai posé sur un coin de mon bureau, attendant qu’il prenne la poussière.
Cela a pas mal duré et, mi-mai, j’ai été saisie d’une envie de me plonger dans ce que les Anglo-saxons appellent la “non-fiction”, en gros tout ce qui n’est pas le récit ou le roman. Du coup, c’était l’occasion parfaite.
C’est un ouvrage extrêmement intéressant. Constitué d’articles d’universitaires assez fouillés, il aborde la question du rapport au luxe, à la beauté, à l’art et à l’artisanat des Japonais, avec beaucoup de finesse. En plus des aquarelles qui viennent égayer une lecture un peu austère, de courts textes explicatifs sur certaines notions en rapport avec l’esthétique japonaise – wabi/sabi, l’iki, la création…. – clôturent chaque grande partie.
Si j’ai parfois eu l’impression de replonger dans mes cours ou de m’offrir des révisions à moindre coût, j’ai néanmoins beaucoup aimé suivre la réflexion autour du quotidien japonais qui est donnée à voir dans cet ouvrage. Et je recommande sincèrement ce livre, que ce soit pour approfondir sa connaissance du pays ou en guise d’introduction un peu “musclée” à un prochain voyage.

Esthétiques du quotidien au Japon, sous la direction de Jean-Marie Bouissou, IFM / Editions du regard

Les évaporés du Japon

évaporés« Mon fils était à l’école. Je suis sortie en laissant la maison ouverte. Abandonner son fils : peut-on faire pire ? J’ai fait cela. Je savais où j’allais. Partir, repartir à zéro. Être prête à tout… »
Chaque année, quelque 100 000 japonais s’évaporent sans laisser de traces.
Débarrassés de leur passé, ils tentent de refaire leur vie en passagers clandestins de l’archipel.
Lié à la honte et au déshonneur, le phénomène est au coeur de la culture nippone. Léna Mauger, journaliste, et Stéphane Remael, photographe, ont enquêté sur la part d’ombre du Japon.


J’ai reçu ce livre pour mon anniversaire et, hier midi, ressentant le besoin de lire autre chose que de la littérature, je me suis plongée dedans. “Plongée” est bien le terme car j’ai été littéralement happée par cet ouvrage, sous-titré “Enquête sur le phénomène des disparitions volontaires”.
Pour être honnête, ces histoires de disparitions volontaires au Japon ne sont pas une nouveauté pour moi – je me souviens que le sujet a été évoqué à quelques reprises au détour d’un cours ou d’un séminaire à l’Inalco. Toutefois, à l’instar des enlèvements nord-coréens, cela reste un sujet dont on sait qu’il existe sans vraiment le traiter.

Ce livre est une excellente enquête sur la face cachée de ces disparitions : les motifs, les conséquences pour les disparus comme pour ceux qui restent, les bases sociologiques difficiles à appréhender pour un Occidental… C’est bien écrit, clair, concis, étayé par de nombreux témoignages et illustré de nombreux clichés. Ce travail en duo a le mérite d’éclairer une situation peu ou mal connue, y compris des Japonais eux-mêmes, et de le faire de façon intelligente.
A titre personnel, je regrette juste quelques poncifs du genre “Tokyo grouille, tentaculaire” ou “le baseball, pratiqué comme tous les loisirs avec l’esprit de vainqueur” (je dirais plutôt “comme n’importe quel sport” ?), et j’aurais aimé que la date de rédaction des articles (certains ont été publiés pour la première fois en 2009) soit précisée. Mais ne vous y trompez pas, c’est une lecture que je recommande !

Les évaporés du Japon – Enquête sur le phénomène des disparitions volontaires, Léna Mauger et Stéphane Remael, Les Arènes

Reading Challenge 2015 : a nonfiction book

Idées reçues sur le japonais

nihongoHier après-midi, alors que j’étais dans le métro, j’ai surpris une conversation entre deux jeunes gens (enfin, “surpris”… je pense que la moitié du wagon en a profité), dont la teneur m’a un peu hérissée. J’ai entendu pas mal de conneries autour de la langue japonaise, essentiellement des idées reçues, et j’avais envie de mettre les choses à plat.
Si j’avais eu plus de deux stations, je pense que j’aurais attrapé les deux interlocuteurs entre quatre-z’yeux pour leur apprendre la vie, la vraie. Bref.

“Moi j’préfère apprendre le japonais que l’anglais”.
Hem. Déjà, l’anglais “standard” est juste la langue la plus parlée au monde, celle qui normalement peut te permettre de te dépatouiller à peu près partout. A l’inverse, le japonais est parlé par 125 millions de personnes dans le monde, ET C’EST TOUT. Le Japon ayant perdu ses colonies (ou les nôtres) à la fin de la seconde guerre mondiale, aucun autre pays ne parle le japonais. Incroyable, non.
De plus, si tu n’es pas prêt à apprendre une langue dont la structure grammaticale, la pensée, le vocabulaire (en grande partie tiré de mots français), l’alphabet, etc. sont similaires aux nôtres, comment diable vas-tu te mettre à une langue qui nécessite de découvrir une nouvelle grammaire, trois systèmes d’écriture (oui, trois : deux syllabaires, plus les kanji), des degrés de politesse et des concepts qui n’existent pas chez nous, des structures franchement alambiquées, j’en passe et des meilleures ?
La seule chose que je suis prête à concéder, c’est que le japonais est plus facile à prononcer que l’anglais quand on est Français (et encore, je jetterai un voile pudique sur les “h” aspirés). Point barre.
Enfin, sache une chose : plus on parle de langues étrangères, plus il est facile d’en apprendre de nouvelles. A titre personnel, j’ai intégré le truc des “particules” (qui généralement indiquent la fonction grammaticale du mot/groupe de mots dans la phrase) grâce à mes déclinaisons latines.

Source
Source

“Tu vois, quand je regarde One Piece, je reconnais des mots comme “Matsumoto-san”, c’est trop cool.”
Je ne jetterai jamais la pierre à quelqu’un sur les raisons qui l’ont poussé à suivre tel ou tel enseignement. Personnellement, je me suis mise au japonais parce que j’aimais les sushis, les manga et la littérature japonaise classique. Ma belle-mère s’est mise au russe parce qu’elle n’a pas entendu son nom pour les cours d’allemand (elle est devenue interprète et a rencontré mon beau-père en URSS, comme quoi).
Toutefois, si ta seule motivation pour apprendre la japonais, c’est pouvoir lire les manga en VO et comprendre les paroles des groupes de J-Pop, ça ne va pas suffire. Il existe deux façons d’apprendre la langue, du moins en région parisienne : à la fac ou dans des cours d’initiation. Ces derniers sont bien (je ne les ai pas testés, mais j’en ai eu des retours positifs), si l’on part du principe que ce n’est qu’une initiation et que ça permettra de tenir une conversation basique.
La fac, en revanche, c’est du sérieux. En région parisienne (je ne parle que de cela car c’est mon unique référence), c’est soit à l’INALCO, soit à Paris 7. Dans les deux cas, c’est une formation extrêmement variée mais très orientée “littéraire”. Apprendre le japonais à la fac, c’est comme faire des études LEA d’allemand ou d’espagnol : on bouffe du texte, de la traduction, de la compréhension écrite et orale et de la civilisation. Vous avez très peu de chance d’apprendre à déchiffrer un manga. Mais attendez-vous à un cours magistral sur la notion comparée d’art et d’artisanat au Japon. Tout de suite, ça calme.
Accessoirement, le japonais enseigné à la fac est le japonais dit “standard”, qui sert avant tout à lire des textes et faire des recherches. Contrairement au japonais de la culture populaire qui est essentiellement une langue parlée qui ne s’enseigne pas vraiment…
Qui plus est, les débouchés sont maigres, surtout si on ne fait que ça : interprétariat, traduction, enseignement (si on est très bon), serveur dans un resto de la rue Sainte-Anne. Je caricature à peine.

Source
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“Nan mais j’m’en fous. Au pire, tu pars au Japon et t’apprends sur le tas.”
Encore une fois, tout dépend de l’usage que tu veux faire du japonais. Partir au Japon n’est pas une mauvaise idée en soi, mais il faut savoir à quoi s’attendre. Si tu pars avec un visa vacances/travail, 95% des boulots qu’on va te proposer, c’est… professeur d’anglais (par “professeur”, comprendre “baragouineur payé au lance-pierre pour faire gazouiller 25 mômes ou une demi-douzaine de vieilles pendant 50 minutes”). Difficile de progresser en japonais dans ces conditions.
En plus, au Japon, les étrangers ont tendance à vivre entre eux car il est très difficile de se faire des relations quand on ne parle pas japonais. Ou alors, il faut travailler dans une société japonaise, mais en général, ça implique de savoir faire autre chose que simplement aligner trois mots en idiome local (ingénieur, ça marche bien comme boulot). Et nous revoilà à la case départ.
Après, on y arrive. Apprendre sur le tas, ça se fait, il y a même des gens qui s’en sortent très bien et qui, au bout de plusieurs années (attention, le visa vacances-travail n’est pas renouvelable !), parlent comme les locaux. C’est là le hic : ils parlent, mais ils ne lisent ni n’écrivent, ou alors peu/mal. Et mine de rien, ça limite grandement les interactions et la vie quotidienne.

Source
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Conclusion
Je ne cherche pas à décourager les gens, ni à dire qu’hors la fac point de salut. Il faut d’abord et avant tout déterminer ce qu’on veut, avant de faire ses choix en conséquence. Est-ce que tu veux comprendre les manga et les dessins animés ou découvrir la culture japonaise en profondeur ? Est-ce que tu perçois cet apprentissage comme un passe-temps ou comme un choix de carrière ? Dans ce second cas, prépare-toi à en chier un peu et demande-toi ce que tu peux apporter de plus à un employeur en dehors de ta connaissance du japonais (tu veux devenir assistant de direction trilingue, tu travailles dans la restauration ou le luxe, tu es animateur pour le cinéma…).

Pour moi, apprendre le japonais a été une formidable ouverture intellectuelle. J’ai découvert une culture extrêmement riche, grâce à un enseignement complet et exigeant. Mais la langue japonaise est vraiment complexe et nécessite une vigilance de tous les instants : presque sept ans après avoir quitté la fac, j’ai de plus en plus de mal à déchiffrer mes kanji, et je ne parle pas de les écrire. Seul l’oral prédomine, souvent grâce à un bon dictionnaire et à un petit verre de saké.
Ce sont des choses à savoir avant de se lancer là-dedans, mais quand on a mordu à l’hameçon, cela peut être à la fois gratifiant et particulièrement addictif !